Damien Castelain, nouveau président de LMCU : “Je veux l’Économie et les économies”

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Photos Sébastien Jarry / Recueilli par Olivier Ducuing et Julie Dumez

 

On ne vous connaît pas. On vous dit de centre-droit ? Comment entendez-vous gouverner la métropole ?
La vraie terminologie est plutôt « position centrale ». Celle que l'on occupe ici à Lille Métropole avec cette spécificité de tous les maires des communes rurales qui composent mon groupe. Toutes nos listes sont d'intérêt général. Nous avons des gens de gauche, de droite, des Verts et nous composons des listes d'intérêt communal, c'est l'histoire même du GADEC (qui a précédé MPC, Métropole Passions Communes) et des communes rurales. Appliquer ici à Lille Métropole cette méthode de gouvernance, puisqu'il n'y a pas de majorité contrairement au mandat précédent, est quelque chose de facile et courant pour mon groupe et pour moi même.

 

 

C'est le retour au consensus Mauroy ?
Il y avait un consensus à la Mauroy, je vais essayer de construire un consensus à la Castelain, avec ma propre vision de la gouvernance, ma marque de fabrique et mon mode de fonctionne- ment. Sous Pierre Mauroy, le PS avait presque la majorité. MPC a beau être le premier groupe de la Communauté urbaine avec 51 membres, il en manque 40 pour atteindre la majorité. Je dois donc veiller aux équilibres politiques.

 

Vous allez fluctuer pour obtenir des majorités projet par projet ?

Je m’appuierai sur le programme métropolitain du groupe MPC, sur lequel les différents mouvements politiques m'ont rejoint dans l'exécutif. Lors du premier conseil d'installation, j’ai prononcé un « discours de politique générale » qui a permis de donner les grandes orientations pour que l'en- semble de mes vice-présidents s'y retrouvent.
La ligne est tracée, tout le monde va maintenant travailler dans ce sens. Il y aura forcément de beaux débats, quand on s'intéressera à des sujets comme le Plan local de l'habitat, mais
nous sommes dans une intercommunalité, pas à l'Assemblée Nationale.

 

Pourquoi avoir confié une vice- présidence au rayonnement international à Martine Aubry, qu'attendez-vous d'elle ? Un rôle d'ambassadrice ?
Je mets les meilleurs aux meilleurs postes. Martine Aubry a un nom, une image, c’est une personnalité reconnue, je pense qu’elle est la mieux placée pour mobiliser les fonds européens et passer les accords avec nos amis belges par exemple. Elle a une mission en Chine que lui a confiée le président Hollande et elle est aussi maire de Lille.

 

Vous avez été élu avec les voix de la gauche, est-ce que ce sera un « péché originel » qui pourrait vous entraver sur tout votre mandat ?
Il y a le temps de la campagne, et puis il y a celui de l’élection. Personne n'avait la majorité, il fallait trouver le consensus et le président rassembleur. Dès lors, ma candidature était légitime par rapport au poids de mon groupe. J'ai été élu avec 110 voix, le consensus était inévitable. D'ailleurs l'UMP avait déclaré que si elle gagnait, elle ouvrirait aussi son exécutif à la gauche. Comme disait André Diligent, les voix ne se trient pas, elles se comptent.

 

Quels sont vos objectifs prioritaires pour ce mandat, que vous abordez dans des contraintes financières trés difficiles ?
Les objectifs sont très clairs, ce sera un mandat très politique car nous devrons faire des choix tous ensemble. Les 11 Mds € de réduction qui touchent les collectivités locales devraient se traduire par une perte d'une centaine de millions d'euros pour Lille Métropole. Ce n'est pas rien. Je veux l'Économie et les économies : ce sera notre priorité. Nous avons de grands marchés publics, comme celui de l'eau. J'ai d’ailleurs nommé un vice-président en charge de l'évaluation des politiques publiques et un conseiller délégué à la stratégie des achats publics, à qui j'ai aussi confié la mutualisation.

 

 

Pourquoi n’aurait-on pas nous aussi des acheteurs publics à l’image des grands groupes ?

L'exécutif est très conscient de cette problématique et nous y serons attentifs dans la loi MAPAM*. C’est un peu comme la loi Peillon : « je vous donne la réforme mais c'est à vous de payer ». Nous sommes dans un contexte de réduction de dotation avec de nouvelles compétences et nous devons même réfléchir à des compétences optionnelles. Nous avons toute l'année pour mener la transformation de notre communauté en métropole européenne. Nous devrons faire des choix. Et il est extrêmement important que l’on soit tous bien conscients des enjeux et des virages à prendre, d'où ma décision de créer un conseil des maires.

 

Quelles seront les nouvelles compétences que vous confie la loi Mapam ?

