Les RH en pleine révolution

Sur un marché du travail en pleine tension, les entreprises déroulent le tapis rouge pour des salariés désormais en position de force. Attirer, retenir et fidéliser ses collaborateurs est devenu un enjeu crucial. Le dernier Club Experts s’est penché sur les mutations en cours et les bonnes pratiques

Publié le 29/10/2019 par Julie Kiavué / Lecture libre / Temps estimé: 6 minutes

Stéphanie Delva (Caisse d'Epargne Hauts de France), Thibault Nicollet (Groupe N.A.T.), Marie-Aude Tran (Valeurs&Valeur), Olivier Ducuing (Eco121), Carole Catry (Rabot Dutilleul) et Gilles Lechantre (Cooptalis).
Stéphanie Delva (Caisse d'Epargne Hauts de France), Thibault Nicollet (Groupe N.A.T.), Marie-Aude Tran (Valeurs&Valeur), Olivier Ducuing (Eco121), Carole Catry (Rabot Dutilleul) et Gilles Lechantre (Cooptalis).

Sur un marché du travail en pleine tension, les entreprises déroulent le tapis rouge pour des salariés désormais en position de force. Attirer, retenir et fidéliser ses collaborateurs est devenu un enjeu crucial. Le dernier Club Experts s’est penché sur les mutations en cours et les bonnes pratiques.

La guerre des talents est à son paroxysme. Alors que Pôle Emploi identifie plus de 203 000 offres d'emplois cette année en région, les chefs d'entreprise déplorent une fois de plus de grandes difficultés de recrutement. Le groupe familial Rabot Dutilleul recrute près de 250 personnes par an.
Actuellement, l'entreprise aux 1
500 salariés dispose d'une
trentaine de postes ouverts
mais peine à les pourvoir.
 "Nous avons une activité très
importante en région et en Île-
de-France notamment avec
le projet du Grand Paris. Il y a
 un potentiel de plein emploi,
 raconte la secrétaire générale
 déléguée RH Carole Catry. Mais
 nous avons du mal à attirer les 
talents. Même les boîtes
 d'intérim ne parviennent pas à 
nous trouver la main d'œuvre".
 La faute, selon elle, à l'image
 encore trop archaïque du
 secteur. Pourtant en pleine
 mutation grâce au digital. Le
 constat est le même à la Caisse
 d'Epargne Hauts de France qui
 identifie un besoin de
 retravailler l'image de banquier.
 "Le métier de banquier ne fait 
plus toujours vibrer les jeunes,
c'est pourquoi nous
développons nos interventions dans les écoles en région pour présenter nos métiers. Nous embauchons 130 collaborateurs en CDI et 130 jeunes alternants par an", indiquela DRH de l'écureuil Stéphanie Delva.


Que faire ? A Seclin, le Groupe N.A.T, entreprise d'ingénierie spécialisée dans la compréhension des réseaux, a trouvé la solution : un centre de formation interne. "Aujourd'hui, nous optons pour la croissance organique. Le marché est tendu, avec des ressources rares qui ne maîtrisent pas nos métiers", explique le Pdg Thibault Nicollet
qui compte près de 60 salariés pour 4 M€ de chiffre d'affaires. "La pénurie de main d'œuvre est une problématique commune à de nombreux pays", souligne le co-fondateur de Cooptalis Gilles Lechantre. Son entreprise, créée à Marcq-en-Barœul en 2013, veut être le "référent de la mondialisation des RH". Elle accompagne les talents dans leur déplacement partout dans le monde. Que ce soit pour des démarches administratives, pour trouver un logement ou ouvrir un compte bancaire. La demande est telle que Cooptalis affiche une croissance météorique. Elle compte à ce jour 17 filiales au national et à l'étranger et 600 salariés
de 24 nationalités.

