Transport - Logistique: un duo a? deux vitesses

Cette petite salopette en 18 mois made in Orchestra ne traversera plus la France pour de?barquer dans votre magasin. Bien- to?t stocke?e dans un me?ga-entrepo?t de 120 000 m2 a? Arras, elle n’aura plus que quelques kilome?tres a? parcourir depuis que l’enseigne pour enfants a de?cide? d’implanter son centre logis- tique en re?gion (cf p.28). Plateforme tournante au cœur de l’Europe, le Nord-Pas-de-Calais mise depuis long- temps sur la logistique dope?e par sa proximite? des bassins de production et de consommation. Depuis quelques anne?es, la re?gion se positionne particulie?rement sur des ba?timents XXL, taille?s pour re?pondre au marche? europe?en. Comme a? Lauwin-Planque ou? Kiabi exploite une vaste plateforme de 66 000 m2 ou De?cathlon sur Delta3. Et les investisseurs entendent bien sur- fer sur le cre?neau du e-commerce en recherche de bases pour leurs activite?s. Sur l’ex-BA 103 a? Cambrai , les chiffres sont spectaculaires : le projet Narval promet 600 000 m2 de?die?s au e-commerce pour    200 M€ d’investissement. Avec 1300 emplois annonce?s a? la cle?. Amazon avait ouvert le bal des prétendants en 2013 a? Lauwin-Planque avec un site de 90 000 m2 d'entrepo?ts, son plus important site franc?ais. Les protagonistes historiques de la distribution ont aussi largement investi en la matie?re. Et le mouvement se poursuit : La Redoute va se doter d’un nouveau centre de pre?paration flambant neuf a? Wattrelos avec un objectif : traiter les commandes en 2h de?s 2016. Son grand rival 3SI a inaugure? en 2013 Dispe?o, sa filiale spe?cialise?e en pre?paration de commandes. De?die?e au commerce en ligne, elle a de?croche? en septembre un contrat majeur avec Showroomprive?.com.

200 000 m2 d'un seul tenant
Et les projets d'infrastructure se multiplient. La plateforme tri-modale Delta 3 de Dourges ache?vera mi-2015 ses travaux d’ame?nagement pour accueillir 300 000 m2 d’entrepo?ts supple?mentaires. De quoi doubler sa capacite? avec, dans les cartons, un ba?timent de 200 000 m2 d’un seul tenant hypermodulable. La fac?ade maritime espe?re tout autant tirer son e?pingle du jeu. Dans son plan strate?gique, le port de Dunkerque a fait de la reconque?te de son hinterland une priorite? tandis que l’ambition de Calais Premier porte un parc logistique de 200 000 m2, pour l’heure encore en phase de commercialisation avant construction.
Paradoxalement, cette forte dynamique de l'activite? logistique ne suffit pas a? tirer vers le haut l’activite? transport, soumise a? un environnement europe?en bien plus contraignant.

Cabotage, baisse des volumes, prix du carburant, marges re?duites, fiscalite?...

Pour les transporteurs oblige?s de faire le dos rond, la coupe est pleine. Les ne?gociations annuelles obligatoires ont tourne? au fiasco apre?s un dialogue tendu entre syndicats et patronat. En 2013, 96 entreprises de transports routiers de marchandises ont mordu la poussie?re. Dont 72% en liquidation judiciaire, le taux le plus e?leve? depuis 5 ans. « Les tre?soreries sont tendues », s’inquie?te Ste?phane Latouche, directeur re?gional de la Banque de la Banque de France. A l’instar des difficulte?s rencontre?es par Transalinord a? Fouquie?res-les-Lens. Repris en 2003, le transporteur se retrouve aujourd’hui confronte?e a? une proce?dure de sauve- garde. Beaucoup ont pris des mesures pour e?viter de recourir aux licenciements et s’adaptent a? un environne- ment hyper concurrentiel. Si la bataille avec nos voisins belges est rude, c’est sans compter sur le cabotage*, autorise? depuis 1998 et ouvert de?s 2004 a? la Pologne, Etat europe?en le plus caboteur. « Cette date marque la de?te?rioration de la situation franc?aise. En 15 ans, le pavillon franc?ais a perdu la majorite? de ses marche?s europe?ens », explique Olivier Arrigault, de?le?gue? re?gional de la Fe?de?ration nationale des transports routiers. Jimmy Bils, dirigeant de STIL a? He?nin-Beaumont, regrette e?galement cette concurrence de?loyale instaure?e par la le?gislation europe?enne. Il recourt pourtant a? cette opportunite? en affre?tant des transporteurs e?trangers en sous-traitance.
« Il faut les utiliser avec parcimonie. Nous sommes face a? un dilemme avec le risque de perdre des clients », de?code celui qui be?ne?ficie aussi de son activite? logistique, Simastock, comme effet levier. Face a? des prix compe?titifs, parfois « 3 fois moins chers qu’en France », il reconnai?t toutefois que la barrie?re de la langue et la qualite? de service peuvent parfois poser proble?me. Pas question en revanche de se frotter a? ces pratiques pour Andre? Pecqueur, emble?matique dirigeant des Transports Saint Arnould et des Brasseries de Saint-Omer. « Il y a cinq ans, nous avons de?cide? de ne prendre aucun chauffeur e?tranger. Cela nous a valu de perdre quelques clients parce que nous e?tions plus chers. Aujourd’hui certains reviennent pour notre service et notre e?quipe formidable», se re?jouit le patron qui affiche 50 M€ de CA en progression de 8% en 2014. L'entreprise a me?me embauche? 27 chauffeurs l'an dernier.

Mode alternatif
Cabotage, baisse des volumes initie?e en 2009, prix du carburant et des autoroutes, marges re?duites, fiscalite? poussent les entreprises a? trouver des solutions pour re?sister. « Elles ont par- fois abaisse? le volume horaire des chauffeurs pour s'aligner sur les volumes », constate Olivier Arrigault. Le transport routier repre?sente encore 85% de la part modale, loin devant le ferroviaire et le fluvial. Pourtant les infrastructures, denses en re?gion, se de?veloppent vers ces modes alternatifs a? la route. La navette Nord Port Shuttle reliant Dunkerque-Lille-Dourges s’installe doucement tandis que vient d’e?tre inaugure? le terminal a? conteneurs Escaut Valenciennes au terme d’un investissement de 9,5 M€. Sa capacite? de 85 000 EVP par an, sera d’ailleurs double?e au terme d’un nouveau programme de?ja? engage?. Le port de Lille s’engage quant a? lui dans un vaste programme d’investissement de 110 a? 130 M€ pour les dix anne?es a? venir (cf p.18). Et les ambitions ne manquent pas : Calais Port 2015 et e?videmment, le canal Seine-Nord Europe, et la plateforme de Marquion (156Ha) seront de ve?ritables atouts pour concre?tiser ce re?ve de hub europe?en. Aussi porteurs d’emplois.

- A lire aussi Questions à Olivier Arrigault, délégué re?gional de la Fédération Nationale des transports routiers (FNTR)