Guillaume Delbar : “Peu de villes ont autant d'atouts dans le nume?rique et le e-commerce ”

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Propos recueillis par Olivier Ducuing et Julie Dumez / Photos Sophie Stalnikiewicz

 

Quels sont vos premiers e?tonnements dans le monde public en tant qu’ancien dirigeant d’entreprise ?
Il y a une vraie diffe?rence entre le politique et le prive?. Vous arrivez du jour au lendemain a? la te?te d’une structure de pre?s de 2000 personnes et vous avez une semaine de transition pour affecter des missions a? 35 e?lus. C’est une configuration qui n’existe pas dans le prive?. Le rythme de sollicitations est impressionnant entre les rendez-vous institutionnels, les gens qui tentent a? nouveau leur chance apre?s avoir e?choue? avec la municipalite? pre?ce?dente et ceux rencontre?s pendant la campagne, je pourrais remplir l’agenda de dix personnes !

 

Avez-vous eu un choc culturel avec votre e?quipe largement issue du prive? ?

Il y a eu un choc culturel parce que nous sommes passe?s d’une logique de campagne en mode start-up a? une structure force?ment plus lourde avec la particularite? de devoir trouver un bino?me entre e?lu et DG mairie. De plus, on ne nai?t pas e?lu. Vous devez passer par une phase d’apprentissage, que j’avais de?ja? faite en partie en e?tant e?lu d’opposition.

 

 

Comment se ge?rent ces premiers mois ? Avez-vous garde? votre emploi de consultant inde?pendant ?

Avec le rythme qu’impose la fonction, j’ai abandonne? mes activite?s. Rationnellement, faire le choix de tout abandonner pour quelque chose de si ale?atoire peut parai?tre particulier. J’avais de?ja? pris des risques avant la campagne pour me donner les moyens de gagner la mairie. Certains ont attendu quinze ans pour re?ussir a? gagner une mairie. J’ai fait six ans d’opposition et je suis devenu maire. C’est force?ment plus complique? lorsque l’on vient du prive? mais tellement enthousiasmant !

 

 

Vous e?tes à la te?te de l’une des villes les plus pauvres de France. Pensez-vous e?tre en mesure de redresser la situation en un mandat ?
Nous avons en effet ces statistiques qui ne nous sont pas tre?s favorables mais il y a aussi la re?alite?. Nous avons la particularite? d’avoir un re?seau incroyable d’entrepreneurs, de gens qui ont re?ussi, rayonnent a? l’international et qui ont en- vie de nous aider. C’est un atout important pour re?ussir assez vite. J’ai organise? un petit de?jeuner avec 200 entreprises en leur disant : « j’ai besoin de vous pour redonner un avenir a? Roubaix ».

 

 

Le de?veloppement e?conomique rele?ve pluto?t de la communaute? urbaine et de la re?gion, pas de la ville...
L’impulsion doit repartir de la ville pour ensuite proposer les projets a? ceux qui en sont en charge. J’ai entendu dire pendant six ans que le de?veloppement e?conomique relevait de la communaute? urbaine. C?a ressemblait plus a? une excuse qu’a? une vraie strate?gie. Nous avons lance? Blanchemaille dix jours apre?s notre arrive?e. C’est a? dire que nous assumons aussi un rythme qui n’est pas un rythme institutionnel classique ou? l’on aurait donne? rendez-vous six mois apre?s. Nous avons garde? de la campagne l’esprit start-up pour innover. On ne fait pas semblant d’organiser l’e?conomie. Les entreprises cre?ent de l’emploi, nous sommes la? pour leur donner les moyens et mettre les gens en relation.

 

 

Concre?tement, que faites-vous ?
Nous organisons des rendez-vous mensuels the?matiques (PME, artisans, ESS,...), une communaute? se cre?e?e au- tour du nume?rique et du e-commerce avec Blanchemaille, et un club d’entre- preneurs prend forme autour du ze?ro de?chets. C’est surtout une capacite? de travailler ensemble : il n’y a pas une semaine sans contacts avec OVH. Je ne suis pas convaincu que les choses avancent avec des grand-messes, nous pre?fe?rons une logique de co-de?veloppement.

 

On voit tre?s souvent Henryk Klaba (OVH) a? vos co?te?s. Y a-t-il une mise en cohe?rence de la sphe?re publique et de la sphe?re prive?e pour de?velopper Roubaix ?
Il nous a dit que si la mairie n’avait pas change?, le groupe ne serait peut-e?tre plus a? Roubaix. Par sa vitesse de de?veloppement, OVH nous oblige a? aller tre?s vite. Ce co?te? de?fi me plai?t, c’est ainsi que l’on avance.
Pour Blanchemaille, nous avons de?ja? un tour de table avec le prive?. Si on peut le faire plus vite avec le prive?, on le fera avec ces acteurs, si c’est plus efficace. Sparkling Partners avec Martin Toulemonde et Jean Derreumaux, le Po?le re?gional nume?rique (PRN) et d'autres nous sou- tiennent. Et nous sommes ravis de jouer le ro?le de connecteur.

