Yvonnick Morice , Directeur général du CHRU de Lille : Etre parmi les meilleurs au nord de l'Europe
Le DG du CHRU de Lille répond à nos questions
Votre établissement vient d'être classé au premier rang des hôpitaux français par le Point. Quelle est votre réaction?
Depuis plusieurs années, nous étions déjà dans le duo de tête avec le CHU de Toulouse. C'est d'autant plus satisfaisant qu'un des indicateurs retenus, l'attractivité auprès de patients de départements environnants, nous est plutôt défavorable compte-tenu de la géographie de la région Nord-Pas de Calais divisée seulement en deux départements alors quelle compte plus de 4 millions dhabitants. Dans ce classement, de nombreuses équipes médicales du CHRU de Lille à la pointe de linnovation et de la recherche figurent en tête dans leur discipline. Cest donc la résultante dun niveau dexcellence de la communauté hospitalo-universitaire dans son ensemble. Ce palmarès reflète une qualité de formation et de recherche qui nous hisse au plus haut niveau international et qui répond à notre objectif d'être visible parmi les grands établissements hospitalo-universitaires du nord de l'Europe.
Comment déclinez-vous cette ambition dans votre projet d'établissement à horizon 2017 ?
Nous avons clairement affiché cette ambition institutionnelle d'être reconnu comme un établissement d'excellence parmi les meilleurs du nord de l'Europe et d'être capable de rayonner dans notre interrégion. Dans notre modèle lillois, nous sommes particulièrement attachés à un campus universitaire installé sur un site unique où sont regroupées les activités de soin, d'enseignement et de recherche. Ce concept, développé sur le site lillois par ceux qui nous ont précédés, produit un « effet de grappe », dintercommunication entre les services cliniques, les facultés de médecine, de pharmacie et dodontologie, les laboratoires de recherche et un grand pôle de valorisation économique de la santé avec limplantation de start-up. Lobjectif est dorganiser un continuum de la recherche fondamentale à la recherche clinique, avec pour finalité lamélioration de la qualité des soins et la poursuite du progrès médical.
Comment pouvez-vous mesurer votre performance en recherche?
Nous avons développé à Lille un logiciel, SIGAPS, de mesure des publications, désormais implanté dans la France entière : il permet d'évaluer comment se classent nos équipes. Nous avons ainsi recensé 1300 publications scientifiques l'an dernier, dont 360 dans les revues de rang A, celles qui font référence. Or en 2003, nous n'étions qu'à 700 publications. Nous consacrons 55 M par an à la recherche. Nous avons des pôles de dimension mondiale dans certains secteurs comme les infections chroniques de l'intestin, les maladies pulmonaires, les maladies infectieuses, les neurosciences, le cancer, les maladies cardiaques, le diabète
et ce ne sont que des exemples.
Comment vous situez vous en formation ?
La Faculté de médecine de Lille est la plus grande de France. Notre objectif est d'avoir le maximum d'étudiants au meilleur rang à l'examen national classant, ce qui leur permet de privilégier un internat à LILLE et favorise, par la suite, une installation sur la région. Notre projet vise à positionner notre établissement en CHU multipolaire, travaillant en synergie et en complémentarité avec les centres hospitaliers qui nous entourent. Ces partenariats sont même structurés dans le cadre de groupements de coopération sanitaire : je citerai notamment celui qui a été constitué avec le Centre Hospitalier de Valenciennes en neurochirurgie. Nous créons des groupements de coopération sanitaire pour promouvoir en commun la création déquipes médicales de proximité et créer des filières de soins visant à organiser une prise en charge graduée des patients, en lien avec les professionnels de santé qui nous entourent. Des coopérations avec le secteur privé sont également développées, portant par exemple sur la prise en charge des urgences de la main. Nous mettons aussi l'accent sur la relation avec la médecine de ville.
Le CHRU a raté la candidature à la première vague nationale des Instituts Hospitalo-Universitaires (IHU), comment analysez-vous cet échec ? Comment ne pas échouer pour la nouvelle vague attendue ?
Il est toujours décevant de ne pouvoir aboutir sur des projets aussi structurants qui renforcent la mobilisation de la communauté des chercheurs autour d'une thématique. Pour autant, nous gardons la thématique de la médecine personnalisée. Fort heureusement, plusieurs projets de labex (laboratoire dexcellence) ont pu être sélectionnés. Pour cette deuxième vague, on se met en ordre de marche. Nous avons lancé les travaux préparatoires pendant l'été afin de définir la thématique qui nous fédérera. Nous avons lancé un appel à projets en interne, et nous ne sommes pas seuls : les Universités de Lille 1, Lille 2, le Centre Oscar Lambret, lInstitut Pasteur, le CNCR et lINSERM seront associés. La gouvernance est déjà mobilisée.
