La région, championne de la revitalisation

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PPG, Stora Enso, Arc International, International Paper, La Redoute, Algeco, Française de mécanique, Tereos... La litanie est interminable – et pour tout dire très inquiétante – des entreprises qui ont dû fermer des sites ou qui ont supprimé des effectifs industriels
dans le Nord-Pas-de-Calais ces dernières années. Le traumatisme Metaleurop Nord, à Noyelles Godault, avec ses 830 emplois brutalement disparus, abandonnés par leur maison-mère suisse, est encore très présent dans tous les esprits. Mais paradoxalement, c'est de ce triste exemple qu'est venue la première illustration majeure de la redynamisation économique autour d'un sinistre industriel.

20 ans de conversion houillère

Laissé orphelin par son propriétaire, c'est l'Etat qui a donc pris la responsabilité de gérer le site le plus pollué de France, accompagné par l'Agglomération et la Région dans une démarche exemplaire. Les moyens n'ont certes pas manqué, avec un contrat de site copieux. Mais le secteur en avait un besoin impérieux : inorganisé avec des intercommunalités seulement naissantes, une perte considérable de taxe professionnelle, pas de capacités d'accueil, son potentiel de rebond était faible.
Une délégation de service public de revitalisation a été confiée à Finorpa, alors encore filiale de Charbonnages de France, grande spécialiste de la reconversion du bassin minier : créée en 1984 pour accompagner la fin des Houillères, la structure aura en 20 ans soutenu 2.300 projets portés par 1.800 entreprises, pour un montant d'investissement global de 500 M€ ! Autant de dossiers qui, agrégés, représentent 68.000 emplois promis. "20 à 30% n'ont pas connu de démarrage ou ont disparu. Il en reste 45.000", analyse avec honnêteté Jean-Marie Duvivier, Pdg de Finorpa Conseils, filiale du groupe financier en charge des projets de revitalisation. Une expérience précieuse qui reste l'une des forces de cette petite structure de six personnes qui rafle aujourd'hui une bonne partie des marchés des conventions de revitalisation en région. Finorpa en a décroché pas moins de 22, dont quatre sont aujourd'hui quasi closes, soit un total de 2.000 emplois à retrouver jusqu'en 2013.

Tous les grands noms de la réindustrialisation
Ces conventions se sont multipliées depuis la loi de 2002, qui oblige toute entreprise d'un groupe de plus de 1.000 salariés, dont la restructuration a un impact important sur son territoire, à lancer – et financer – une convention pour recréer autant d'emplois que ceux qui sont détruits. L'apport est en général de 4 Smic par emploi perdu, une somme qui permet ensuite d'accorder des aides et des prêts bonifiés. Avec l'effet levier, un euro apporté par l'entreprise en génère quatre autres en moyenne. Les premiers projets ont véritablement émergé en 2005, quand les décrets d'application ont été publiés. Depuis, les conventions ont fleuri sur la région, au gré des catastrophes économiques ou des restructurations. A telle enseigne que le Nord-Pas-de-Calais est de très loin la première région dans le secteur. On trouve du coup chez nous tous les grands noms de la réindustrialisation, Sodie, BPI, Altedia, parmi d'autres... Dans un cas, à l'occasion de la fermeture de Sodemeca à Seclin en juin 2010 (Michelin), c'est l'IRD qui est intervenu, au côté de Finorpa, suite à un contact privilégié avec le Pdg de Michelin Développement. "Nous avions déjà eu une petite expérience avec Danone, explique Olivier Coustenoble, en charge du dossier. La difficulté principale est de détecter les projets créateurs d'emplois. A l'IRD, nous avons des filiales de capital développement qui ont cette capacité". A ce jour une dizaine de dossiers ont été instruits par l'IRD dont cinq signés pour un total de 50 emplois.

Les clés du succès
"Il n'y a pas deux conventions qui se ressemblent. Le tempo est donné par les acteurs locaux", estime Yann Morvan, directeur du développement chez BPI, numéro un français du secteur avec 120 conventions au compteur, dont 10 en Nord-Pas-de-Calais. Evidemment, il sera plus aisé de recréer de l'emploi en zone urbaine dense qu'au fin fond de la campagne, à l'instar de cette convention prolongée d'un an dans l'arrondissement d'Hesdin, faute de résultats pour recréer 60 emplois.
Mais une bonne localisation ne suffit pas. La mobilisation de l'entreprise comme des collectivités est une nécessité impérieuse pour des opérations réussies. "Nous aurions pu payer à l'Etat un gros chèque et dire 'terminé' ! Mais nous avons voulu au contraire accompagner des entreprises qui créent des emplois dans la région, en partenariat avec Finorpa",explique Jacques Detavernier, directeur de l'usine PPG de Saultain. Le fabricant de résines, qui a perdu 205 postes, compte en recréer 166 avec Finorpa, le reste à travers l'aide à la création d'entreprise, le soutien à Val'Initiative et à Hainaut Entreprendre, ou encore la promotion de l'auto-entrepreneuriat.
La connaissance du terrain est aussi un présupposé pour réussir la revitalisation. "C'est pour ça que nous avons des relais locaux, explique Damien Ducourant, consultant BPI à Lille. Il faut savoir comment est composé le territoire, s'il y a une forte densité de Tpe ou de sièges sociaux, quels sont les secteurs soutenus par les territoires". Le professionnel du raccommodage économique souligne tout particulièrement le cas audomarois où la présence très active du chargé de mission de la CCI et l'implication très forte de l'agence de développement a permis d'identifier de nombreux projets (lire plus bas l'interview de Xavier Ibled).

