Perrine Gilbert et Jean Dumont : "On est impatients d'y être !"

Société Générale et Crédit du Nord vont fusionner leurs réseaux en 2023. Eco121 a souhaité savoir où en était ce projet qui va modifier sensiblement le paysage bancaire régional. Entretien avec Perrine Gilbert, déléguée régionale de Société Générale et Jean Dumont, directeur régional du Crédit du Nord.

Publié le 26/11/2021 par Olivier Ducuing / Lecture libre / Temps estimé: 5 minutes

Société Générale et Crédit du Nord vont fusionner leurs réseaux en 2023. Eco121 a souhaité savoir où en était ce projet qui va modifier sensiblement le paysage bancaire régional. Entretien avec Perrine Gilbert, déléguée régionale de Société Générale et Jean Dumont, directeur régional du Crédit du Nord.

En région, comment la fusion de vos réseaux se prépare-t-elle ? Quel poids aura ce nouvel ensemble dans le paysage bancaire régional ?

PG : Notre future région s'étendra sur cinq départements des Hauts-de-France, avec une particularité sur l'Aisne dont une partie sera rattachée à la région Est, et nous aurons aussi une petite excroissance de quatre agences en Haute-Normandie.

JD : Dans les grandes masses, notre produit net bancaire sera d'environ 600 M€, avec 20,5 milliards de crédits à l'économie, autant de dépôts bilantiels (comptes à vue et épargne ré- glementée) et 13 mds € de conservation gérée (assurance-vie, comptes titres...). Soit 12 à 13% du marché des dépôts et des crédits en moyenne,avec des départements plus forts comme le Nord et le Pas-de-Calais où nous, Crédit du Nord, avons une emprise historique.

Ce qui vous positionnera comment au sein du nouveau réseau ? A quoi ressemblera-t-il en région ?

JD : Nous serons le troisième ou quatrième, selon qu'on raisonne en clients ou en PNB, derrière nos deux régions d'Ile-de-France, où Société Générale a des parts de marché très importantes, autour de 20%, et Marseille.

PG : Nous aurons à la cible 190 sites, auxquels auront accès tous nos clients. Ce seront donc plus de points de vente pour les clients Crédit du Nord et plus pour les clients Société Générale. Les rapprochements n'auront lieu que dans les villes où nous sommes proches.

JD : Dans nos réseaux, nous avions une trajectoire de transformationavec des fermetures d'agences et l'abandon de certains territoires. Ce projet va certes permettre des économies immobilières mais surtout de ne plus reculer en terme territorial. Le fait de massifier rend les agences plus grosses, plus résilientes, avec des spécialistes dédiés. Dans les agences, on en fera plus la plupart du temps que ce que nous faisons aujourd'hui. Le client s'y retrouvera.

Les gens sont très attachés à la marque Crédit du Nord. Que deviendra-t-elle ?

PG : la marque finale n'est pas révélée pour l'instant mais le parti pris est de conserver un certain nombre de marques très fortes du Crédit du Nord, et de leur adjoindre un dénominateur commun Société Générale, qui sera révélé courant 2022. C'est une marque très forte, ce serait peu rationnel de l'abandonner.

Que change la fusion pour vos clients chefs d'entreprise ?

PG : Le projet vise à prendre ce qu'on a appelé « le meilleur des deux mondes ». Pour les entreprises, ce sera à la fois plus d'expertise et plus de proximité. On a des experts basés à Lille sur le M & A, les financements structurés, l'ingénierie immobilière. Ce sera aussi plus de proximité avec des décisions plus locales dans l'immense majorité des cas que ça ne pouvait être le cas avec le réseau So- ciété Générale.

JD : Pour l'entreprise, la Société Générale a une taille de bilan que n'a plus le Crédit du Nord. Nous avons un certain nombre de grandes entreprises ou d'ETI où Société Générale n'est pas et où Crédit du Nord joue un rôle presque de second plan. Demain nous allons jouer un rôle de premier plan. La Société Générale apporte son réseau international, des hyperexpertises, des capacités à faire. Sur le marché du professionnel, c'est le modèle Crédit du Nord qui va largement être importé.

La fusion s'accompagnera de 3 700 réductions de postes. Cesserez-vous de recruter ?

PG:Pas du tout! En 2021, nous aurons encore recruté 1500 personnes et nous allons continuer. On a pris l'engagement de réaliser ces suppressions de postes sans aucun départ contraint. Nous sommes assez sereins sur notre capacité à le faire. Le groupe est un employeur responsable, l'a démontré et le sera encore dans ce projet.

JD : Nous raisonnons sur un temps long, d'ici à 2025. Pendant cette période, le mouvement naturel de départs atteint 1500 par an. L'équation fait que de toute façon, on aura besoin de continuer à recruter.

Pour les Hauts-de-France, les syndicats évoquent 250 à 300 postes supprimés...

PG : C'est une estimation basée sur les agences mais il faut aussi intégrer les sièges régionaux, back offices et le centre d'appels présent dans notre région -il y en a quatre en France.

JD: Cela s'explique parce que le Nord est un gros bassin d'emploi pour nous. L'effectif y est bien plus important qu'ailleurs. L'informatique n'est pas touchée. Vous avez aussi CGI à Marcq-en-Barœul, hors projet, mais qui peut faire partie des solutions de reclassements.

Vous paraissez impatients de voir cette fusion prendre corps...

PG : Oui. Ce projet est offensif, c'est une vraie opportunité pour nous de rebâtir une nouvelle banque, complètement adaptée à un environnement qui a considérablement changé, avec les lames de fond du digital, du RSE, la pression réglementaire, sur les revenus... On y croit tous les deux beaucoup.

JD : Beaucoup de collaborateurs ont aussi conscience que c'est une projection vers l'avenir. Oui, il y a un chemin de transformation, tout ne sera pas facile dans le meilleur des mondes. Mais on a déjà démontré qu'on savait faire ce type d'opérations, et ils ont envie d'y être. On est presque obligés de freiner certaines énergies car on n'est encore qu'au stade de la consultation des partenaires sociaux.On est impatients d'y être pour se projeter avec un nouveau souffle et réancrer le Crédit du Nord, sous une forme différente.

Vous présentez le projet comme offensif, mais cela n'a pas forcément été perçu comme tel au début, dans un secteur très bousculé par les changements dont vous parliez...

PG : On s'adapte précisément à cette proximité qui n'est plus aussi importante qu'auparavant et nous permet de revoir notre maillage. Plutôt que de continuer dans ce repli progressif qu'on menait de part et d'autre, on change de paradigme. Je pense que c'est une réponse de fond, et très différente de ce qu'on voit par ailleurs. Je pense qu'on sera suivi par d'autres parce que les tendances de fond affectent tous les réseaux de la même façon.