Droits à congés payés et maladie : un revirement de jurisprudence retentissant !

"Les salariés en arrêt maladie doivent acquérir des congés payés, même si l’accident ou la maladie n’a pas d’origine professionnelle."

Publié le 28/09/2023 par Equipe Eco121 / Lecture libre / Temps estimé: 2 minutes

Bruno Platel, avocat associé Capstan Avocats.
Bruno Platel, avocat associé Capstan Avocats.

L’article L.3141-3 du Code du travail prévoit que le salarié a droit à un congé payé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif. Cette règle ancestrale est assortie d’un tempérament au bénéfice du salarié en accident du travail ou en maladie professionnelle dont l’absence est neutralisée pour le calcul de ses droits à congés payés, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an.

Sur un plan communautaire, la directive du 4 novembre 2003, telle qu’interprétée par la CJUE, prévoit que les absences pour maladie ne peuvent priver un travailleur de son droit à congés. Jusqu’à présent, la Cour de cassation estimait que la directive étant dépourvue d’effet direct, elle ne pouvait être invoquée devant les juridictions nationales.

C’est donc en se fondant sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que la Cour de cassation vient de faire évoluer sa juris- prudence par une série d’arrêts rendus le 13 septembre 2023.

Dans le premier arrêt, elle a estimé que les salariés en arrêt maladie doivent acquérir des congés payés, même si l’accident ou la maladie n’a pas d’origine professionnelle.

Dans un deuxième arrêt, la Cour considère qu’en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, la neutralisation de ces absences doit être effectivependant toute la durée de la suspension du contrat de travail et pas simplement un an.

Un troisième arrêt précise que la prescription du droit à congés payés ne doit commencer à courir que lorsque l’employeur a mis le salarié en mesure d’exercer son droit en temps utile, ce qui pourrait permettre au salarié de revendiquer des rappels de salaire ou de droits à congés payés au-delà des trois dernières années, si l’employeur ne l’a pas informé de ses droits pendant ou à l’issue de ses arrêts maladie.

Au-delà de la difficile compréhension de la reconnaissance d’un droit à congés sans travail, on peut regretter l’effet systémique de cette jurisprudence qui a potentiellement vocation à s’appliquer à des arrêts maladie en cours, voire passés, alors que le Code du travail excluait et exclut toujours la durée des arrêts maladie pour le décompte du nombre de jours de congés payés.

Il y a donc urgence à ce que le législateur intervienne en premier lieu pour clarifier cette contrariété de la législation nationale aux normes communautaires et, le cas échéant, pour limiter cette solution aux quatre semaines de congés payés par an « garanties » par les textes européens, soit pour définir une règle claire limitant le droit du salarié au report de la prise de congés payés une fois les droits constitués.