L'Etat central
Un acteur joue un rôle majeur, l'Etat, toujours signataire des conventions. C'est le plus souvent le sous-préfet d'arrondissement qui pilote, coordonne, harmonise et examine les projets, en lien avec la Direccte (Direction économique et de l'emploi). "S'il n'y a pas un représentant de l'Etat qui tient la barre, ça peut vite devenir le capharnaüm. Il est arrivé que les acteurs y compris publics se tirent la bourre sur un même territoire", reconnaît Yann Morvan, chez BPI.
Par ailleurs, c'est l'Etat qui fixe la règle du jeu, et qui l'interprète. "Le plus gros dossier approché pour la convention Michelin portait sur 50 emplois. Mais la Direccte l'a jugé non éligible en tant qu 'activité de B to C. Les règles ne sont pas très ouvertes, il faut bien viser pour bénéficier du dispositif", lance Olivier Coustenoble. C'est encore l'Etat qui, face à la crise, a créé dans les régions la fonction de commissaire à la réindustrialisation, occupée chez nous par François Yoyotte. Très orienté à l'origine sur les filières et les bassins en difficulté (Calaisis, Dunkerquois, Valenciennois, Douaisis...), il s'attache à faciliter tous les dossiers majeurs, dans une logique interministérielle. "Au départ, mon activité accompagnement d'entreprises en difficulté était prépondérante, ça pétait de partout", se rappelle-t-il sans langue de bois. "J'ai été une burette d'huile".
Aujourd'hui, il intervient davantage dans le champ de la revitalisation et d'accompagnement des grands projets d'investissement. Il coordonne notamment le Fonds national de revitalisation des territoires, un outil créé en 2009 pour suppléer les entreprises dont la santé ne permet pas de payer une structure de redynamisation. Seule une partie de la région est couverte, avec une dotation totale de 15 M€.
C'est l'Etat encore qui apporte un soin tout particulier – sonnant et trébuchant – à fermer ses bases militaires dans l'ordre. Arras et Cambrai sont les deux sites concernés,
avec à chaque fois des "contrats de redynamisation du site de défense" (CRSD, doté par exemple à Cambrai de 34 M€). L'outil, appuyé par le Fonds de restructuration de la défense (FRED) est déjà intervenu sur plusieurs projets majeurs (JPB Groupe, lire par ailleurs, mais aussi Fleury Michon, parmi d'autres).
Reste que le savoir-faire de la région ne fait plus tout. Comme le reconnaît Jean-Marie Duvivier, "trouver des Pme capables de porter des projets de croissance crédibles et porteurs d'emplois à deux ou trois ans, c'est plus difficile qu'il y a 10 ans".

L'Audomarois a subi l'effondrement brutal des effectifs d'Arc International. Comment s'en sort-il ?
Dans la décennie 2000-2010, le territoire a perdu 7.000 postes de travail sur 32.000 au départ, dont 400 en confection, 700 en électronique et le solde chez Arc International. Le territoire a été très profondément atteint, c'est un traumatisme gigantesque. Et pourtant, sur la période, nous sommes restés à "iso-taux" de chômage.
Deux conventions ont été signées entre 2005 et 2010, qui exigeaient de mettre en oeuvre 1.330 emplois. A ce jour, nous avons obtenu 1.500 engagements et 900 emplois déjà réalisés, dont 330 chez Saverglass, et un total de 500 emplois industriels.

Quelles sont les recettes d'un territoire qui souffre pourtant d'enclavement ?
C'est une alchimie globale. Quinze jours seulement après la première annonce, tout le monde travaillait ensemble. Chacun a tiré dans le même sens depuis lors jusqu'à aujourd'hui. Je rencontre le président de l'agglomération de manière hebdomadaire.
C'était vital, on a pris le problème à bras-le-corps. Sinon, le chômage serait à 25 %.

D'autres entreprises ont signé des conventions sans avoir des résultats aussi forts...
L'entreprise a mobilisé sa responsabilité légale, mais elle l'a dopée, en terme financier, en implication des équipes et des réseaux. Il faut souligner aussi une gouvernance complètement partagée avec l'agence de développement économique, l'office de tourisme de pôle, l'agence d'urbanisme, la plate-forme d'initiative locale pour les micro-entreprises...

Quel rôle a joué la CCI ?
Elle est très présente dans Saint-Omer Développement. Mais elle a aussi aidé aux nouveaux investissements en contactant les entreprises, en les aidant à mener leurs projets. C'est un potentiel de 600 emplois sur trois ans.

Quelles sont les difficultés auxquelles se heurte la redynamisation économique du territoire ?
La stratégie de l'Etat peut poser problème en matière fiscale. Certaines différences amènent des effets induits. De 2005 à 2009, le bassin audomarois a bénéficié d'un contrat de site pour réaliser un certain nombre d'investissements, de création de zones d'activité. Aujourd'hui nous sommes en négociation avec l'Etat mais nous n'obtenons que du crédit commun, pas de dispositif fiscal spécifique.

La crise a-t-elle affecté le rythme des projets créateurs d'emplois ?
Le ralentissement est général. Les sollicitations de l'agence de développement sont beaucoup plus rares et quand il y a projet d'emploi, c'est avec un zéro de moins : au lieu de 200 ou 300, on est plutôt entre 20 et 30.

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