Jacques Hardoin

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

La presse quotidienne perd depuis des années des lecteurs dont l'âge moyen s'élève. Est-ce inéluctable ?

Dans un monde globalisé, les gens ont un besoin d'info de proximité. Les gens veulent savoir ce qui se passe autour de chez eux et participer à la vie locale. L'information locale a de l'avenir, la question ne se pose même pas. D'ailleurs, l'audience de la presse quotidienne ne baisse pas. Elle est même en augmentation grâce à nos sites Internet.

 

Bio Express

Jacques Hardoin, 57 ans, est père de deux enfants

1978
Entrée dans le groupe Ouest France, directeur adjoint des relations publiques

1987-1992
Directeur de la publicité chez Ouest France

1992-1995
Directeur général du groupe de journaux gratuits Carillon (toujours groupe Ouest-France)

1995-1997
directeur du marketing

1997-2002
directeur délégué dimanche Ouest-France

2002
Entre à la Voix du Nord comme directeur général adjoint

Depuis octobre 2004 : directeur général

 

Et il faut tordre le cou aux clichés. La PQR n'est pas lue que par des vieux! Notre lectorat a la même structure que celle de la population. Les jeunes ont un vrai intérêt pour l'information locale. On distribue tous les jours 3000 exemplaires de la Voix et Nord Éclair dans les universités et les grandes écoles lilloises Ils ont par contre du mal a acheter le journal tous les jours comme le faisaient leurs parents. La force d'un quotidien régional comme le nôtre, c'est sa marque. Notre notoriété spontanée est énorme, notre crédibilité aussi. Notre pari est de maintenir l'attachement des jeunes à cette marque comme auprès de leurs parents et grands parents. La disparition des points de vente en ville est un souci de ce point de vue.

L'exposition à la marque se fait par le papier, par le numérique, mais aussi par des événements : si on fait la Voix du Rock à Tourcoing, c'est aussi pour que la marque Voix du Nord soit familière aux jeunes. Quand on est passé en tabloïd en 2006, et qu'on a fait venir David Guetta avec son album " fuck me i'm famous " sur la Grand'Place, devant 8.000 jeunes, avec la projection sur la façade des Unes de la Voix, ça procède de la même démarche.

L'info locale a de l'avenir, mais sur quel support, papier ou numérique ?

Nous vivons une période formidable de très grande mutation comme nous n'en avons jamais connue. Il y a eu quelques évolutions technologiques entre Gutemberg et les années 80 et après c'est allé beaucoup plus vite avec l'informatique. Mais, depuis cinq ans, nous constatons une accélération terrible. Qui aurait dit en 2005 que nous aurions des tablettes numériques vendues peut-être 200 euros demain ?

Cela ouvre des perspectives formidables à l'information de proximité. Depuis 30 ans j'ai entendu dire: " on ne peut pas faire ceci ou cela ", du fait des limites des rotatives, des contraintes horaires, du coût du papier... Impossible par exemple de faire 48 éditions de la Voix du Nord pour ces raisons. La révolution numérique permet d'aller encore plus vers la proximité.

 

Vous venez de lancer une application i-pad. Est-ce du gadget ou une vraie évolution ?

Je pense qu'il y aura un vrai développement de ces tablettes, et que nous n'en sommes qu'au début. Dans cinq ou dix ans, il y aura des tablettes d'un demi centimètre d'épaisseur, que l'on pourra rouler. Nous voyons le numérique comme un vrai atout sans pour autant renier le papier. Personnellement, je ne pense pas un instant que je verrai un jour la disparition du journal papier.

Quelle est la ligne stratégique du journal ?

Ce journal a trois missions sur la région, que nous partageons avec sa rédaction, et que je rappelle à chaque fois que j'embauche un journaliste. C'est d'abord l'information, un métier compliqué, exigeant, difficile, que nous essayons d'exercer le plus honnêtement possible. Secundo, c'est le service rendu aux lecteurs. Pas seulement l'info service des horaires de la piscine, mais aussi le sens, l'explication, depuis le projet de quartier aux questions planétaires. Tertio, l'accompagnement du développement économique social, culturel et sportif de la région. Nous ne sommes pas qu'un observateur qui compte les points. C'est parfois un peu compliqué car cela peut être en opposition avec notre première mission. Mais vous pouvez soutenir un projet et dire dans le journal que tout n'est pas bon dans ce projet. Le journal soutient par exemple le Louvre Lens et publie tous les six mois un supplément pour accompagner la construction de ce musée. Mais si demain il y avait des dysfonctionnements ou un dépassement anormal du budget, il est évident nous le dirions.