Le développement et l’aménagement économique, l’énergie, le tourisme et les équipements culturels d’intérêt communautaire, avec pour ces derniers une prise en charge de la gestion. A ce titre, la commission de transfert de charges est fondamentale pour accompagner ce mouvement. Aucun élu n’acceptera des transferts de charges sans avoir une vraie vision budgétaire. La loi MAPAM nous fait par ailleurs l’obligation de créer un schéma de coopération transfrontalier : nous avons encore beaucoup à faire avec nos amis de l'Eurométropole, pour le développement économique ou la mobilité par exemple.

 

Vous créez une conférence des maires, un conseil des entrepreneurs... N'est-ce pas respectivement le rôle du conseil communautaire et du conseil de développement ?
L'idée de la métropole citoyenne est que le vice-président en charge de cette délégation, Bernard Gérard, puisse renforcer les liens avec les citoyens et les élus. Et je vous corrige : tous les maires ne siègent pas au conseil communautaire : ainsi, sur certains sujets, une assemblée plus réduite permet parfois des débats plus efficaces. Par ailleurs, nous n’avions pas ce lien élus-entreprises. Bordeaux ou Rodez ont déjà créé ce conseil des entrepreneurs, une instance où les entreprises peuvent s'exprimer, sans pour autant se substituer au conseil de développement, qui est plus connoté société civile.

 

 

Pour quel rôle ?
On doit définir les règles du jeu et dé- terminer comment le concevoir. Je souhaite que toutes les entreprises y soient représentées, pas seulement les grands groupes. Il faut que le petit artisan puisse s'exprimer au même titre que Cargill ou Lesaffre. J'imagine ce conseil des entrepreneurs comme un lieu de débat où l’on fait remonter les problèmes, les demandes et les attentes que l'on ne perçoit pas forcément.

 

Vous avez un déficit de notoriété ici mais aussi à Paris, ça peut être une difficulté pour appuyer nos dossiers régionaux auprès des instances nationales ?
Je n'ai pas besoin d'exister nationale- ment. Ce qui est important et je m'y attèle déjà, c'est de rencontrer tous les ac- teurs locaux qui pèsent au niveau métropolitain et qui peuvent nous aider, c'est là l'essentiel. Je m'occupe de la métropole. Nous sommes dans une intercommunalité, tous les réseaux sont ici. Ce qui compte est que le patron de la Région, du Département, le Préfet, les présidents de CCI, de la chambre d'agriculture, puissent nous soutenir, que nos parlementaires puissent être sensibilisés et relayer nos préoccupations. Nous réfléchissons également avec l'association des communautés urbaines de France sur l'impact des réformes de l'Etat, c'est le lieu où nous exerçons notre lobbying.

 

Vous vous engagez à la maîtrise des dépenses de fonctionnement, mais ne risquez-vous pas de devoir sacrifier aussi les investissements ?
Maintenir un investissement autour de 350 M€ par an est un objectif raisonnable. D'abord par la recherche d'économies, ce qui est largement à notre portée. Mais aussi avec une vraie culture de recettes : nous devons mieux mobiliser le contrat de plan Etat-Région et les fonds européens pour obtenir les subventions nécessaires. Ceci devrait permettre de maintenir le montant des investissements en refusant toute taxe additionnelle, mais aussi sans augmenter les taux des taxes existantes comme la taxe d'assainissement ou la TEOM.

 

Vous évoquiez le service public de l'eau, dont vous vous occupiez dans le précédent mandat. Que faire à la fin de la DSP ?
Nous sommes dans une démarche pragmatique de comparaison entre une très bonne DSP ou une très bonne régie. Les entreprises rendront leurs offres fin juin. En parallèle nos services étudient la régie. En fin d'année, l'ensemble des élus pourra juger, comparer et choisir la meilleure solution avec un seul objectif : que le prix de l'eau soit le moins cher possible.

 

La dette communautaire est assez élevée. Quelle trajectoire voulez-vous lui donner ?

Nous avons pour objectif de la réduire. Je vous en dirai davantage dans quelques semaines, au conseil de juin. Il faut relativiser la dette de Lille Métropole : à titre de comparaison Lyon avec son syndicat mixte des transports, affiche une dette de 2,8 milliards, contre 1,8 milliard pour nous. Je ne sais pas où est le bon curseur, mais plus vous diminuez votre endettement plus vous récupérez des marges et un autofinancement important. Nous avons déjà regagné des marges grâce au travail d'Alain Bernard lors du précédent mandat. Les emprunts dits « toxiques », qui représentaient 45% de notre dette en 2008 sont désormais à 10% et notre ambition est de les ramener à 8% fin 2014.

