Les produits de la mer en quête de matière grise

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

Le poisson boulonnais n'a toujours pas gagné la bataille de la valeur ajoutée. " C'est une filière où traditionalisme et corporatisme sont encore bien ancrés dans les mentalités ", note Thierry Missonnier. A Boulogne, l'homme est incontournable : il dirige le From Nord, la plus grosse organisation française de producteurs de la façade atlantique, soit 98 000 tonnes de poissons débarqués par 211 navires. Mais il préside également le centre technique Haliomer, tout en pilotant le pôle de compétitivité Aquimer.

Autant dire que l'avenir de la filière " produits aquatiques " ne se fera pas sans lui. Or la région s'apprête à mettre les bouchées doubles après le sauvetage du cluster l'été dernier : que ce soit avec " Capécure 2020 " ou avec la plate-forme " Nouvelles Vagues ", présélectionnée en septembre parmi les 17 dossiers présentés dans le cadre du deuxième appel à projets des pôles de compétitivité.

En parallèle, le Conseil Régional doit présenter un plan de développement de l'aquaculture, qu'avait déjà évoqué Daniel Percheron lors d'un déplacement au lycée de Coulogne en mars 2008. Sujet compliqué quand le principal aquaculteur régional, Aquanord, qui a pu produire jusqu'à 2500 tonnes de bars et de daurades par an dans les eaux chaudes de la Centrale de Gravelines connaît les affres du redressement judiciaire depuis le 2 février dernier. Une solution est toutefois en vue avec Copalis et un opérateur scandinave.

La page Comilog fermée

La filière régionale sera-t-elle à l'heure du rendez-vous de la valeur ajoutée dans cette mondialisation croissante où les centres de gravité du poisson transformé se déplacent toujours plus facilement sur la planète?
Boulogne a voulu rentrer dans le troisième millénaire de plain pied en effaçant les traces du ferro-manganèse de la Comilog. Très vite, l'agglo présidée par Frédéric Cuvillier, député-maire de Boulogne, a refermé la page de la Comilog qui défigurait son port, après avoir assuré l'emploi, et nuisait à l'image de la filière comme de la cité.

En investissant plus de 175 M€, le port a réalisé les investissements les plus importants depuis 1960 en faisant le pari du " Hub port ". Pari risqué et loin d'être gagné.
Car le port, qui défend sa notion de " Port Omnium ", est aujourd'hui en très grand péril faute de trafic, et dont le concessionnaire consulaire est lui-même en situation financière critique au point d'avoir du demander une rallonge de 3 millions d'euros au conseil régional ces dernières semaines. L'ambition portuaire repose sur la reconquête de nouveaux trafics commerciaux, mais aussi du trafic transmanche et un gros développement de la plaisance (certains évoquent un projet à 1000 anneaux), mais sans oublier le poisson qui reste la " carte maîtresse " de son développement.Tout le poisson : celui de la pêche hauturière comme celui des côtes, mais aussi celui des élevages d'eau douce ou de mer. Avec les entreprises boulonnaises, mais aussi avec celles implantées à Arras (Leröy Seafood ), Loos en Gohelle (Truite Service), Roncq (Thalassa Excellence) ou Vendin-le-Vieil (Simon-Dutriaux).

" Le poisson, c'est notre vitrine ! ", plaide toujours la CCI. En juin dernier, le président de région Daniel Percheron martèle la même vision: " Pour Boulogne, je dis priorité un le poisson, priorité deux le poisson, priorité trois le poisson! ". Il n'empêche, vingt ans après le démarrage du plan Capécure I, Boulogne ne peut toujours pas prétendre au statut de " grand complexe agroalimentaire de taille nationale " revendiqué en 1980.

" Le milliard de francs de Capécure "

Pendant longtemps, le port a occupé les premières places pour le filetage de poissons, en s'appuyant sur des formations uniques en France. La filière a gagné également la bataille de la mise aux normes sanitaires. Décidé en 1993, le plan Capécure I s'est achevé dix ans plus tard avec la création des halles réfrigérées et de la gare de marée la plus importante d'Europe (112 portes et 11 000 m2). Elle s'est accompagnée de la création du centre de formation aux produits de la mer et de celle de l'IUP-IUT agroalimentaire qui a formé les ingénieurs qualité capables d'encadrer la filière.

A Boulogne, on évoque toujours " le milliard de francs de Capécure " qui a permis une telle mise à niveau.
Mais depuis, les lignes ont encore bougé. La logistique, la transformation, les plats préparés, la cuisson de crevettes... Si Boulogne a dû faire face à quelques échecs -le départ de Pomona, l'arrêt de Cap BG ou de Gustave Le Mesle Tradition nés chez Haliomer, le port a engrangé quelques réussites d'envergure. Elles vont du développement de leaders mondiaux comme Marine Harvest, Sofranor, Unima Frais, à l'essor de PME comme Olivier Maes, Entrées de la Mer, Vivien-Marins, JC David, Océan Délices... (voir encadré), ou à la montée en puissance des Fodix, Icelandic, Capitaine Houat ou Findus.