 

Venir du prive? « nume?rique », vous donne aujourd’hui des atouts ?

Oui car je comprends les contraintes et la ne?cessite? d’e?tre hyper re?actif. Si nous ne sommes pas capables d’avoir leur rythme, ils iront se de?velopper ailleurs. Et ce ne sont pas les excellentes relations humaines que j’ai avec eux qui changeront quelque chose. Nous avons l’obligation d’e?tre au niveau. Entre le premier contact et l’ouverture d’un datacenter, il s’e?coule onze mois au Canada. Cela nous oblige a? nous organiser, comme Valenciennes lors de la venue de Toyota. J’y travaille aussi a? Lille Me?tropole.

 

Diriez-vous que vos mandats a? Lille Me?tropole vous donnent tous les leviers ?

Ca me donne une vraie cohe?rence avec ce que je fais a? Roubaix. Pour le Campus Gare, c’est plus facile de convaincre l’IUT C de rester quand vous avez l’enseignement supe?rieur dans votre portefeuille a? la Communaute? urbaine. C’est aussi vrai de?s l’instant ou? il y a l’innovation. L’enseignement supe?rieur et la recherche sont nos emplois de demain. J’ai la chance de pouvoir travailler dans des domaines qui me passionnent.

 

 

Le muse?e de la Piscine est une belle re?ussite. Il est pourtant plus d’une dimension communautaire...
C’est une anomalie qu’il ne soit porte? que par la ville. Son rayonnement est un atout formidable. La ville ne peut plus le porter seule, a fortiori avec le projet d’ex- tension. Idem sur le parc Barbieux. Il y a un travail de rattrapage avec Lille Me?tropole et cela fait partie des sujets pointe?s avec Damien Castelain, qui a compris les enjeux. Peut-e?tre parce qu’il est maire d’une petite commune et qu’il comprend la ne?cessite? de respecter tout le monde.

 

Y aura-t-il des synergies avec Tourcoing pour porter le de?veloppement du versant nord-est a? LMCU ?
Nous avons tenu une re?union avec les adjoints des deux villes pour trouver des axes de mutualisation et e?viter les petites gue?guerres dont personne ne veut. La vraie question par exemple pour le CETI (Centre Europe?en des textiles innovants) n’est pas de savoir s’il doit e?tre a? Roubaix ou a? Tourcoing, c’est de savoir comment il fonctionne et comment nous faisons en sorte que ce soit une re?ussite sur le quartier commun de L’Union. Les me?mes obligations en terme d’e?conomies s’imposent aussi a? nous. Nous regardons sans a priori tous les domaines comme les politiques achats, la vide?o surveillance, la mutualisation de moyens pour les espaces verts, la police municipale.

 

 

 

L’Etat re?duit ses cre?dits partout. Le vivez-vous a? Roubaix ?

Paradoxalement, l’Etat nous impose des contraintes nouvelles, avec un budget de plus en plus re?duit. Donc nous es- sayons de diversifier les financements, d’aller les chercher sur les nouveaux pro- grammes re?gionaux ou europe?ens. Nous voulons e?tre pionnier dans des domaines comme le ze?ro de?chet pour en be?ne?ficier. Vous ne m’entendrez pas pleurer sur le de?sengagement de l’Etat. Une fois que l’on a fini de pleurer, on n’a pas avance?. Nous misons pluto?t sur l’anticipation. L’objectif n’est pas d’aller chercher des financements pour le plai- sir si cela ne porte pas sur un projet concret.

 

Vous comptez 95 000 habitants. Est-ce possible de remonter dans la strate des villes de plus de 100 000 ?
La densite? pour la densite? n’est pas un objectif, contrairement a? mes pre?de?cesseurs. Pour redevenir une ville attractive, il faut d’abord ame?liorer la qualite? de vie et re?gler un certain nombre de proble?mes de proximite?, du stationnement a? la proprete? en passant e?videmment par la se?curite?. A partir de ce seuil, la dotation globale de fonctionnement de l’Etat augmente cependant ... Dans nos difficulte?s, nous avons la chance d’une pe?re?quation importante. A nous de bien utiliser cet argent. Sur l’ANRU par exemple, il a sans doute manque? une dimension e?conomique dans les programmes. Si nous ne remettons pas de moteur e?conomique dans le de?veloppement urbain, nous risquons de devoir repenser les quartiers tous les 20-30 ans parce qu’on agglome?re des personnes en difficulte?.

 

Expliquez-nous ce qu’est le projet Blanchemaille, lancé lors de la campagne.