Le monde économique regrette souvent le manque de foncier disponible. Souhaitez-vous accélérer sur ce point ?
Qui maîtrise son sol maîtrise son développement. Je suis géographe, cette thématique me tient à cœur, j’ai d’ail- leurs nommé un vice-président en charge de la stratégie foncière. Le plan 1 000 hectares lancé depuis 2003 affiche un bilan plutôt positif puisque nous avons 717 hectares acquis et 570 aménagés. Le problème est l’accessibilité. Il faut que zone d’activité rime avec accessibilité pour pouvoir rai- sonner en termes de développement. C’est extrêmement important car nous aurons à voter un SCOT et un PLU à horizon 2016-2017, deux documents majeurs qui engageront la métropole jusqu’à 2030.

 

Après le Grand Stade et le métro, aurez-vous vos propres grands projets?

Il y a toujours un décalage entre le vote des projets et leur mise en œuvre : nous avons lancé le doublement des rames de métro lors de la précédente mandature, mais nous allons payer les 617 M€ sous ce mandat-ci. La communauté urbaine est déjà bien dotée en équipements majeurs et structurants, alors je souhaite d’abord revenir à nos compétences historiques, comme la voirie et les espaces publics, et développer une vraie logique de proximité. Nous nous concentrerons bien sûr sur l’urbanisme avec Euralille 3000, la zone de L’Union ou le quartier de la gare à Roubaix. Il faudra également penser de nouveaux espaces urbains et créer de nouvelles zones d’activité économique et nous allons encore programmer des opérations importantes comme l’agrandissement de nos gares, les restructurations de stations d’épurations et la création de déchèteries par exemple.

 

Allez-vous travailler à une convergence des collectivités au sujet de la thrombose routière ?

Je vais rapidement nommer une mission d’experts indépendants qui puissent nous apporter un éclairage pour avoir des éléments de discussion avec l’Etat. Je suis favorable à un débat public sur la liaison ferroviaire Grand Lille proposée par le président de Région. Je pense que l’hypothèse basse se situe à 1,2 md€. Mais il faut examine l’ensemble des paramètres : financeurs, montants, gains, bénéfices, etc. Nous pouvons aussi réfléchir au temps de la vie : 60 000 étudiants arrivent dans les universités à 8h30, peut-être que nous pouvons décaler les cours pour optimiser les flux dans le métro ? Il nous faut commencer par trouver des solutions alternatives et donner un signal fort dans les plus brefs délais car même s’il y a un contournement sud, ce n’est pas sous ce mandat qu’aura lieu le premier coup de pioche.

 

Le logement est-il toujours l’une des priorités de Lille Métropole ?

Toujours, surtout avec une demande de 50 000 logements. Il faut maintenir le cap de 6 000 logements neufs par an et réfléchir à la réhabilitation de logements anciens pour lutter contre un réel problème de précarité énergétique.

 

 

Peut-on imaginer un allègement de normes qui faciliterait la sortie de nouveaux programmes, à la peine en raison d’un pourcentage élevé en logements sociaux?
Martine Aubry avait une vision ambitieuse des 30% de logements sociaux, supérieure à la loi qui en prévoit entre 20 et 25% en fonction de la taille des communes. J’ai indiqué dans mon discours d‘ouverture du conseil que nous réfléchissions à un allègement du programme local de l’habitat (PLH) dans le respect de la loi. Entre 25 et 30% nous devrions aisément trouver un compromis.

 

Quelle est votre ligne en terme d’innovation et de recherche ?

Nous allons évidemment continuer à soutenir les pôles de compétitivité et d’excellence. Ce sont des fleurons de notre économie. J’ai même envie d’en créer un nouveau, « Euralimentaire » autour du Min de Lomme. C’est d’ailleurs la première fois qu’est nommé un vice-président à la recherche et à l’innovation, en l’occurrence Guillaume Delbar, maire de Roubaix, cela montre l’importance que j’accorde à ce secteur.

 

Quels liens envisagez-vous avec les milieux économiques ?

Des liens étroits et constructifs, enrichis de nombreuses rencontres et de déplacements sur le terrain. Je serai à l’écoute de l’ensemble des milieux économiques, et j’ai déjà rencontré à plusieurs reprises Frédéric Motte (président régional du Medef, ndlr) que je connais bien. Vous l’aurez compris l’économie est ma priorité.

 

Votre discours ressemble à celui d'un chef d’entreprise. Êtes-vous d’accord avec cette vision des choses ?
Je crois que c’est ma façon de fonctionner, c’est la méthode Castelain. J’ai 6 ans pour prouver que je suis avant tout un métropolitain et pas seulement le maire de 900 habitants.

 

On vous l’a beaucoup servi...
Je m’y attendais. J’ai géré pendant près de 10 ans un budget de 350 M€, un budget supérieur à celui des villes de Roubaix et de Tourcoing réunies. Je suis à la communauté urbaine depuis 1995, j’ai été conseiller, VP, 1er VP, je suis né à Tourcoing et oui j’habite Péronne-en-Mélantois, un petit village dont je suis fier. Un Président atypique suscite forcément des commentaires de cette nature, mais ça ne me dérange pas.

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