Christophe Praud, président national du CJD : "Un entrepreneur, c'est quelqu'un qui a confiance dans l'avenir"

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Photo Se?bastien Jarry recueilli par Olivier Ducuing et Julie Dumez

 

Quel est le sens de ce congrès ?
Le CJD a e?te? cre?e? en 1938, on a une tre?s longue histoire. Avec toujours cette baseline que l'e?conomie doit e?tre au service de l'homme. La production ne tire sa richesse que du bien e?tre qu'elle cre?e a? la socie?te?. Ces sujets nous ont toujours anime? sur le dialogue social, le de?veloppement durable, la performance de nos entreprises. Je rends mon tablier de pre?sident e?lu en 2012, et on clo?ture par un gros congre?s avec trois objectifs : nous e?clairer avec des prospectivistes, des philosophes, des sportifs qui nous emme?nent sur de nouveaux territoires de re?flexion. Ensuite une grosse se?quence d'atelier sur lequel les jeunes dirigeants vont produire : quand vous mettez 300 dirigeants sur un sujet dans une salle, vous ressortez avec quatre pages de bonnes pratiques, d'ide?es pour demain qu'on peut redistribuer a? tout le monde. Enfin on a un troisie?me temps festif car au CJD on aime bien faire la fe?te ! On devrait e?tre 1600 personnes, pour un mouvement qui compte 4000 adhe?rents.

[caption id="attachment_22251" align="alignleft" width="510" caption="Christophe Praud, président national du CJD"][/caption]

Pourquoi autant de monde ?
On pourrait se dire que comme le climat est plutôt tendu, les dirigeants n'ont pas trop envie de ces moments là. C'est le contraire. Le jeune dirigeant a la logique de prendre une, deux ou trois journées pour venir s'oxygéner. Je vais réfléchir sur autre chose, entouré d'entrepreneurs, de façon bienveillante et communautaire, je reviens boosté, avec quatre bonnes pratiques que je peux intégrer, je partage avec mes collaborateurs, cela crée une dynamique positive, on vient chercher un bol d'air. C'est pertinent car le pire dans notre situation économique, c'est le repli sur soi.

Quel est le profil type du jeune dirigeant ?

En moyenne , les entreprises des JD ont une vingtaine de salarie?s, mais cela correspond assez largement a? la moyenne franc?aise. Leur a?ge moyen est de 37 ans. Mais notre postulat est le me?tier de dirigeant, pas celui du secteur d'activite? ou du nombre de salarie?s.

 

Sur ce dernier point, que pensez- vous des effets de seuil, notamment celui des 50 salarie?s ?

C'est un vrai souci. Les chiffres parlent d'eux-me?mes. Il y a 50% de plus d'entreprises de 49 salarie?s que de 50! On ne passe ce cap que quand on est en forte croissance et qu'on ne peut pas faire autrement. Des tas d'entrepreneurs cre?ent une deuxie?me socie?te? pour e?viter les seuils. Le comite? d'entreprise et le dialogue social ont une vertu et doivent servir a? faire progresser l'entreprise et son bien-e?tre, mais il est dommage de passer par la contrainte. Il faut penser diffe?remment le dialogue social sans l'imposer par des effets de seuil.

 

Votre congrès porte entre autres sur la confiance, l'audace et "l'entreprise infinie". Un peu paradoxal dans la crise actuelle, non ?
On a beaucoup travaille? sur la notion d'entreprise agile, celle qui se fait confiance ainsi qu'a? ses collaborateurs . L'innovation client et l'ame?lioration passent par le salarie? et pas par une politique d'entrepreneur de?tenue par lui et impose?e aux autres. On a travaille? sur le bien-e?tre du collaborateur, sur un management propre a? faire e?merger les compe?tences et les bonnes pratiques. Cela demande la confiance en soi en tant que dirigeant et dans ses collaborateurs, c'est un e?le?ment cle? dans le management. On n'a aucune raison de ne pas faire confiance au salarie? par de?faut si on lui donne toutes les conditions et la liberte? de cre?er ce qu'il a envie de faire. Or dans beaucoup d'entreprises, c'est le contraire.
On a aussi de?veloppe? l'ide?e du droit a? l'erreur pour le salarie? : elle est souvent ge?ne?ratrice de progre?s s'il sait la positiver.

