Questions à Olivier Leprêtre, président du Comité régional des pêches

"ON ARRIVE A UN POINT DE NON RETOUR !", selon le président du comité régional des pêches "ON ARRIVE A UN POINT DE NON RETOUR !", selon le président du comité régional des pêches

Le représentant des pêcheurs de la région, soit 110 bateaux environ pour 600 salariés, est particulièrement inquiet pour sa profession et au-delà pour l'avenir de toute la filière.
Entretien.

 

Comment les métiers de la pêche traversent-ils la crise de l'énergie ?
Depuis trois ou quatre ans, c'est tempête sur tempête ! On a eu le Covid, le Brexit, là c'est le carburant. On ne s'en sort jamais. Il y a une réduction drastique de quotas car il a fallu en rendre aux Anglais. C'est très, très compliqué. Et, la cerise sur le gâteau, c'est la surexploitation par les pêcheurs hollandais. Ils sont arrivés il y a dix ans pour tester, depuis ça n'a cessé d'augmenter. De 2013 jusqu'à son interdiction en 2021, ils ont pratiqué la pêche électrique. Maintenant, c'est la senne danoise. Tout cela crée un dommage énorme sur la ressource.

La crise du Brexit est-elle définitivement derrière vous ?

Non, il nous manque encore quatre ou cinq licences de pêche. Mais surtout en 2026, il est prévu une renégociation du volet pêche du Brexit, les Anglais vont encore enfoncer le clou pour essayer d'éjecter un maximum de bateaux. Les licences ont été accordées pour cinq ans seulement. On est repartis pour un tour de moulinette!


La motivation des pêcheurs est-elle atteinte ?

Dans le plan de sortie de flotte, la moitié de ceux qui arrêtent le font par écoeurement, ce n'est même pas pour une raison financière. Commission européenne, ONG, associations sur l'environnement ... On ne fait que taper sur les pêcheurs, ils sont responsables de tous les maux. Alors qu'ils sont les premiers à protéger la ressource dont ils vivent et dont ils veulent que leurs enfants vivent un jour. Un pêcheur fait moins de dégâts que 1 500 tonnes de béton coulées sur chaque pied d'éolienne... Sans parler de l'extraction de granulats. L'avenir est sombre. Pour moi, nous sommes comme les populations indigènes qu'on a éjectées de la forêt avant de la dévaster pour mieux l'industrialiser ensuite.

La ressource halieutique n'est-elle pas en danger ?

Quand il y a un problème, on pointe toujours les pêcheurs. On ignore par exemple l'impact climatique dans la négociation des quotas. Cette année, il y a eu énormément de retard pour les harengs, je m'attends à ce qu'on nous dise qu'il n'y en a plus. Pour le cabillaud, c'est la même chose : il ne faut pas une température de plus de 6° pour l'éclosion des œufs. Or depuis des années, on est à plus de 10°, le poisson va donc dans des eaux plus froides. A l'inverse, on voit des thons rouges qu'on n'avait jamais vus, on a une surabondance de seiches, qui est un poisson d'eau chaude. Nous les pêcheurs, on sait qu'avec le changement climatique, tout change. Ce sont des technocrates bruxellois qui gèrent la mer alors qu'ils ne sont jamais montés sur un bateau ! La mer, on ne la gère pas avec une calculette !

Comment voyez-vous l'avenir de la profession ? Quid de la plateforme de Capécure à Boulogne ?

Si vous faites un film 20 ans en arrière, on diminue constamment la flotte. On ira jusqu'à l'extinction, c'est obligé, sauf revirement de situation. On arrive à un point de non retour. Ce sont les fondations de la plateforme boulonnaise qui sont en train de se déstabiliser. Si on réduit encore, ça va s'effondrer et toute la filière derrière. Il faut arrêter de privilégier la flotte étrangère et défendre les pêcheurs locaux.