En quête de sens

Pour Marie-Aude Tran, consultante RH chez Valeurs&Valeur, "les entreprises doivent recruter et rencontrer différemment leurs candidats". Fondé en 2014, le cabinet lillois se présente comme un expert en innovation RH. "Avant, lorsqu'on postait une annonce sur les différentes plateformes de recrutement pour le compte de nos clients, on était submergé de CV, se souvient la jeune femme. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Les candidats se déclarent en recherche d'emploi directement sur leur profil LinkedIn". Bienvenue dans l'ère de l'instantanéité ! Les entreprises doivent donc se démarquer pour séduire leurs futurs salariés. "Les valeurs, les promesses et l'aDN deviennent primordiaux", poursuit la consultante. "Notre génération veut donner du sens à sa vie", renchérit le jeune dirigeant de N.A.T. "Les quinqua aussi quittent tout pour réaliser leur rêve, soit en créant leur activité ou soit en prenant un congé sabbatique. et ce même s’ils sont bien dans leur poste", raconte la directrice RH de Rabot Dutilleul. Selon qui mieux vaut accompagner plutôt que vouloir retenir à tout prix ceux qui veulent partir. En ce sens, son groupe a retravaillé le "why", son ADN, sa différence par rapport aux autres. Il a par exemple mis en place un dispositif interne invitant les salariés à s'impliquer dans les projets de l'entreprise en lien avec leur passion et leur projet de vie. "Il y a beaucoup de normes dans notre secteur, alors on incite nos salariés à être plus créatifs quand c'est possible", poursuit Carole Catry.

Thibault Nicollet, lui, pousse ses équipes à "sortir du cadre", à être libres et autonomes, dans le respect de ses directives. Une stratégie identique à celle de la Caisse d'Epargne Hauts de France qui s'autorise à faire confiance. "Tout est une question de dosage, d'après Stéphanie Delva. Il faut considérer nos salariés comme des adultes responsables."

"La recherche de sens a explosé, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à la considérer",
note Marie-Aude Tran. Son cabinet est davantage sollicité par les entreprises pour retravailler la communication autour de leurs valeurs.

Recruter autrement

<img1#450#right/>Par ailleurs, les entreprises doivent également revoir leur image de marque. Pour séduire les candidats, certaines misent sur un environnement de travail privilégié. Chez Cooptalis, on n'hésite pas à mettre la main à la poche. En guise de siège, l'entreprise s'est offert une maison de 500 m2 avec piscine. Et duplique le concept pour ses filiales. "C'est l'esprit start up, une ambiance qui attire les candidats", assure Gilles Lechantre. Mais qui a aussi ses inconvénients : "A 19h, on doit pousser tout le monde à la porte pour respecter le temps de travail et nos vies de famille !"

L'Ecureuil, de son côté, chausse les baskets pour ses recrutements. Ses équipes RH, en lien avec Pôle Emploi, mouillent le maillot lors de sessions d'athlétisme matinales avec les futurs collaborateurs. "Ce sont des profils qu'on ne toucherait pas lors de forums ou job dating classiques. On vit une expérience différente avec des profils différents", explique la DRH de la banque. "75% du potentiel d'une personne passe par ses soft skills (compétences comportementales), souligne la consultante de Valeurs&Valeur. Et on les valorise lors de ce type de recrutements collaboratifs". Pour Carole Catry, "la pénurie de main d'œuvre est une grande chance. Elle oblige à recruter autrement et nous force à aller chercher des compétences nouvelles".

Récompenser pour fidéliser

Attirer ses talents c'est bien, les fidéliser c'est mieux. Les entreprises doivent se montrer aux petits soins, consciencieuses de l'aménagement du temps de travail de leurs employés. Depuis quelques années, le télétravail est davantage encouragé. Chez Rabot Dutilleul, "les réticences étaient fortes au début car cela nécessite de la confiance. Mais on constate aujourd’hui de très bons résultats", note la responsable RH. A la Caisse d'Epargne Hauts de France, la logique tend à être déployée. "Il reste des freins à lever mais on a des retours positifs", raconte Stéphanie Delva. Chez Cooptalis, Gilles Lechantre et son associé fidélisent les équipes par le biais de cours de yoga, de musique ou de jardinage. Mais pas que. Ce sont aussi des adeptes de séminaires annuels au soleil. "C’est un coût important mais qu'on partage avec plaisir. Notre rentabilité est reversée à nos équipes. Ils sont reboostés et remotivés pour un an !" 
Les employeurs fidélisent par ailleurs en ouvrant le capital à leurs salariés : 10% chez Cooptalis et Rabot Dutilleul, qui dispose aussi d'un campus pour des formations personnalisées, par d'autres actions inclusives et motivantes associées à une prime d'intéressement et un plan d'épargne entreprise chez N.A.T.
 De quoi faire, une fois de plus,
la différence sur le marché.