Que peut espérer la Région du Grand Emprunt ?

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France


Petit Lexique du Grand Emprunt

Programme d'investissement d'Avenir (PIA), Equipement d'excellence (Equipex), Instituts d'excellence (Idex), Société d'Accélération du Transfert de Technologies (SATT), Laboratoires d'excellence (Labex), 5 Instituts Hospitalo-Universitaires (IHU), Cohortes (instruments épidémiologiques), 4 à 6 Instituts de recherche Technologique (IRT), Instituts thématiques d'excellence en matière d'énergie décarbonée (IEED), Consortiums de valorisation Thématique (CVT)

" Nous serions étonnés que le Nord-Pas-de-Calais, avec la mobilisation des acteurs de la région, ne sorte pas avec une ensemble de projets retenus ". René Ricol, commissaire général à l'investissement, n'a pas voulu s'engager davantage publiquement lors de sa visite en région courant septembre. Il faut dire que les attentes sont très fortes face au" Monsieur Grand Emprunt " qui porte l'un des très rares programmes d'Etat dotés d'un financement sécurisé de 35 milliards d'euros dédié aux investissements d'avenir. Un pactole auquel la région entend bien émarger pour faire avancer ses projets. de ténors de la vie publique locale manquaient lors de cette visite. Martine Aubry, Daniel Percheron, Valérie Létard, ou encore René Vandierendonck étaient de la partie, tout comme l'ensemble des responsables des pôles de compétitivité et des universitaires..Mais il n'est plus question d'aligner des inventaires à la Prévert de projets et de lignes budgétaires pour bénéficier de la manne publique,comme l'usage s'était imposé au gré de décennies de contrats de plan puis de contrats de projet.

Pas d'enveloppe régionale

" Le niveau d'implication financière des collectivités sera un critère de sélection fort, considéré comme la traduction de leur soutien ", note un fin connaisseur du sujet. " Si la région, les collectivités nous disent : " si vous y allez, nous sommes prêts à mettre autant ", et si les industriels disent la même chose, cela donne beaucoup de crédibilité ", confirme René Ricol.

A l'inverse, une mobilisation insuffisante est-elle éliminatrice? Voire. La fébrilité saisit nombre d'acteurs régionaux, encore tétanisés par l'échec du plan campus, Lille étant arrivée onzième pour dix projets financés. Malgré le (gros) rattrapage obtenu, le Nord-Pas-de-Calais a compris qu'il fallait arriver parmi les premiers. Car, a martelé René Ricol, l'ancien médiateur du crédit," il n'y a aucune enveloppe régionale! " Pas de péréquation ni la moindre logique d'aménagement du territoire, contrairement à ce qui a prévalu il y a quelques années pour l'implantation de l'Inria et autres instituts sur le parc de la Haute Borne à Villeneuve d'Ascq.

Néanmoins, les collectivités sont sur la défensive sur ce point. Chat échaudé craint l'eau froide : "L 'exemple récent des conditions dans lesquelles ont été sollicitées les Régions lors du dernier AAP du FUI (fonds unique interministériel) ne peut qu'inciter à la plus grande des vigilances. En effet, l'Etat ne fait pas que décider unilatéralement des projets à soutenir en s'appuyant sur ses expertises plus ou moins indépendantes et pertinentes. Il change aussi au dernier moment les règles de financement installées (à savoir 50/50 pour la part publique), demandant aux collectivités d'assurer maintenant 60 à 70% du financement public sous la menace de se désengager du financement de ces projets ", indique une note interne du conseil régional que nous nous sommes procuré. Ambiance...

L'Institut Neximed bien placé

Malgré tout, il apparaît indispensable de se positionner précocement pour défendre ses chances. C'est cette logique volontariste qu'ont choisie très en amont le CHRU, l'institut Pasteur, le Pôle de recherche et d'enseignement supérieur présidé par Christian Sergheraert et Eurasanté pour se positionner sur un des thèmes du grand emprunt : l'institut hospitalo-universitaire (IHU).

Il n'y aura que cinq de ces IHU en France, avec une dotation globale de 850 M€. Baptisé Neximed et dédié à la médecine personnalisée, le projet a fait l'objet d'un pilotage très actif d'Eurasanté, qui a levé plus de 6 M€ au titre d'une Fondation ad hoc, auprès de 22 donateurs parmi lesquels AG2R, Macopharma ou Santelys, pour la remise de l'appel à projets des IHU, le 5 novembre.
Car les modalités du financement public ont désormais changé. Plus question de tendre la sébile. L'Etat attend des acteurs locaux une capacité de proposition et de mobilisation, et leur fixe un calendrier impératif en vagues successives. Tant pis pour les distraits ou les lambins. Et mieux vaut aussi se familiariser avec le lexique techno : Labex, Equipex, Idex, cohortes, SATT, IRT, AAP (appel à projet), AMI (appel )à manifestation d'intérêt)...Et avec les cahiers des charges, voire avec les intentions plus ou moins claires de l'Etat.


