Le regard de JPM : Actifs obligataires - privilégiez les maturités courtes face au risque inflationniste

Hervé Renard, directeur de JPM Gestion d'actifs

Publié le 28/03/2024 par Equipe Eco121 / Lecture libre / Temps estimé: 3 minutes

“IL APPARAÎT PRUDENT DE PRIVILÉGIER DES MATURITÉS COURTES POUR SE PRÉMUNIR D’UN SCÉNARIO DE RETOUR DE L’INFLATION DANS LES ANNÉES À VENIR”
“IL APPARAÎT PRUDENT DE PRIVILÉGIER DES MATURITÉS COURTES POUR SE PRÉMUNIR D’UN SCÉNARIO DE RETOUR DE L’INFLATION DANS LES ANNÉES À VENIR”

Hervé Renard, directeur de JPM Gestion d'actifs

Après une année 2022 marquée par des records d’inflation dans les économies développées, 2023 a vu une normalisation s’opérer, avec une hausse des prix et services se rapprochant de la cible des 2% visée par les Banques Centrales (FED et BCE). Cette désinflation observée de part et d’autre de l’Atlantique a amené la FED à annoncer une pause dans son cycle de hausse des taux entamé en 2022. Cette communication a clairement changé la donne, en ancrant chez les investisseurs de fortes anticipations de baisses de taux tant aux Etats-Unis qu’en Europe pour 2024, permettant ainsi au marché obligataire de très bien performer lors des deux derniers mois de 2023.

Que faut-il penser de cette tendance et doit-on « prendre le train en marche » sur les marchés obligataires ?
Plusieurs éléments nous amènent à avoir une vue favorable sur cette classe d’actifs. Tout d’abord, même si le nombre de baisses de taux mises en œuvre par les Banques Centrales en 2024 sera plus faible qu’anticipé fin 2023 (trois ou quatre baisses plutôt que six ou sept), la tendance de fond est engagée. Il nous semble que les investisseurs jugent davantage le mouvement qui est enclenché plutôt que son amplitude. Mécaniquement, la baisse des taux à court terme devrait se répercuter sur les taux à plus longue maturité (3, 5, 10 ans) assurant ainsi une revalorisation du prix des obligations et la performance de cette classe d’actifs. Parallèlement, la baisse des taux administrés par les Banques Centrales rendra moins attractive la performance des fonds monétaires, aujourd’hui voisine de 4%. Leur encours atteint aujourd’hui près de 1 700 Mds€ en zone euro et certains investisseurs arbitreront probablement pour partie ce type d’actifs au bénéfice de supports obligataires plus rémunérateurs. Ces flux de souscription alimenteront là-aussi la bonne tenue du marché obligataire.

Quelle typologie d’obligations privilégier ?
Plusieurs paramètres sont à prendre en compte avec notamment la notation de l’émetteur de l’obligation et la maturité (durée / échéance) de l’obligation, sur laquelle il nous semble devoir être très vigilant. En effet, inflation et taux d’intérêts étant corrélés, tout retour de l’inflation pourrait s’avérer préjudiciable pour la classe d’actifs obligataires. De ce fait, il apparaît prudent de privilégier des maturités courtes (3 à 4 ans) pour se prémunir d’un scénario de retour de l’inflation dans les années à venir.

Quels éléments vous font penserà cette hypothèse ?
La crise sanitaire et le conflit ukrainien ont mis en évidence la dépendance de nombreux pays en matière d’approvisionnement de produits sensibles (vaccins, matières premières...). Ces constats ont amené de nombreux pays à développer leur souveraineté dans ces domaines ainsi que dans d’autres (technologies, semi-conducteurs...). Ce qui se matérialise par des relocalisations de sites de production dans les pays développés, phénomène par nature inflationniste. Les tensions géopolitiques sont, elles aussi, inflationnistes, ayant notamment un impact sur le cours du pétrole, ou sur les coûts de transport (arrêt de l’utilisation du canal de Suez suite au conflit palestinien impliquant un itinéraire de contournement).

La transition énergétique, engagée dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, s’avère aussi coûteuse eu égard aux investissements colossaux qu’elle requiert.

En conclusion, le marché obligataire apparaît attractif en 2024 en vue de cristalliser un taux d’intérêt sur une maturité de 3 à 4 ans avant que la BCE n’enclenche un cycle de baisse ses taux. La tentation de « verrouiller » ce taux sur une durée plus longue nous semble cependant peu adaptée dans un contexte de possible redémarrage inflationniste à terme.