Des développements possibles parce que le " centre leader européen des produits de la mer " peut notamment s'appuyer à la fois sur " un réseau d'entreprises implantées sur un même site ", sur ses centres de recherche et de formation et  sa pépinière d'entreprise (Haliomer, Haliocap...).

L'atout logistique

Pour Pascal Labarre, consultant " produits de la mer " à la CCI et à la mission Capécure 2020, la logistique est un des atouts décisifs.
Les transporteurs ont su profiter de ce savoir-faire local et de la position stratégique du port. L'activité emploie plus de 600 personnes. Norfrigo, forte de 130 000 m3 d'entreposage (25 000 palettes à -20/25°C), capable d'absorber 200 000 tonnes de flux annuels, vient d'investir 4,3M€ sur son site. Sa filiale Packopale a fait passer ses capacités de 6 à 10 000 tonnes de produits reconditionnés par an. Depuis juin, Géostock a mis en activité un entrepôt frigorifique de 30 000 m3, soit 6000 palettes, pour un investissement de 6M€.
" Nous avons dépassé les obligations réglementaires et sanitaires. Aujourd'hui, Boulogne doit parler stratégie " insiste Pascal Labarre. Une réelle opportunité, car la filière a le vent en poupe, même si des remises en cause sont parfois douloureuses.

Les produits de la mer élaborés, pratiques, goûteux sont de plus en plus plébiscités à un moment où il n'a jamais été autant question de la diminution de la ressource.
Le poisson est à la mode. Il bénéficie d'une forte image auprès d'un consommateur épris de naturalité, demandeur de services (un peu) et de rêves (beaucoup).
De quoi placer les industriels de la 2ème, 3ème voire 4ème transformation sur la ligne de départ. Un terreau favorable à de nouveaux investissements ou à de nouvelles créations. Dans ses tiroirs, Jean Deterre le patron boulonnais de Marine Harvest a depuis longtemps des projets d'extension sur la nouvelle zone d'activité... qui n'attendent plus que le feu vert de son  board norvégien .

Haliomer puissance dix

Pour la première fois en 2010, le poisson de notre assiette proviendra plus des élevages aquacoles que des captures pratiquées sur les mers du globe. " Ce sont les produits aquatiques les plus échangés au monde ! ", rappelle Thierry Missonnier, pour qui de tels changements obligeront la filière à de véritables sauts technologiques et des efforts importants de recherche.

Le pôle filière " produits aquatiques " devenu Aquimer s'est vite mis au travail, après un temps de rodage. Il compte désormais 50 entreprises adhérentes, 60 membres partenaires, 16 laboratoires membres et 60 labos partenaires. " C'est dans cet univers de PME-TPE que les besoins sont les plus criants, mais c'est là aussi que les projets sont les plus difficiles à monter. On a néanmoins labellisé 58 projets pour 103M€ ", souligne son directeur. 37 projets ont été financés dont 16 sont achevés. " 75% des projets présentés aux différents financeurs ont été financés ", rajoute-t-il.

Le pôle travaille au projet " Nouvelles vagues " qui doit être déposé à Paris en juillet 2011. " Ce sera une plateforme d'innovations où nous concentrerons les compétences scientifiques. Un Haliomer puissance dix. Un concentré de cerveaux et de technologies ", résume-t-il. Thierry Missonnier et Xavier Joly, président et directeur d'Haliomer, ont des objectifs ambitieux pour l'ex-CEVPM, dans lequel ils voient le nouveau catalyseur des énergies boulonnaises.

Le défi du lien recherche-entreprise-pêche

Le centre doit accéder à une nouvelle dimension en regroupant des scientifiques de l'Ifremer, de l'INRA de Saint-Pée-sur-Nivelle, des industriels, des techniciens, des spécialistes du marketing et de l'analyse sensorielle...
" L'imbrication de la recherche et des scientifiques auprès des entreprises et des professionnels de la pêche est un défi impératif qu'il nous faut relever ", souligne de son côté Dominique Godefroy, le directeur de l'Ifremer.
A Boulogne, un  nouveau vent serait-il en train de souffler?
La mission Capécure 2020 " pour plus d'innovations et plus de valeur ajoutée ", y travaille. Créée en 2009 à l'initiative de la Communauté d'Agglomération de Boulogne et du Conseil Régional, elle organise une réflexion collective sur les enjeux futurs. " Cet outil consultatif doit nous aider à voir clair et à faire les choix appropriés ", soulignait d'ailleurs Jean-Marc Le Garrec, vice président de la CCI de Boulogne-sur-Mer.
Boulogne vers plus d'agroalimentaire associant le poisson, les légumes ou la viande ?
" En tout cas, l'enjeu actuel est qu'il y ait le plus de poissons transformé à Boulogne ", explique Thierry Missonnier. Reste une question de fond : la nouvelle croissance de Boulogne pourra-t-elle se faire avec de nouveaux partenaires extérieurs ?

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