Le Programme d'investissement d'avenir en quelques dates

22 juin 2009 :

Nicolas Sarkozy annonce le principe d'un emprunt national pour financer les investissements stratégiques destinés à faire passer le cap du XXIème siècle à la France.

Fin août 2009 :

La commission Juppé Rocard est installée pour identifier et évaluer les besoins d'investissements d'avenir.

Novembre 2009:

Après 200 auditions et 300 contributions, les deux ex Premiers Ministres remettent leur rapport.

14 décembre 2009:

Nicolas Sarkozy annonce le périmètre de l'emprunt : 35 milliards, 5 priorités stratégiques. Avec l'effet de levier auprès d'autres financeurs, investissement espéré de 60 Mds€

Janvier 2010:

Création du Commissariat général à l'investissement et nomination de son commissaire, René Ricol

Mai 2010:

14 conventions ont été validées au niveau interministériel

 

L'IRT ferroviaire sous la masse critique ?

Ainsi le fameux centre d'essais ferroviaires, arlésienne régionale depuis des années, est relancé, mais sous la forme d'un projet d'Institut de Recherche Technologique, à Bachan, sur le thème des infrastructures et systèmes ferroviaires. Un dossier à 150 M€. Or René Ricol ne s'est pas montré très chaud sur le statut d'IRT pour ce dossier jugé prioritaire à l'hôtel de région.

La France ne comptera que cinq IRT au total, et elle attend un effet de masse critique de type aérospatiale à Toulouse ou nanotechnologies à Grenoble. Un niveau que n'atteindrait pas la filière ferroviaire régionale. " Il est vu comme " sub-masse critique ", décrypte en langage techno un responsable de pôle de compétitivité.

"  Nous voulons l'IRT ferroviaire, nous allons nous battre ", a d'ores et déjà prévenu Daniel Percheron. A défaut, le commissaire général à l'investissement a déjà indiqué la marche à suivre, même si elle implique moins de crédits disponibles : " Il y a de très nombreux tiroirs dans le PIA ". En l'occurence, une ligne figure dans le PIA sur " le véhicule du futur ", avec une déclinaison ferroviaire dotée de 150 M€.


Les cinq priorités du PIA

Enseignement supérieur et recherche : 11 Mds €

Recherche : 7,9 Mds €

Filières industrielles et PME : 6,5 Mds €

Développement durable : 5,1 Mds €

Numérique : 4,5 Mds €

 

 

Ifmas au titre des énergies décarbonnées

Autre projet à enjeu considérable porté par le Nord-Pas-de-Calais, l'IFMAS. Un acronyme pour, l'Institut Français sur les Matériaux Agrosourcés. L'objectif de cette plateforme de recherche, derrière laquelle se trouve notamment le géant régional des produis amylacés Roquette: caractériser des polymères végétaux pour le développement industriel de nouveaux matériaux. En langage journalistique, le plastique vert. Ce projet pourrait émarger au chapitre " Développement durable " au rang des dix Instituts d'Excellence sur les Energies Dé-carbonées "  promus par le grand emprunt, et dotés nationalement d'un milliard d'euros.

Au total, les acteurs régionaux portent une trentaine de dossiers, disparates dans leur taille, leur maturité et leur capacité de conviction.. Parmi eux figurent par exemple huit laboratoires d'excellence (Labex). Mais seuls trois ont véritablement des " chances raisonnables ", selon un observateur avisé : l'institut européen sur la génomique du diabète (EGID), appuyé sur des équipes scientifiques de premier plan, le projet ICON sur les systèmes opérationnels d'information et de communication (Inria, IEMN, CNRS, informatique...) et le projet "figures et régimes de l'argumentation ".

La région nourrit également des espoirs sérieux pour plusieurs équipements d'excellence (Equipex). Elle en compte pas moins de 18, dont 15 labellisés par le PRES. Elle travaille aussi à la constitution d'un SATT (appel à projet clos le 29 novembre) pour la valorisation de la recherche ", avec le même PRES. En revanche, les " initiatives d'excellence " qui visent à constituer 5 à 10 pôles universitaires pluridisciplinaires de rang international sont quasi écartées. Le seul fait de fédérer les universités lilloises et du Nord-Pas-de-Calais n'a manifestement pas suffi à convaincre, lors de la visite de René Ricol. Contacté par Eco 121, le président du PRES Christian Sergheraert n'a pas souhaité s'exprimer.

La plupart des acteurs sont d'ailleurs d'une grande discrétion. D'abord parce que rien n'est arrêté, même si plusieurs appels à projet et à manifestation d'intérêt ont déjà été lancés. Et toute déclaration intempestive au profit de tel dossier pourrait être perçue comme une pression maladroite par les jurys internationaux appelés à délibérer sur les dossiers. " Des jurys à la loyale, pour éviter le copinage ", assure René Ricol, la main sur le coeur. Verdict dans les prochains mois.

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