Il y a un an, alors que la Redoute connai?t des difficulte?s, nous sommes en campagne avec la conviction forte que nous avons des ressources sur le territoire pour rebondir. On se dit qu’il existe 40 000 m2 disponibles a? la Redoute et que c?a peut e?tre une base de reconque?te et de de?veloppement en attirant des start-up du e-commerce. Alors que nous e?tions en position de challenger et que personne ne nous donnait la moindre chance de gagner, nous constatons que l’ide?e re?sonne bien dans le monde e?conomique. Dix jours apre?s l’e?lection, nous lancions officiellement Blanche- maille, loin d’une vision a? l’ancienne avec un ba?timent emble?matique mais avec une logique d’e?cosyste?me. Aussi parce que La Redoute avait des contraintes a? re?gler et qu’il ne fallait pas que le mouvement s’essouffle. La dynamique Blanchemaille commence a? OVH, passe par le Campus Gare et finit a? l’Union et a? la Plaine Images. Je ne connais pas beau- coup de ville de 100 000 habitants avec autant d’atouts dans un domaine comme nous en avons dans le nume?rique et le e-commerce.

 

 

N’y a-t-il pas un risque de concurrence entre les diffe?rents sites re?gionaux ?

Pas du tout, d’abord parce qu’il n’y pas autant de start-up de?die?es au e-commerce a? Euratech. Nous sommes pluto?t dans une logique de spe?cialisation intelligente. Le risque de concurrence au- rait existe? si nous e?tions au de?but d’Euratech. Nous avons de?ja? des e?coles, des prestataires, des acteurs, l’e?cosyste?me existe de?ja?. Nous devons tous nous poser cette question de la spe?cialisation pour avoir un territoire ou? l’innovation se diffuse et non un territoire ou? l’innovation est cantonne?e a? une poche d’innovation dans un de?sert. C’est comme c?a qu’on s’en sortira collectivement.

 

 

On voit bien les connexions avec Euratech. Y en a-t-il avec le Louvre-Lens Valle?e, Calais, la fabrique a? l’image de Wallers-Arenberg ?

Ne voit-on pas un peu grand ? Nous devons travailler sur une strate?gie et une marque communes pour e?viter que chacun se de?veloppe dans son coin et travailler en re?seau. La force de Blanchemaille re?side dans son histoire et son ancrage local : la distribution et la VAD. Plaquer des logiques sans acteurs locaux ne fonctionne pas. La? encore, il est ne?cessaire de se connecter avec les universite?s, les grandes e?coles et la recherche.

 

Quand arriveront concre?tement les premiers emplois sur Blanchemaille ?

Pour l’instant, quelques emplois arriveront avec le Fablab, qui positionne Roubaix comme centre de fabrication nume?rique. Il faut de?ja? fixer les emplois de l’e?cosyste?me et faire en sorte que les gens se de?veloppent sur le territoire. N’oublions pas que nous ne sommes arrive?s qu’en avril. L’emploi est notre priorite? mais nous ne ferons pas de promesses ou d’annonces que nous ne pourrions pas respecter. Regardons OVH : leur dynamique de croissance est telle qu'il e?tait difficile de pre?voir il y a quelques anne?es qu'aujourd'hui ils embaucheraient 20 personnes par semaine. Face a? cela, nous devons e?tre modestes. Pourquoi nous, politiques, le saurions ?

 

L’Union patine, les projets d’implantation se font finalement rares...

Le CETI a trouve? un vrai de?veloppeur en la personne de Pascal Denizart. Je suis rassure? par sa vision. En mars, nous inaugurons Kipsta, un vrai signal fort avec un po?le assez unique dans le monde regarde? de pre?s par les grandes marques. Le reste est a? construire. Structurelle- ment, quand un acteur de cette taille sera ouvert, c?a va changer les choses, notamment aupre?s des investisseurs. Je suis aussi partisan que l’on regarde les synergies, comme l’accueil de la premie?re e?quipe du CEATech au CETI. Je sais que ce n’est pas du tout dans les plans puisque Pierre de Saintignon a de?ja?, contre l’avis du pre?sident de Re?gion et du pre?sident de Lille Me?tropole, fait des annonces. Il faut regarder intelligemment ou? poser cette e?quipe qui a vocation a? un rebond industriel. Ce sera re?ve?lateur de la capacite? a? penser la me?tropole et me?me la re?gion. J’assume le fait que ce n’est pas gagne? d’avance puisqu’on m’explique tout e?tait de?ja? de?cide? avant que j’arrive et que je n’ai qu’a? me prosterner devant ces choix. L’alternance, c’est aussi fait pour remettre en cause des choses et une manie?re de penser.

 

Comment vous positionnez-vous pour les e?lections re?gionales ?

Nous baserons la campagne sur un nouveau projet. La fusion s’impose a? nous. Je suis pour une campagne re?gionale tre?s offensive partant des territoires et capitalisant notamment sur l’alternance dans les villes. Nous nous voyons re?gulie?rement avec quelques jeunes maires. Je m’impliquerai dans la campagne car c’est important pour Roubaix d’avoir une re?gion ouverte et dynamique. Je ne me suis pas re?signe? a? ce qu’elle tombe dans l’escarcelle de Marine Le Pen parce que c?a serait une catastrophe, notamment pour le de?veloppement e?conomique. Et je me vois mal dis- cuter des priorite?s roubaisiennes au niveau re?gional avec le FN. Ces e?lections sont l’opportunite? d’ouvrir une nouvelle e?poque. Puis ce serait assez cohe?rent pour moi de porter les me?mes dossiers a? la Me?tropole et a? la re?gion.

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