La révolution numérique modifie-t-elle votre stratégie ?

L'information locale a de l'avenir, le numérique est une chance, et cela nous oblige à remettre en cause nos modèles économiques. Car la rentabilité des entreprises de presse est très affectée. On doit compenser cette baisse en augmentant le prix, mais cela n'est pas une bonne chose.
Nos entreprises ont beaucoup de frais fixes, et font leur résultat sur les deux derniers mois. Depuis plusieurs années, les chiffres d'affaires sont stables voire à la baisse. 60% des revenus viennent de la vente du journal et 40% de la publicité. Nous sommes aussi affectés sur les petites annonces, parties vers le Net, gratuitement. Avec la crise de 2008, le marché de l'emploi a encore baissé et l'immobilier aussi. Néanmoins, la publicité nationale s'est stabilisée voire a même augmenté grâce à la fragmentation des audiences TV. Des annonceurs, de la grande consommation par exemple, reviennent vers la PQR.

Comment faire rebondir ce modèle classique de la PQR ?

Il est stratégique de réduire nos charges. Notre développement nous permet de mutualiser un certain nombre de moyens, et de réaliser des économies de back-office comme les ressources humaines, la finance, les systèmes d'information, le marketing,...qui améliorent notre productivité et notre compétitivité. Si nous avons sauvé Nord Eclair, c'est en gardant d'un côté une rédaction totalement autonome de 55 journalistes, mais en mettant en commun tout le reste. En 2002, Nord Eclair perdait 6 M€.Aujourd'hui, il est à l'équilibre.

En janvier 2009, nous avons installé la structure " Groupe La Voix " qui fonctionne dans la plus grande synergie possible avec un comité de direction groupe, qui réunit les patrons opérationnels des différents pôles du groupe (quotidiens, hebdomadaires, presse gratuite, audiovisuel communication) et tous les services ressources. Nous menons de plus en plus des opérations de communication mixte, avec l'offre plurimédia du groupe. Nous avons conforté cette offre par la prise de contrôle l'été dernier d'une société d'affichage Get B affichage à Saint Omer.

La stratégie du groupe est d'avoir des entités autonomes dans les contenus,métier de l'information à la fois que chacun soit autonome dans ses contenus, son métier de 'information, mais aussi de proposer aux annonceurs des offres de communication plurimédia, incluant presse, audiovisuel, marketing direct, affichage, street marketing, événementiel.

Il vous manque la radio. Vous en aviez une autrefois...

C'est vraiment dommage que nous n'ayons pas gardé RV N (Radio Voix du Nord, créée en 1984, disparue en 1998, ndlr). Nous sommes prêts à regarder tous les dossiers qui pourraient se présenter sur le sujet.

Vous avez racheté le Courrier Picard l'an dernier, quel en est l'intérêt ?

En 2009,notre chiffre d'affaires était de 206 M€ sur lesquels la Voix, qui reste la colonne vertébrale du groupe, pèse 150 M€. Cette année, nous rajouterons les 30 M€ du Courrier Picard. Ce quotidien a perdu 2 millions d'euros en 2009. Nous avons été les seuls à faire une proposition de reprise malgré l'intérêt stratégique qu'il pouvait représenter pour d'autres groupes de presse, pour Hersant Média par exemple. Cela avait un vrai sens économique car industriellement, maintenir une imprimerie pour 70.000 exemplaires est totalement déraisonnable, alors qu'une machine imprime 40.000 exemplaires/heure. Nous imprimons depuis le 21 septembre le Courrier picard dans notre usine de La Pilaterie à Marcq en Baroeul, ca cela coûte moins cher au Courrier Picard et cela permet à la Voix de mieux amortir son outil industriel.

Pour autant sa rédaction reste totalement autonome. Je ne crois absolument pas à l'idée que l'on puisse faire des économies sur les contenus car cela fragilise notre rapport de confiance avec les lecteurs.

N'y a-t-il pas un risque de monopole, surtout quand les nouveaux titres échouent comme Latitude Nord ou Entreprises & Management ?

