Innovation : la région rattrape-t-elle son retard ?

Depuis 15 ans, incubateurs, pôles d’excellence, de compétitivité, accélérateurs se sont multipliés, plaçant l’innovation comme axe prioritaire du développement régional. Notre Club Eco121 du 13 novembre a pu évoquer les clés de succès.

Publié le 26/11/2019 par Anne-Henry Castelbou / Lecture libre / Temps estimé: 5 minutes

Stéphane Meuric (Transalley), Florence Sanson (CarStudio), André Tordeux (Genoscreen) et Régis Lemoine (BPIfrance)
Stéphane Meuric (Transalley), Florence Sanson (CarStudio), André Tordeux (Genoscreen) et Régis Lemoine (BPIfrance)

Depuis 15 ans, incubateurs, pôles d’excellence, de compétitivité, accélérateurs se sont multipliés, plaçant l’innovation comme axe prioritaire du développement régional. Notre Club Eco121 du 13 novembre, installé au coeur du Parc d’Innovation Transalley de Valenciennes, a pu évoquer les clés de succès pour soutenir les entrepreneurs dans leur démarche innovante, souvent semée d’embûches.

Transalley est l’exem ple même d’un parc dédié à l’innovation, en pleine ébullition. Créé en 2016, spécialisé dans la mobilité et les transports, il va inaugurer deux nouvelles structures en 2020 : une piste de 850 m pour tester les prototypes des voitures autonomes et l’IMTD, l’Institut des Mobilités et des Transports Durables, avec son centre de congrès, un fablab et l’exposition des résultats de recherche de l’université UPHF. Transalley ne cesse ainsi de se renforcer, pour répondre aux besoins d’innovation comme l’explique son directeur Stéphane Meuric : « L’etat, la région, le Feder et Valenciennes Métropole ont investi 12 M€ dans ces deux derniers projets. Il y a une volonté de renforcer l’accompagnement des 60 entreprises du ferroviaire, de l’automobile et l’aéronautique du site. un écosystème labellisé sur des thématiques prioritaires, adossé à l’université, est un vrai lieu de référence qui accélère l’innovation, la r&D et l’accès aux marchés. »

Un modèle qui confirme le mouvement profond de l’économie régionale vers l’innovation ces 15 dernières années selon Régis Lemoine, délégué innovation à Lille de Bpifrance : « Les pouvoirs publics sontsouvent à l’origine de ces grands écosystèmes comme Euratechnologie, Eurasanté... Des initiatives dans lesquelles s’est ensuite engouffré le privé pour les dynamiser. »

Le rôle du privé

Mais certains groupes privés n’ont pas attendu les structures publiques pour soutenir l’innovation. Comme Mobivia à Lille (Norauto, Midas, ATU, Carter-Cash ...) et ses 25000 collaborateurs. Qui a créé une filiale « tête chercheuse », CarStudio. Cet accélérateur investit dans des start up de l’AutoTech (services liés à l’automobile), en apportant financement et expertise, en minoritaire (7 prises de participation en trois ans). Mais l’objectif est double. « Nous souhaitons aussi développer la transformation de nos enseignes, via la rencontre des entrepreneurs accompagnés avec nos collabora- teurs, pour diffuser en interne l’innovation » souligne Florence Sanson, CEO de CarStudio.

Financement et accompagnement

Côté financement, les choses évo- luent, avec une meilleure prise en compte des besoins des start up. Surtout celles de la « DeepTech » qui développent produits et services sur la base d’innovation de rupture. Elles doivent souvent faire face à des délais de mise sur le marché très longs, entre 5 et 8 ans, alors qu’elles ont un fort besoin de financement en R&D. Bpifrance a ainsi lancé en janvier 2019 un plan DeepTech, pour aider au financement des pro- grammes de R&D, des prototypages et autres phases tests. « Des aides jusqu’à 2 M€ par projet sont accordées. et depuis 2018, nous proposons aux TPe et PMe inno- vantes de participer à des accélérateurs », souligne Régis Lemoine. Pendant un à deux ans, elles intègrent une promotion d’une vingtaine de chefs d’entreprise et participent à différentes rencontres. Objectif : formation, mise en réseau et accompagnement par des experts.

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« Vallée de la mort »

André Tordeux, président de la BioTech GenoScreen, a intégré l’une de ses promos. Sa société a notamment développé un kit pour déjouer l’antibiorésistance de la tuberculose. Pour lui, « c’est extrêmement motivant. Cela permet de sortir du bocal, partager des visions, trouver de nouvelles compétences. » Mais cela ne résout pas tout, notamment en terme de financement, surtout quand on ne rentre pas dans le cadre. « Notre entreprise n’a pas moins de 5 ans, son patron est jugé trop âgé et notre demande de financement actuelle de 2,5 M€ est considérée trop moyenne, déplore André Tordeux. C’est compliqué de financer les phases de transition. J’ai l’impression d’être dans la vallée de la mort et d’avoir perdu dix ans. »

Pourtant, il y a des liquidités en France pour l’innovation, que ce soit chez les banques ou les investisseurs. « En 2013, on comp- tait 1 Mds d’€ injectés en capital-risque, en 2019, c’est 5 Mds. Notre pays rattrape le Royaume-Uni et ses 9 Mds d’€, » constate le représentant de Bpifrance. Alors pourquoi tant de difficultés à financer l’innovation ? Pour André Tordeux, on peut regretter le sui- visme des financeurs régionaux : si l’un dit non, les autres n’y vont pas. Et en l’absence d’investisseurs financiers pointus dans des domaines d’expertise, il y a peu de chances selon lui pour que les choses évoluent, sauf à changer de région. « Et même si les entreprises à risque se font financer, on leur impose un pacte d’associés avec une importante couverture-risque, » pointe-t-il.

Garder les talents

Une fois financées, comment conserver ces startups ? C’est là que les écosystèmes jouent pleinement leur rôle, comme le souligne Stéphane Meuric : « Chez Transalley, nous essayons de simplifier la vie de l’entrepreneur et de jouer notre rôle de satellite, auprès des partenaires industriels, pour lui en faciliter l’accès. Il s’agit aussi de créer une solidarité entre jeunes entreprises et grands groupes via un parrainage. » Et l’inauguration de la piste et de l’IMTD de Transalley sont considérés comme des outils uniques pour conserver les projets sur le territoire. Pour Florence Sanson de Car Studio, cela passe par le rayonnement du leadership du groupe qui souhaite attirer les talents et une adaptation aux nouvelles formes de travail : « C’est pour ça que nous acceptons de travailler avec des talents basés en Chine ou sur la Côte d’azur. » Bpifrance, de son côté, valorise le VTE, le Volontariat Territorial en Entreprises, qui incite les étudiants à s’orienter vers les PME pendant un an. Une manière d’apporter des compétences nouvelles aux start up et de faire face par exemple à la pénurie d’ingénieurs.

Les rendez-vous de l’innovation

11/12/2019 : le DeepTech Tour, lancé par Bpifrance, se posera à Lilliad Learning Center Innovation de l’Université de Lille, à Villeneuve d’Ascq. Tous les acteurs de l’accompagnement à la création d’entreprise seront présents.

Appel à projets lancé par CarStudio auprès des start up, pour intégrer un programme d’incubation sur les sujets de l’AutoTech, pendant 90 jours. Les dossiers doivent être déposés avant le 15/12.