Capitalisme contre capitalisme

Ce dernier qui a traversé guerres, crises et régimes est omniprésent outre-Rhin. Ses PME sont rarement cotées. Employant de 2000 à 10000 salariés, elles ont la taille suffisante pour innover et exporter. Profitant d'un euro plombé par les pays du club Med, elles inondent les cinq continents de leur " made in Germany ". Elles investissent des sommes "Kolossales" dans la recherche et, depuis leurs métropoles régionales, inondent les Chinois de machines grâce auxquelles ceux-ci nous inondent de leurs produits.

A l'opposé de ce modèle, la France entasse son CAC 40 dans les tours de la Défense avec des centaines de milliers de salariés sur tous les continents ; leurs actionnaires parlent toutes les langues avec une préférence pour l'accent des retraités de Californie. Ceux-ci exigent des rendements et les managers surpayés sont sommés de créer de la valeur.

Auchan et Carrefour. Deux multinationales, deux modèles opposés. La première cultive les vertus familiales et patrimoniales du patronat du Nord. Son actionnariat a le culte de la discrétion et davantage encore celui de l'immobilier, du foncier de "la terre qui ne ment pas". L'autre ne pense qu'à la Bourse et BFM Business nous serine en boucle son cours. Colony Capital et Bernard Arnault veulent "se refaire" comme disent ceux qui ont perdu au poker. Le manager qu'ils ont choisi doit obtempérer : vendre les murs, les loger dans une coquille, coter la coquille, filialiser le hard discount ; il est vrai que c'est un autre métier mais de là à le coter séparément... Et voilà comment, espèrent-ils, 1 + 1 + 1 feront 4... Il y a quelques mois, c'était ACCOR qui montrait l'exemple en vendant les murs de ses hôtels pour se concentrer sur son core business : leur gestion.

Et l'homme dans tout ça ! C'était le thème des Universités d'été des CCI tenues à Lille en septembre. Vendu comme on vend le bétail avec la ferme, il a perdu la niaque. Demandez aux Leroy Merlin pourquoi ils sont aussi motivés et caracolent désormais loin devant leur concurrent de toujours ballotté de fonds de pension en manager recruté chez les fat cats de la City.

"Si la finance internationale, déclarait récemment Martine Aubry, avait été dirigée par les patrons du Nord, nous n'aurions pas connu une telle crise". Où sera-t-elle en 2012 ? Ni le café du commerce ni le marc de café n'ont pu me répondre. A Lille peut-être pour reprendre en mains les affaires communautaires ? A Matignon peut-être ou encore sur l'autre rive ? Puisse-t-elle alors se souvenir de ces sages paroles à l'heure des arbitrages fiscaux. A l'opposé de la vulgate propagée par la méritocratie énarchique qui dirige le CAC 40 et ignore les familles entrepreuneuriales assimilées aux "deux cents familles " d'avant-guerre.