 

Confiance dans le salarié, d'accord, mais quid de l'écosystème ?

Oui les dirigeants sont en e?tat de de?- fiance par rapport a? l'environnement, le contexte qu'on leur impose. Les lois qui changent, les strates, les textes de loi, les quotas, les contraintes, chaque ministre qui veut ajouter sa touche, c'est insupportable. Mais le chef d'entreprise a confiance dans sa capacite? a? ge?ne?rer le profit ne?cessaire, chercher les innovations qui vont lui permettre de prendre de l'avance, a? traverser le cap difficile. Un entrepreneur, par nature, c'est juste quelqu'un qui a confiance dans l'avenir !

 Beaucoup de dirigeants en ont sans doute envie, mais on voit qu'ils repoussent leurs projets de recrutements, d'investissements…
Bien sûr ! Mais je ne me vois pas faire un congrès sur "pessimisme et défiance" ! On n'attend pas un congrès pour mener le travail de lobbying, on le fait toute l'année. On a des groupes de travail sur la simplification administrative, la fiscalité, les nouveaux modèles économiques, les stratégies d'alliance, et on fait des propositions au quotidien aux politiques. On est de vrais entrepreneurs de la vraie vie, avec notre patrimoine qu'on met en jeu.

Vous êtes entendu ?
On est écouté, pas toujours entendus. On ne négocie pas car nous ne sommes pas un syndicat.  Mais notre organisation est reconnue dans le monde politique. On contribue à améliorer des textes de loi dès lors qu'on est assez tôt sur le sujet. On est reçu par à peu près tous les ministères, on a beaucoup travaillé à l'époque des pigeons, sur la loi Hamon, on a rencontré son directeur de cabinet pour lui expliquer pourquoi sa loi était nulle.

J'étais chef de file aux assises de l'entrepreneuriat. On a deux pages complètes de points qui ont été changés, mais c'est un peu à la marge et souvent à une perspective de 5 ou 6 ans, comme la modification de la fiscalité sur les plus-values de cession...
Le PEA-PME c'est une bonne idée, mais il faut attendre que les fonds qui captent de l'argent le redistribuent, dans quelle entreprise… Dans l'économie réelle, le petti gars qui a son entreprise de chaudronnerie de 20 salariés à Colmar, les Assises, ça ne lui parle pas trop !  Ceci étant, pas mal de curseurs ont été bougés de façon plutôt favorable, mais ce n'est pas perceptible pour le commun des mortels.

 

 

On sent que notre époque vit une phase de mutation majeure. Comment le CJD s'inscrit-il dans ce mouvement ?
Par son ADN, le CJD a cette capacite? de mutation permanente de coller a? la re?alite? de ce qu'on vit : re?fle?chir, mener un travail prospectiviste, tester dans nos entreprises pour voir si c?a marche. Par exemple, on a travaille? sur le bien e?tre dans l'entreprise avec huit champs d'expe?rimentation, on essaie, puis on cre?e des outils de formation pour mieux le faire. Ensuite, seulement on influence. Seulement apre?s. C'est notre culture CJD.

Que pensez-vous de la réforme du régime des auto-entrepreneurs ?
L'auto-entrepreneuriat n'a pas été pris par le bon bout par Sylvia Pinel. A la base l'auto-entrepreneuriat est une bonne idée mais il faut créer les conditions pour favoriser le passage à l'entrepreneuriat. Faut-il mettre des taquets par ci par là, des curseurs, on peut réfléchir. Mais le vrai sujet est de former l'auto entrepreneur et s'inspirer de ce régime pour développer l'entreprise. Vous créer une auto-entreprise en une heure sur Internet mais il faut trois mois pour qu'une entreprise ait son Kbis. Une sarl, il vous faut un expert comptable, un banquier, déposer de l'argent, avoir un Kbis, le premier appel de cotisation RSI avant le premier euro de chiffre d'affaires ou le premier salaire, et il est impossible de faire un appel d'offres sans Kbis.
L'idée est plutôt d'inspirer l'économie de quelque chose de simple.
Mais il y a tout et n'importe quoi chez les auto-entrepeneurs. Sur un million de personnes, la moitié a fait zéro de chiffre d'affaires et seules 5000 embauchent derrière.
Il y a une bonne intention au départ, mal exploitée et ce n'est pas Sylvia Pinel qui allait changer quelque chose.
 

