BIM : comment le numérique va révolutionner l'e-immobilier ?

Le Club Experts organisé par Eco121 et la Caisse d'Epargne Hauts de France le 10 avril a levé le voile sur cette métamorphose.

Publié le 27/04/2018 par Julie Kiavué / Lecture libre / Temps estimé: 5 minutes

Olivier Ducuing (Eco121), Annalisa De Maestri (Mbacity), Frédérique Baledent (Caisse d’Epargne Hauts de France), Dominique Masse (Ramery) et Manuel Gomes (Stereograph).
Olivier Ducuing (Eco121), Annalisa De Maestri (Mbacity), Frédérique Baledent (Caisse d’Epargne Hauts de France), Dominique Masse (Ramery) et Manuel Gomes (Stereograph).

L'univers du bâtiment vit une révolution considérable mais silencieuse. Un acronyme la résume : le BIM. Le Building Information Modeling est une nouvelle méthode de travail, fondée sur le partage des données et une maquette numérique 3D utilisées tout au long de la vie d'une infrastructure. De la conception à la gestion. L'instauration du BIM induit un travail collaboratif autour d'une base de données commune. Il détermine qui fait quoi, comment et quand. Il permet une visualisation du bâtiment et de ses composants, facilite les analyses (énergétiques, par exemple), les contrôles des normes ou des budgets. Grâce aux outils numériques, les professionnels peuvent concevoir, planifier et gérer plus efficacement les infrastructures. "Le BIM permet de rassembler toutes les informations d'un projet et d'aider les collaborateurs des différentes entreprises intervenantes à travailler ensemble autour d'une maquette numérique", définit Annalisa De Maestri, présidente de MBAcity, spécialiste en BIM management. Qui ajoute : "c'est une façon qualitative de suivre l'évolution d'un projet, d'enchaîner des informations, de la documentation, de la rendre accessible facilement."

Travail collaboratif et langage commun
Finis les dessins d'architectes sur feuilles, bonjour la 3D. Les informations créées en phase de conception, construction et d'exploitation, qui pouvaient être peu ou pas comprises par les différents professionnels, sont transformées par la maquette numérique en données uniques, lisibles et compréhensibles par tous. Celle-ci remplace le Dossier des Ouvrages Exécutés (DOE), seul document qui cristallise le travail de conception et de construction. Un document technique, volumineux, difficile à maintenir et à être utilisé par les professionnels, les propriétaires et les locataires.
Dans la base de données, les intervenants ajoutent leurs informations au fil de l'avancée du projet commun : volume, matière, coût des matériaux utilisés dans chaque pièce, quantités nécessaires à l'ouvrage, de main d'œuvre ou dates de maintenance... Le BIM est une démarche apprenante mais complexe dont la mise en place, étape par étape, doit être coordonnée et pilotée par un manager au long du projet. "L'une des difficultés est la création d'un langage commun entre les professionnels : le maître d'ouvrage, le maître d'œuvre, l'architecte et le peintre, par exemple. habituellement, ils travaillent chacun de leur côté", remarque la présidente de MBAcity.
Ramery Bâtiment a intégré le BIM à ses méthodes de travail dès 2004. Aujourd’hui, un projet sur deux est géré par maquette numérique. "Ce qui nous a intéressés c'est le stockage des données dans la maquette", explique le directeur du département technique et développement, Dominique Masse. "Les outils sont faciles à utiliser, c'est à la portée de tous ! Nous n'avons pas eu de mal à convaincre les salariés et nos partenaires. c'est une vraie chaîne interne qui s'est créée".
Le groupe familial est allé plus loin en développant des logiciels pour le chiffrage de ses maquettes. chaque collaborateur dispose de sa propre interface de travail, et doit y renseigner toutes les données nécessaires. c'est la règle fixée. "Nous considérons le BIM comme un outil de support, de communication et d'échanges", poursuit Dominique Masse. Qui pointe encore un frein, la réticence des propriétaires des maquettes à les transmettre aux membres de la chaîne, du fait d'interrogations sur la propriété des données.

Enjeu économique
Pour Manuel Gomes, dirigeant de Stéréograph, concepteur d'images et vidéos 3D à Euratech, le BIM présente des avantages pour tous les intervenants d'un projet à toutes les étapes, de la conception à la construction puis l'exploitation. "C'est un enjeu économique : les données créées doivent être valorisées et capitalisées".
Le BIM implique le renseignement des données de l'infrastructure plus tôt dans le projet, et leur sauvegarde. De quoi anticiper et contourner plus rapidement d'éventuelles complications financières ou de process, selon Annalisa De Maestri. Il permet de vérifier aussi le respect des critères, des coûts et des délais. "Dans un processus, les nouvelles technologies pallient forcément des manques et évitent les tâches manuelles longues à effectuer", précise la présidente de MBAcity. Avant de mettre en garde: "on entend souvent que les infrastructures coûteront deux fois moins avec le BIM, j'en doute fortement si le BIM n’est pas un sujet stratégique pour le projet !"
Pour les experts, les entreprises ne prenant pas le virage de la modélisation se retrouveront seules et ne pourront pas être compétitives. Le coût de cette mutation se concentre essentiellement sur les formations et l'actualisation des parcs logiciels et des outils. Difficile d'assurer à ce jour quel sera le retour sur investissement. Mais le passage au numérique paraît incontournable.

Optimiser l'exploitation
D'autant que l'utilisation du BIM doit optimiser la vie des bâtiments. "Le BIM d'exploitation décolle actuellement. Les acteurs qui se sont lancés dans l'aventure en 2014 livrent en ce moment leurs premiers bâtiments. Et utilisent toute la valeur créée ces dernières années", note Manuel Gomes. En 2013, sa société s'est d'ailleurs positionnée sur l'exploitation des infrastructures BIM. Et Stereograph a développé sa propre plateforme de visualisation de bâtiments 3D qu'elle commercialise à l'échelle mondiale.
En post construction, les données de la maquette sont transmises aux propriétaires. Elles sont alors censées faciliter la gestion, les installations et les travaux de maintenance des bâtiments. Jusqu'à la réservation de bureaux et de salles de réunion. "Les infrastructures sont plus riches qu'avant, elles proposent plus de services. Bientôt tout sera connecté. La maintenance sera donc plus compliquée", observe Manuel Gomes, certain que le BIM offre une vraie réponse. Si les grands opérateurs immobiliers et ceux du bâtiment en sont conscients, il reste encore à convaincre les petites entreprises du bâtiment – les plus nombreuses - pour qui la numérisation des données est un saut dans l'inconnu.

Promenade de Flandre : un chantier 100 % BIM
C'était une exigence des maîtres d'ouvrage Immochan et Altaréa Cogedim : concevoir ce projet de 53 000 m2 sur maquette numérique.
Technal, spécialisé dans la menuiserie en aluminium, a remporté une partie du chantier grâce à Tech3D. Un configurateur d'objets BIM utilisé pour la réalisation sur mesure des 2 500 m2 de murs-rideaux et portes en aluminium du centre commercial. "Le logiciel a simplifié notre quotidien. Nous pouvions aisément faire évoluer la maquette et la renvoyer au BIM manager en un temps très court", explique la société S2A, fabricant Technal. Tech3D a également facilité le chiffrage du coût des menuiseries, la validation et l'édition de tous les rapports techniques. En tout, sept maquettes numériques ont été créées pour Promenade de Flandre, ouvert depuis octobre 2017 à Neuville-en-Ferrain.