Immobilier : le retour du temps long

"Face à des coûts de construction contraints par les normes et à défaut de leur simplification, la seule issue réside dans une baisse de la charge foncière".

Publié le 01/04/2025 par JPM Banque d'Affaires / Lecture libre / Temps estimé: 3 minutes

Olivier Deloffre, financement des professionnels de l'immobilier Banque Populaire du Nord
Olivier Deloffre, financement des professionnels de l'immobilier Banque Populaire du Nord

Le temps s’est tellement accéléré qu’on pourrait oublier que les taux d’intérêt négatifs ont pu être la norme il y a quelques années seulement. Les acteurs économiques s’étaient adaptés à cette donne singulière. Dans le monde de l’immobilier, elle a généré une intense financiarisation des opérations, dans un marché très porteur tant en prix qu’en volume. Avec pour résultat naturel la flambée de l’endettement, quand la ressource était si bon marché et si accessible, et des effets de levier puissants pour des apports en fonds propres allégés.

Un autre effet induit a été une prise de risque plus grande des acteurs de la filière notamment sur la maîtrise foncière avec des prix d’acquisition en hausse, voire parfois des acquisitions menées avant même l’obtention des autorisations. Les acteurs ont multiplié les opérations, accru leurs équipes et l’endettement bancaire s’est déporté vers les sociétés mères pour accompagner cette forte expansion.

Si les charges et les coûts de développement montaient, ils étaient plus que compensés par les résultats financiers en sortie de programme, rapide, tandis que les taux bas garantissaient la solvabilité des ménages et la maitrise des charges financières.

Ce bel édifice est remis en question depuis la remontée des taux. D’autant que l’immobilier a connu des chocs conjoncturels (covid, inflation...) ou politiques (fin du dispositif Pinel...) qui ont pesé sur la production des programmes et leur écoulement commercial. Le marché s’est grippé. Avec des conséquences douloureuses sur les acteurs : faute de marges, de trésorerie et de retour sur investissement suffisant, ils ont cessé de lancer de nouvelles opérations, tandis que les fonds dédiés ralentissaient aussi leur rotation.

Effet levier inversé

Alors que les acteurs avaient tiré profit de l’effet levier à la hausse, ils l’ont subi fortement en sens inverse. Le marché, devenu pénurique, ne répond plus au besoin de logement de la population. Comment sortir de cette équation ? Face à des coûts de construction contraints par les normes et à défaut de leur simplification, la seule issue réside dans une baisse de la charge foncière, en prix d’achat comme dans l’optimisation de la constructibilité. Par exemple, il convient que les constructeurs puissent au moins bâtir les surfaces autorisées par les PLU, voire que la densification puisse être augmentée par le législateur. Quant aux opérateurs, ils doivent aussi assumer un besoin croissant en fonds propres tout en adoptant des mesures de désendettement financier pour les plus endettés.

Si les acteurs financiers avaient accompagné la croissance du marché avec des outils de dettes (dette privée, crowdfunding, obligations corporate...), avec ses contraintes : rémunération fixe en fonction du temps et date d’échéance fixe, la mutation du marché oblige à repenser ces interventions avec des outils de participation en fonds propres. En clair, les mécanismes du private equity peuvent s’appliquer sur les sociétés projets, par une participation au capital ou à travers l’injection de liquidités en contrepartie d’une part de la marge finale de l’opération. Les banques proposent ces solutions.

Le retournement spectaculaire du secteur nous rappelle que l’immobilier s’inscrit toujours dans le temps long. Ce qui peut aussi devenir une difficulté face à la lenteur des transactions et des procédures administratives, au portage du foncier puis à l’exécution des travaux. Plus que jamais, la sécurisation des fonds propres est la meilleure garantie pour s’assurer de la pérennité d’une opération. Ce temps long est également une force, la valeur des actifs immobiliers progressant dans le temps.