 

A lire ausi : 

La pêche régionale se cherche un avenir

Aquanord : Une pépite en difficulté administrative

Les pêcheurs vent debout contre l'éolien offshore du Tréport

Le Crédit Maritime triple son engagement maritime et fluvial

Ces articles peuvent également vous intéresser :

Publié le 28/11/2022 Olivier Ducuing Grand Angle

La pêche régionale se cherche un avenir

Confrontée à des crises à répétition et à une difficulté majeure à recruter, la pêche régionale doit en outre préparer l'avenir et se décarboner. Une équation délicate mais avec des atouts solides. Un projet de marque collective doit aussi permettre d'engager une vraie dynamique de filière dans un secteur encore très individualiste. Où en est notre pêche régionale ? Notre enquête

Publié le 27/10/2022 Julie Kiavué Grand Angle

Immobilier : les bâtisseurs à l'honneur

La promotion immobilière régionale vient de fêter ses plus belles réalisations lors des Pyramides d'Argent. Alors même que la profession est confronté à un sévère retournement de tendance face à la multiplication de points de tension.

Publié le 26/10/2022 Guillaume Roussange Grand Angle

Plastic Omnium crée la plus grande usine de réservoirs à hydrogène d'Europe

Le plasturgiste va injecter 160 M€ dans ce projet hautement stratégique

Publié le 26/10/2022 Arnaud Lefebvre Grand Angle

Bioplastiques, de nombreux freins

Le développement de bioplastiques se heurte à de nombreux obstacles

Publié le 26/10/2022 Arnaud Lefebvre Grand Angle

Jean-Paul Blanc, DG du pôle Plastium : "La pénurie de main d'œuvre frappe tous les postes!"

Trois questions au dirigeant du pôle plasturgiste régional Plastium

Publié le 26/10/2022 Arnaud Lefebvre Grand Angle

La plasturgie à l'heure de tous les défis

La filière plasturgie des Hauts-de-France prend de plein fouet la hausse des prix des matières, de leur transport et, surtout, de l’énergie. En proie également à des difficultés de recrutement, ses acteurs n’ont d’autres choix que de continuer d’investir, contraints ou incités par les évolutions réglementaires et par la montée en puissance de l'économie circulaire. Focus sur une filière discrète mais stratégique.

Publié le 26/09/2022 Julie Kiavué Grand Angle

3 questions à Adel El Mosati, responsable transition et efficience énergétique d'Auchan Retail.

“On peut aller chercher 30 à 35% d'économies supplémentaires dans. les trois ans"

Publié le 26/09/2022 Olivier Ducuing Grand Angle

Cinq initiatives anti-crise de l'énergie

De nombreux acteurs n'ont pas attendu la crise actuelle pour chercher des solutions alternatives. Géothermie, gaz de mine, calories des eaux usées, biomasse ou bien sûr photovoltaïque, focus sur 5 initiatives originales

Publié le 26/09/2022 Olivier Ducuing Grand Angle

Crise énergétique : Quelles solutions pour une économie sous haute tension ?

Si la hausse spectaculaire des prix de l'énergie tétanise nos grands acteurs économiques, c'est bien tout le tissu productif qui est touché. Comment la rtégion encaisse-t-elle ce choc? Quelles solutions envisager ? Focus sur une crise hors norme.

65 ans Maire de Lauwin-Planque de 1995 à février 2022 Président de Douaisis Agglo depuis 2009 Premier vice-président aux finances du conseil départemental du Nord de 1995 à 2021 Elu président du conseil départemental du Nord depuis juillet 2021 Membre de
Publié le 26/09/2022 Olivier Ducuing Grand Angle

Christian Poiret, Président du Département du Nord : "C'est une crise existentielle globale"

Le conseil départemental du Nord est l'une des plus grosses collectivités françaises, avec ses 2,7 millions d'habitants et son budget colossal de 3,7 Mds €. Celui qui avait incarné le redressement des comptes lors du dernier mandat, comme vice-président aux finances de Jean-René Lecerf, est aux manettes depuis juillet 2021. L'homme parle cash, dans les deux sens du terme, et évoque pour Eco121 les enjeux d'une rentrée aux enjeux financiers considérables.