Le présent n'a pas d'avenir... la preuve

"« La preuve » d’un acte, d’un contrat, a toujours été dépendante de la pérennité de son support."

Publié le 26/10/2023 par Equipe Eco121 / Lecture libre / Temps estimé: 2 minutes

Alain Vamour, avocat associé Bignon Lebray.
Alain Vamour, avocat associé Bignon Lebray.

Le juriste, comme d’autres professionnels, s’interroge sur les effets de la dématérialisation sur son activité. Son métier, comme tout métier intellectuel, peut être bouleversé par cette révolution numérique qui met en avant « l’apprentissage profond » et l’intelligence artificielle. Selon certaines voix, ChatGPT aurait réussi avec brio l’examen d’entrée au Barreau de New York... Mais restons lucides. De la même manière que « la justice prédictive » est déjà passée de mode, la machine ne remplacera pas l’analyse fine et la prise en compte de divers paramètres d’une situation complexe, notamment humains et psychologiques, et encore moins l’intuition.

Dans l’immédiat, plus préoccupante est « la perte » de la preuve et de son support.

Le juriste peut lire le Code d’Hamurabi, gravé à Babylone, 1750 ans avant notre ère, sur une stèle en basalte, pierre indestructible, sortie des sables de l’Iran.

Les Homo sapiens étaient des artistes, la preuve nous en est donnée 30 000 ans, après grâce aux peintures rupestres, « exposées » sur le roc.

Un passé familial heureux ou malheureux res- surgit, avec la photo du mariage d’un aïeul, et d’un ancêtre, fier Poilu blessé au front (ou au bras).

Aujourd’hui, on peut être touché par le passé, car on peut encore toucher les preuves du passé. « La preuve » d’un acte, d’un contrat, a toujours été dépendante de la pérennité de son support.

En 2050, on lira plus facilement les actes originaux du procès de Jeanne d’Arc à la Bibliothèque nationale, que « nos archives » personnelles, pas- sées de disque durs hors services au cloud sur des serveurs exotiques, dont les « hébergeurs » ne donneront pas accès sans un code disparu, et sans monnaie trébuchante, à moins que les hackers n’aient fait main basse sur « nos données ». « Donner ses données, reprendre c’est voler » ?
A l’avenir, pour laisser un passé, « vos papiers svp ! »