La présence de Martine Aubry comme présidente du conseil de surveillance du CHRU, c'est un atout dans un tel dossier ?
Elle apporte à ce projet la plus grande attention et son plein soutien. C'est un dossier majeur, déterminant, sur lequel tout le monde doit se mobiliser.
Le CHRU est un mastodonte économique. Peut-on être dans une logique de contrôle de gestion et en même temps jouer un rôle de soutien de son territoire ?
C'est très compatible. La T2A (tarification à l'activité) implique un financement des ressources directement lié au volume et à la nature des activités, hors missions de service public. Cela implique dinscrire le développement des activités dans le cadre dune analyse prenant en compte à la fois la dimension stratégique et la dimension médico-économique : lactivité répond-elle à nos missions de CHU et de service public ? Lactivité est-elle viable au plan médico-économique ? Cela passe par une démarche de management faite de méthodes de travail, danalyses, dévaluations qui font lobjet de concertations en directoire. Les projets ne sont engagés que sils sont viables sur le plan médico-économique. Toutes les entreprises travaillent de cette manière.
Votre logique économique se traduit aussi dans une politique d'achats très exigeante...
On ne peut pas imaginer d'acheter sans avoir pour référence, le meilleur produit au moindre coût. Notre programme PHARE d'économies d'achats doit dégager 4 M par an. On ne peut gagner en efficience que si on joue sur deux registres : nos recettes, mais aussi nos dépenses, qu'il s'agisse du personnel, des dispositifs médicaux, des consommables, etc. C'est une telle masse financière qu'on est obligé d'être attentif à toutes les dépenses. Dans les charges d'exploitation, 70% relèvent des charges de personnel. La marge de manuvre est faible, dans la mesure où la grille et les indices de rémunération sont fixés par lEtat et les tarifs des séjours encadrés par lONDAM (Objectif National des Dépenses dAssurance Maladie) voté chaque année par le Parlement.
Le CHRU compte 15 000 agents aujourd'hui contre 12 000 il y a dix ans, pourquoi cette inflation ?
Ces postes ont été générés par de nouvelles activités répondant à notre mission de CHRU de Lille et correspondant à un besoin de prise en charge des patients dans une région où létat de santé de la population reste préoccupant. On peut par exemple citer louverture récente de lUnité Hospitalière Spécialement Aménagée ou la création de nouveaux lits de réanimation et de surveillance continue.
Avez-vous des liens forts avec le pôle Eurasanté ?
Nous travaillons de façon très étroite avec son Président et son Directeur pour favoriser la détection et la maturation des activités de recherche et aboutir à leur valorisation. Ce fonctionnement a fait ses preuves, notamment en termes de création d'emplois. Aujourd'hui un nouvel organisme a été créé dans le cadre des Investissements d'Avenir ; il sagit de la SATT, (lire Eco 121 n°34) qui renforcera le potentiel de ressources pour promouvoir la valorisation des projets scientifiques.
Votre niveau d'investissement en 2012 a été très élevé, à 100 M. Quelle est votre recette ?
Cette capacité à investir, nest possible quà condition de maintenir les équilibres financiers. Depuis 4 ans, le CHRU est à l'équilibre. Le total des emprunts en cours représentent 233 millions. Il y a 5-6 ans, nous investissions 40 à 45 M par an. Le Plan Global de Financement Pluriannuel (PGFP) qui détermine le financement de nos projets sur les 5 ans à venir représente 422 M d'ici à 2017, soit un doublement du rythme annuel de financement. (Lire encadré)
Certaines entreprises régionales du biomédical regrettent de ne pas travailler pour votre compte...
Dans le secteur public, la réglementation impose la procédure dappel doffres. J'ajoute que les CHU se sont organisés au sein d'UNIHA, un groupement national, pour obtenir de meilleures conditions de la part des fournisseurs. Du coup, sur certains appels d'offres, les petites entreprises locales ne peuvent pas répondre. Mais sur certaines commandes, le marché local peut être plus adapté. Il y a des gammes différentes, ciblées, où les entreprises régionales peuvent avoir leurs chances. Enfin, il ne faut pas oublier non plus que nos 15 000 salariés sont aussi des consommateurs pour l'économie locale.
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