Migrants : les acteurs économiques du Calaisis inquiets

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[caption id="attachment_24413" align="alignleft" width="400" caption="Bernard Cazeneuve ministre de l’intérieur et Natacha Bouchart, maire de Calais, le 3 novembre lors de l’annonce de l’ouverture du centre d’accueil de jour à Calais."][/caption]

Ils seraient environ 2 300 selon la Préfecture. Érythréens, Soudanais, Syriens et bien d'autres à fuir leur pays en guerre. Avec un seul but : gagner l'Angleterre. Sur leur chemin semé d'embuches, Calais fait figure d'ultime étape avant l'eldorado que leur font miroiter les passeurs. Même au temps du centre de Sangatte, leur nombre n'a jamais été aussi important. Si habitants et migrants cohabitent depuis plus de quinze ans, la pression migratoire en forte progres- sion génère un regain de tension. De 880 en juillet, ils sont aujourd’hui le triple. Avec parfois des comportements violents. Les journaux télévisés ont montré à une France médusée ces camions sur l'A16, en attente de traversée de la Manche, littéralement pris d'assaut.

 

 

« Double-peine »

Ce climat inquiète les acteurs économiques. A commencer par les profes- sionnels du transport. « On ne minimise pas la misère humaine de ces gens qui ont déjà traversé l’Europe », soupire le secrétaire général en région de la Fédération nationale des transports routiers Sébastien Rivéra. « Pour autant, cela peut parfois causer des soucis importants pour nos entreprises. On assiste à des tentatives désespérées des migrants, parfois même à des assauts. Ce sont des comportements assez récents. Cela peut conduire à des dégradations de véhicules, des caillassages de carrosseries, des pare-brise explosés ». Certains s'introduisent par le toit des camions en déchirant les bâches, les recousant ensuite pour plus de discrétion. L'intrusion dégrade parfois la marchandise transportée. « Lorsque le client s’en rend compte, il demande généralement sa destruction. Ces litiges peuvent atteindre des dizaines de milliers d’euros pour le transporteur. Sur des citernes, dès lors qu’un boulon est retiré, le client ne prend pas de risque et demande la destruction du produit ».

Les transporteurs se plaignent d'une « double-peine » : à leur arrivée au port, ils peuvent faire l’objet de contrôle par les autorités françaises et britanniques. Passage sous scanner, captations de CO2 et de battements cardiaques... En cas de présence de clandestin, l'amende britannique peut monter jusqu'à 2 000 livres par personne. De quoi pousser certaines compagnies à prendre des mesures. « Certaines recommandent de ne plus faire d'arrêt à 150 km aux alentours de Calais », précise le secrétaire général.

 

 

 

 

Artisans inquiets et psychose

Certains commerçants calaisiens affichent une baisse de leur chiffre d'affaires. C'est le cas de Bertrand Sauvage, dirigeant du Traditionnel. « Nous avons perdu notre clientèle des villages alentours et vu notre chiffre d'affaires baisser de 10 à 15%. Pourtant, nous vivons depuis longtemps à côté des migrants », déplore le traiteur de la rue Molien. Qui regrette un « malaise » dans la ville qui pousse « des voisins à travailler les portes fermées à clefs ». Frédéric Van Gansbeke, gérant du Coin du pain et président de l’association Calais Centre, juge que « c’est plus la psychose qui génère un problème injustifié. A 18h, vous pouvez fermer les commerces, il n’y a plus personne dans les rues ! » Difficile selon lui d’attribuer une baisse du chiffre d’affaires à la présence de migrants, mais « à cause du tapage, les gens ont un peu peur » et la clientèle des communes avoisinantes se raréfie. Même son de cloche à la Chambre des métiers départe- mentale récemment alertée. « Nous sommes bien conscients du problème humain. Il n'y en a pas entre migrants  et commerçants mais des bagarres dans les rues obligent certains à fermer leurs portes. Les gens sont inquiets », constate Gabriel Hollander, président de la section Pas-de-Calais.

 

 

Médias boucs-émissaires

Et le tourisme, secteur important de l'économie littorale ? Dans la restau- ration, Pierre Nouchi, représentant de l'Umih, évoque une dégradation des affaires d'environ 10%. Un phénomène qu'il attribue aussi à « la morosité ambiante et aux images négatives relayées par les médias. On en saura plus après les fêtes, période où les Anglais viennent pour leurs achats de Noël ». Côté hôtellerie, difficile d'obtenir une vue d'ensemble mais la présence de passeurs qui génèrent du va et vient « conduit à une perte de la clientèle habituelle ». D'autres se frottent les mains au contraire en logeant dans leurs hôtels... les nouveaux renforts de police déployés sur le secteur. Jean-Marc Puissesseau, président de la CCI Côte d'Opale et gérant du port - 10 000 emplois directs et indirects, estime que la présence de migrants « n'impacte pas l'activité du port ». Eurotunnel a de son côté battu cet été un record de transport de camions. Un effet de transfert du port vers le train ? « Cela existe mais on ne parle pas de milliers de camions », modère le service communication du barreau fixe. Le concessionnaire du tunnel sous la Manche met à disposition des chauffeurs des capteurs de CO2 bien que son temps d'embarquement rapide limite l'entrée des migrants.

 

 

 

Image écornée

Le premier adjoint de Calais Emmanuel Agius dénonce « la presse (qui) ne se focalise que sur ça. L'image de la ville a surement été écornée par ce que l'on voit sur le petit écran ». Pour l'élu, « le tourisme ne souffre pas, il n'y a pas de défection de commerces et les porteurs de projets continuent de faire leur chemin. Bien sûr, le Port a été mis à mal quelques soirs mais cela est maîtrisé ». Ce ne sont pas les mé- dias mais bien la mairie de Calais qui a toutefois réclamé et obtenu l'appui financier de Londres -15 M€ pour aider à sécuriser le port - pour faire face au nouvel afflux d'immigrés. Celui-ci pourrait même se tendre. Dans les colonnes de Nord Eclair, Ludovic Hochard de la Police aux frontières (PAF) évoquait la présence de 5 000 migrants dans quelques mois. Un chiffre réfuté par le ministre de l'Intérieur venu sur place le 3 novembre. En attendant la mise en place des barrières à proximité du port et l'ouverture du centre d'accueil de jour annoncé par Bernard Cazeneuve (doté d'un budget annuel de 3,2 M€), les acteurs économiques font le dos rond. Sans trop d'illusions. Tant que la perfide Albion attirera les candidats à l'exil, Calais ressemblera plus à une impasse qu’à une échappatoire. 

Texte et photos Julie Dumez

- Lire aussi :  3 questions à Jean-Marc Puissesseau,, Président de la CCI Côte d'Opale, exploitant du Port de Calais

 

*Contactées sur la problématique économique, la préfecture du Pas-de-Calais, la maire de Calais et la direction de Cité Europe n'ont pas souhaité commenter la situation. 

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