LBO et croissance externe : comment bien anticiper ?

Notre Club Experts s'est réuni à Valenciennes sur ce temps fort de la vie de l'entreprise.

Publié le 26/10/2018 par Equipe Eco121 / Lecture libre / Temps estimé: 5 minutes

Thierry Gautier (Cevino Glass), Christophe Lesbroussart (Seibo), Isabelle Taranne (Cabinet BDL), Pascal Lefort (Caisse d’Épargne Hauts de France) et Olivier Ducuing (ECO121).
Thierry Gautier (Cevino Glass), Christophe Lesbroussart (Seibo), Isabelle Taranne (Cabinet BDL), Pascal Lefort (Caisse d’Épargne Hauts de France) et Olivier Ducuing (ECO121).

La reprise d'une entreprise, en LBO comme en croissance externe, est un moment clé. Comment bien réussir son opération, éviter les chausse-trappes ? Notre Club Experts s'est réuni à Valenciennes sur ce temps fort de la vie de l'entreprise.

Racheter son entreprise, Christophe Lesbroussart connaît. Il y a deux ans, celui qui était directeur technique de sa société Seibo, à Noyon, a plongé dans un LBO, pour reprendre cette entreprise de maintenance industrielle de 95 salariés pour un chiffre d’affaires de 14 M€ Une opération délicate car son apport personnel était faible. Deux ans plus tard, Seibo se développe, en phase avec sa feuille de route. Thierry Gautier, lui, est un repreneur en série. A la tête de Cevino Glass depuis 2012, il a multiplié les croissances externes : Miroiteries Dubrulle et Kap Verre pour commencer, puis Teffri Miroiteries, et tout récemment Nealtis, en région parisienne. Résultat : le groupe est devenu numéro un au nord de Paris et désormais bien implanté en région parisienne, avec un chiffre d'affaires de 35 M€ et 250 salariés.

Dimension psychologique

Si elles sont nées d'opportunités, ces deux aventures entrepreneuriales ne doivent rien au hasard. Car l'anticipation est une dimension capitale pour bien réussir. Dans le premier cas, Christophe Lesbroussart se fait accompagner fortement, de façon transversale. « Ne venant pas du monde de la finance, le LBO est une notion qui échappe à un ingénieur qui répare des moteurs tous les jours ».

Il va même jusqu'à ouvrir son capital à la Caisse d'Epargne Hauts de France pour muscler sa structure financière.

Thierry Gautier, lui, avait délibérement construit Cevino Glass comme une holding de reprise en vue de sa stratégie, accompagnée par plusieurs investisseurs au tour de table. Pour autant, rien n'est gagné à l'avance. Ce n'est qu'une fois l'accord signé que tout commence. La dimension humaine, voire psychologique, est souvent minorée à tort dans la reprise d'entreprises. « Dans les Tpe et Pme, la dimension humaine est très importante. L'entreprise est le bébé de son dirigeant », pointe Isabelle Taranne, expert-comptable associée au cabinet BDL. « On dit souvent qu'il y a deux morts pour un chef d'entre- prise : le jour où il vend sa société et le jour où il meurt ! »

« Déminer le terrain »

Du coup, il est important d'avoir un accompagnement capable d'objectiver les enjeux, et de traiter les sujets délicats. « Outre la partie technique, notre accompagnement consiste aussi à déminer le terrain. L'acquéreur doit garder les meilleures relations avec le cédant qui va l'accompagner prenant quelques mois, voire plus », poursuit l'experte-comptable. Pas de règle en la matière, mais mieux vaut éviter d'avoir deux patrons dans l'entreprise. La relation avec les salariés est un autre écueil potentiel, avec un risque non négligeable de perdre des hommes clés. Du jour au lendemain, Christophe Lesbroussart est passé de salarié, comme les autres, à diri- geant. « Ma relation avec les salariés n'est plus la même. Ma position a changé et c'est définitif », confie t-il. « Une reprise, c'est 75% de ressources humaines », renchérit Thierry Gautier. Après l'annonce de sa nouvelle stratégie, le groupe Cevino Glass a vu quelques salariés des nouvelles filiales quitter le navire. « Certains cédants ont communiqué très tardivement sur la succession, ce qui a traumatisé les équipes, qui ont pu se sentir trahies », raconte le dirigeant, toujours en veille d'opportunités de croissance externe. « Si on veut exister demain et être rentable, il faut sauter sur les belles opportunités. Il y a des places à prendre. Ce n'est pas demain, c'est maintenant ! »

Le calendrier de la communication d'une reprise est donc important. Isabelle Taranne préconise de n'en parler qu'après la signature du protocole. « Avant cela, les informations - surtout les fausses, peuvent vite filer au niveau des salariés et des partenaires ! »

« Un changement de président soulève beaucoup de questions. Il faut être honnête, rassurer les collaborateurs mais surtout ne pas trop promettre », conseille Christophe Lesbroussart.

Ecosystème

L'ingénierie financière est évidemment décisive. A la fois pour s'entendre sur une bonne valorisation, mais aussi pour trouver les bons équilibres de reprise. Or, « quantitative easing » aidant, les liquidités ont inondé le marché, entraînant une certaine inflation du prix des reprises. D'autant plus qu'on trouve facilement trois à cinq repreneurs potentiels pour un vendeur, y compris pour les petites entreprises. « On pourrait penser qu'une hausse des prix est bonne pour le vendeur mais elle risque de pénaliser le compte de résultats de la société. Un candidat à la reprise doit également veiller au bon équilibre entre dettes et fonds propres », explique Pascal Lefort, directeur du développement du pôle Entreprises, Institutions et Territoires à la Caisse d'Epargne Hauts de France. Pour lui, un dossier réussi repose à 50% sur le montage financier, mais à 50% aussi sur l'homme. Dans le cas de Seibo, la Caisse a mobilisé plusieurs outils pour permettre la reprise, dont l'intervention en haut de bilan, via CEHDF Capital, une activité récente dans la banque régionale. Celle-ci compte une douzaine de lignes (minoritaires) en portefeuille à ce jour.

Tour d’ivoire

Intérêt d'ouvrir son capital : cela donne au repreneur un regard extérieur et une ouverture vers d'autres réseaux. Dans le cas de Cevino Glass, Thierry Gautier a franchi une étape supplémentaire, après ses deux LBO, en ouvrant à son encadrement la possibilité d'entrer au capital du groupe.

« La majorité a suivi, c'est une fierté pour moi car c'est une preuve qu'ils croient au projet », se félicite-t-il. Au-delà, le chef d'entreprise ne doit pas rester seul, souligne Isabelle Taranne. Car dans l'univers des PME et encore plus des TPE, l'entreprise est très rarement structurée pour mener à bien des opérations d'importance. « Il faut rester humble, créer de la proximité avec les équipes », suggère Pascal Lefort, qui se souvient d'un repreneur issu d'un grand groupe industriel, pétri de certitudes, dont l'attitude a rapidement sapé le fonctionnement de l'entreprise, jusqu'au dépôt de bilan. Si chaque cas est unique, une loi générale s'impose donc : ne jamais s'enfermer dans sa tour d'ivoire !

5 CONSEILS À SUIVRE

  1. Anticiper au maximum
  2. Se faire accompagner
  3. Ne pas rester seul, intégrer un réseau
  4. Rester humble et rester soi-même
  5. Adapter sa communication envers ses salariés