Comment le CJD, qui aime se projeter dans l'avenir, envisage la troisième révolution industrielle ?

La notion de de?veloppement durable, c'est le CJD qui l'a pose?e dans les anne?es 80. On a participe? au Grenelle. Dans notre logique entrepreneuriale, on a une re?flexion sur ces notions, l'e?conomie circulaire, de la fonctionnalite?, avoir une re?flexion sur l'utilite? de ce qu'on ache?te, ce qu'on met sur sur le marche?, ce qu'on consomme et les nouveaux mode?les e?conomiques. Dans le Nord, une trentaine d'entre- preneurs du CJD sont en expe?rimentation sur le sujet de l'e?conomie de la fonctionnalite?. Ils sont accompagne?s par des universitaires et des formateurs pour voir comment en pratique inte?grer ce sujet dans leur me?tier.

 

Mais plus précisément, que pensez-vous de cette mutation théorisée par Rikin qui annonce une nouvelle croissance notamment par le mariage d'Internet et de l'énergie ?
Je n'aime pas l'ide?e de la promesse de quelque chose de fini, encore moins quand cela vient de gens qui n'ont jamais mis les pieds dans une entreprise. Quand tu parles a? un entrepreneur, tu peux l'emmener loin, mais il ne faut pas oublier que son quotidien c'est souvent la survie. Il y a un caracte?re assez anxioge?ne dans ces mutations qu'on promet, qui ne sont pas un bon moyen d'attaquer l'avenir. J'en veux beau- coup a? tous ces gens qui mettent la pression sur tout le monde et qui culpabilisent le consommateur, l'usager, l'entrepreneur.

 

La région a produit bon nombre de pre?sidents du CJD. Y a t-il une identité nordiste ?

Le comportement du CJD dans le Nord correspond assez bien au comportement politique, qui m'a assez surpris. C'est une des raisons qui m'ont conduit a? choisir Lille pour le congre?s. Les luttes de clocher, les incompe?tences des collectivite?s, les strates qui nous cou?tent cher sans nous rendre meilleur, c'est un de mes combats. J'ai trouve? ici que quand la cause est bonne, comme la revitalisation, on sait se mettre autour de la table, faire tomber les clivages. Beaucoup de re?gions devraient s'en inspirer. Je suis en Alsace, on aurait des lec?ons a? prendre.

 

Quel bilan tirez vous de votre mandat ?

J'e?tais tre?s humble quand j'ai pris cette fonction, c'est une vieille dame. Je ne tire pas de gloire. Le CJD est un mouvement apaise?, solidaire, mais c'est une œuvre collective. Je suis content de laisser le CJD en bon e?tat, avec plein d'ide?es et de travaux, comme sur l'agilite?, qui seront poursuivis. Quand on sort de ce mandat, on n'est plus le me?me. Vous rentrez comme entrepreneur, quand vous sortez, vous l'e?tes toujours mais vous avez un statut un peu particulier.
Il faut que des gens de la socie?te? civile s'engagent en politique, j'ai beaucoup de respect pour eux. Je suis tre?s admiratif de ce que fait Denis Payre avec Nous Citoyens; ce sont des gens qui m'inspirent. Est-ce que demain j'accompagnerai des gens comme c?a, pour l'instant, la re?ponse est pluto?t non car apre?s ce mandat vous e?tes tre?s fatigue?.

 

La France se réconcilie-t-elle aujourd'hui avec l'entreprise?

Les Franc?ais se re?concilient avec l'entreprise. Les salarie?s ont souvent beaucoup plus conscience du ro?le et de l'importance de l'entreprise dans laquelle ils bossent que les politiques. Ce ne sont pas deux mondes qui s'ignorent. Je parle de la vraie entreprise, des 2,9 millions d'entreprises du territoire, pas du CAC 40. Le dirigeant croise ses salarie?s au Super U, les enfants sont dans la me?me e?cole... L'enjeu c'est d'abord d'entrer des commandes et d'e?tre solidaires.
On a pas mal d'abrutis qui continuent a? essayer de cliver car c'est leur fonds de commerce, sur un concept de lutte des classes comple?tement de?passé.

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