Canal Seine Nord : touché, mais pas (encore) coulé

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La France va-t-elle saborder son canal Seine Nord Europe? La question taraude les élus de toutes chapelles et les forces économiques le long des 106 kilomètres de ce barreau fluvial qui doit relier le bassin parisien à l'Europe du Nord. On croyait le dossier verrouillé depuis le lancement du dialogue compétitif entre Bouygues et Vinci Concession pour désigner le lauréat du partenariat public-privé, tandis que les acquisitions foncières ont été menées à bien et que des premiers travaux ont été réalisés.

 

Chiffré en 2009 à 4,3 milliards d'euros, le projet aurait fortement dérapé, selon le ministre des transports Frédéric Cuvillier. 6 milliards, 7 milliards ? Une dérive vraisemblable selon certains experts, au-delà même de l'évolution des prix depuis 2009. « Le coût du canal Seine Nord n'a pas été sous-estimé », rétorque vivement Alain Gest, président de VNF, qui relève aussi « qu'on semble découvrir que dans un montage de cette nature (PPP), il y a le coût réel d'infrastructure puis il y a les loyers de remboursement et donc besoin de financement spécifique ».

Mais le désengagement au moins provisoire de Bouygue, du dialogue compétitif, et le lancement d'une mission de financement complémentaire par l'Etat forment de grosses fissures dans le béton du canal. « Une mission de faisabilité financière n'est pas pour me rassurer », s'est ému Marc Dolez, député Front de gauche, lors d'une réunion à Cambrai de l'association Seine Nord Europe. « Il faut adresser un message très fort sur notre vigilance, notre détermination à obtenir la réalisation de projet ». Il faut dire que les élus socialistes rechignent à porter le fer avec le gouvernement, déjà en grande difficulté sur nombre de dossiers. « On ne souhaite pas tirer sur le gouvernement », reconnaît-on au cabinet de Daniel Percheron, qui préfère pour l'heure les interventions officieuses dans les ministères.

[caption id="attachment_9864" align="aligncenter" width="150" caption="Jean-Pierre Decool. Pour le député, ancien président des maires du Nord, "Seine Nord est bien plus qu'une voie d'eau, c'est un vecteur de développement""][/caption]

 

Le canal Seine Nord Europe ne présente guère d'inconvénient. Report des flux routiers vers le fluvial, sécurisation de la ressource en eau, valorisation logistique par des plateformes intermédaires, pour éviter l'appropriation de l'infrastrucutre par les grands ports belges, très forte acceptation par les populations traversées, une perspective de 20.000 emplois directs et indirects à horizon 2025...L'intérêt économique est en effet central.

« Le canal nous permettra d’abaisser nos coûts de transport et de rester compétitifs par rapport aux pays de l’Est », confirme Laurent Martel, directeur général de Sénalia, l’une des 10 coopératives engagées dans le collectif « Union Canal Seine-Nord Europe » qui porte un projet de plate-forme logistique mutualisée située bord au futur canal.

Project bonds salvateurs ?

 « Il est urgent, non seulement de confirmer les financements de l’Etat et ceux des collectivités françaises, mais également de faire de Seine-Nord Europe la priorité française pour de nouveaux financements européens dans le cadre des programmes de financement du réseau trans-européen de transport (RTE-T) ou des futurs « project bonds » mis en place en juillet 2012 au niveau européen », lance Philippe Marini, sénateur-maire de Compiègne et président de l'association Seine Nord Europe, principal lobby territorial autour du projet.

En première mouture, l'Europe apporte 7% des fonds. Avec les project bonds, ce taux pourrait être porté à 20%.

Argument déployé par les zélateurs du projet pour emporter la décision de Bruxelles : les retombées économiques du canal profiteraient selon les études à 25% aux pays voisins.

Signe tout à la fois de la menace réelle mais aussi de l'enjeu national du sujet, Jean-Louis Borloo, ancien ministre de l'environnement, a décidé de mener le combat. Un cheval de bataille en or pour un poids lourd de la vie publique qui affiche de nouvelles grandes ambitions politiques. Arrivé en retard lors de la réunion de Cambrai, sa prise de parole a été d'autant plus remarquée. « C'est une chance invraisemblable! C'est un projet pour lequel il n'y a aucune contre-indication », a défendu avec fougue l'actuel député valenciennois.

[caption id="attachment_9863" align="alignright" width="150" caption="Alain Gest, président de VNF, en conversation avec Jean-Louis Borloo lors de la réunion publique de Cambrai"][/caption]

 

 

Pour lequel les atermoiements liés à l'évaluation précise de l'infrastructure, intégrée aux 30 projets prioritaires de l'Europe, sont une erreur grave, un mauvais message envoyé à Bruxelles. «Arrêtons d'arrêter », vitupère l'ex ministre. Pas sûr qu'il soit entendu, même si la messe n'est pas encore dite.

 

O.D

 

Le projet en chiffres

 

106 km entre Compiègne et le canal Dunkerque-Escaut

54 m de largeur

4,5 m de profondeur

4 plateformes dont la plus importante à Marquion (156 ha)

Estimation 2009 : 4,3 mds €

 

 

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