Est-ce la faute de la Voix si ces titres n'ont pas réussi ? Je ne le crois pas ! Le groupe n'a rien fait pour nuire à ces initiatives et a même plutôt aidé. Pour Entreprise & Management, nous avions mis en place une opération de couplage publicitaire. Nous avons lancé Nordway et nous mesurons que sans l'adossement au groupe, c'était impossible de réussir un pari comme celui de Latitude Nord.

Je pense que la vraie défense du pluralisme, ce sont des groupes régionaux forts. On peut aujourd'hui imaginer que certaines régions françaises puissent se retrouver demain sans quotidien régional.

Vous vous êtes lancé dans la télé avec Weo il y a 18 mois. En êtes-vous satisfait ?

L'offre sera de plus en plus multicanal. Notre engagement dans Weo tient plus à la volonté d'apprendre à manipuler l'image que de faire seulement une télévision. La région a été la dernière à pouvoir expérimenter la télévision locale. On savait donc ce qui se passait ailleurs et que pas une télévision qui était lancée n'était rentable. Nous avions décidé de nous lancer dans ce projet grâce à des accords avec le Conseil Régionalsur cinq ans. Sans cette envie partagée avec une grande collectivité territoriale, d'autres investisseurs comme le Crédit Agricole et la Caisse d'Epargne, nous n'y serions jamais allés tout seuls, c'est trop risqué.
La finalité est de créer une vraie télévision qui serve son territoire et pas tel ou tel exécutif. Là dessus Daniel Percheron, et nous, avons toujours été extrêmement clairs, et c'est ce qui a permis à ce projet d'être soutenu par une très large majorité des élus du Conseil Régional..

A-t-elle trouvé son public ?

Les chiffres sont plutôt favorables. La dernière enquête Médiamétrie montrait une progression de nouveau de 32% entre juin et décembre 2009. Le passage de la région en tout TNT va créer un boom sur l'audience. Sur le plan qualitatif, les résultats sont aussi très positifs. Cette télévision est perçue comme sérieuse mais aussi faisant une large place à la bonne humeur. Les gens disent qu'elle incarne bien l'identité régionale.

Vous avez aujourd'hui un site Internet puissant mais gratuit. Comment le valoriser ?

Ce n'est pas possible de rester sur du Net tout gratuit. Le groupe compte 500 journalistes. Cela a un coût, c'est évident. Nous avons démarré par une offre gratuite pour conquérir de l'audience, créer une habitude : les résultats sont plutôt bons. Nous sommes dans le tiercé de tête de la PQR en audience de site, avec 3,5 millions de visiteurs uniques sur le mois de septembre, par exemple.

La deuxième étape consiste à demander aux internautes de s'identifier quand ils viennent sur nos sites. Nous l'avons expérimenté sur nos sites thématiques, la Voix des sports, la Voix Eco, la Voix au féminin et bientôt notre site sur le développement durable dont le nom de code est " la Voix verte ".

La troisième étape que nous espérons mettre en place pour septembre 2011, ce sera le paiement. L'abonné papier aura l'accès gratuit à un certain nombre de services. Nous voulons aussi développer une offre bimédia, papier le week-end, Internet la semaine, qui répond mieux au rythme de vie des habitants.

Votre actionnaire belge Rossel s'est positionné sur la reprise du Parisien. Y aurait-il des synergies avec la Voix ?

Ce n'est pas nous qui portons le dossier, mais notre actionnaire le groupe Rossel avec un Fonds d'investissement. Le groupe La Voix n'est donc pas concerné à ce stade.. Si l'opération se réalisait, il n'est pas du tout prévu que la Voix du Nord soit l'opérateur du Parisien, mais nous réfléchirions bien entendu aux synergies à mettre en place..

Votre capital est-il aujourd'hui stabilisé après les turbulences des années 2000 ?

C'est de l'histoire ancienne. Il est intéressant d'avoir un actionnaire stable, industriel de presse privilégiant la logique patrimoniale plus que le court terme. Par exemple, il s'est engagé depuis 2006 - et a tenu parole–à ne pas prélever de dividende sur les résultats pour poursuivre le développement du groupe Rossel au sein de notre région d'origine, pour les consacrer à notre développement papier et numérique comme par exemple notre investissement industriel qui a représenté 40 millions d'euros. Au-delà, il est bien naturel qu'il entende prélever des dividendes.

Propos recueillis par Thierry Becqueriaux et Olivier Ducuing

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