Philippe Rapeneau: "Small is beautiful !"

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France


 

 

Votre communauté urbaine est l'une des plus petites de France. Avez-vous la taille critique pour exister face aux enjeux de l'époque ?

Qu'on soit une petite communauté urbaine, oui. Alençon , Cherbourg sont un peu en dessous de nous, nous sommes à égalité avec le Creusot. Comme disent nos amis anglais, « Small is beautiful ». Le principe d'une communauté urbaine, c'est d'abord un critère administratif, la forme la plus aboutie de coopération intercommunale puisque les élus sont allés jusqu'à transférer l'urbanisme, fonction régalienne des communes.

 

La réforme intercommunale va-t-elle changer la donne ?

Calais compte 77 000 habitants mais a une agglo de la même taille que la nôtre. La réforme territoriale bouge un peu les lignes. Nous allons devenir la communauté urbaine la plus rurale de France. En population, on accueille 15 communes de plus pour moins de 10.000 habitants, une intercommunalité de 7 communes et quelques communes du sud-arrageois. On n'a forcé personne.

 

Mais vous passez le seuil des 100.000 habitants...

Oui et c'est important. Sur le plan symbolique mais surtout financier : c'est un seuil. En fiscalité, cela donne quelques leviers. Mais ce sont aussi des dépenses : passer de 24 à 39 communes va entraîner des nouvelles organisations de transport, même si on ne va amener chaque commune au même niveau de fonctionnement que celles qui sont entrées à l'origine, il y a quarante ans.

 

Pour peser davantage, vous êtes aussi engagés dans une démarche de pôle métropolitain. Quelle en est la logique ?

La réalité de la région, c'est une métropole qui joue son rôle pleinement et qui irradie sur le territoire. Personne ne conteste ce rôle. Mais à l'intérieur de ce territoire régional, il y a une organisation multipolaire avec des effets de conurbation, des endroits plus ruraux, d'autres plus tournés vers les ports, d'autres plus liés à la Belgique, et un ensemble intérieur avec l'Artois et l'arc minier, de Béthune-Bruay à Douai, avec Arras. Dès lors que la loi nous autorise à réfléchir et travailler ensemble, pourquoi pas créer un pôle métropolitain? L'Arrageois avec sa dynamique offre 145 emplois disponibles pour 100 actifs. N'avons nous pas intérêt à être ensemble non pour concurrencer Lille mais pour nous adosser à la métropole ? Cela permettra aussi de peser davantage face à nos interlocuteurs. Si on va voir RFF et la SNCF tous ensemble en représentant 1 million d'habitants, qu'on explique qu'il faut organiser les liens entre bassin minier, Arrageois, Douaisis et connexion avec métropole, là ça fait du monde à déplacer et c'est intéressant.

 

Sur le plan formel, où en êtes vous ?

L'idée première est de constituer une association de préfiguration, Hénin-Carvin, Lens Liévin, Artois Bruaysis et Douai et nous-mêmes. On a rédigé des statuts, identifié les sujets sur lesquels on veut travailler ensemble. On a failli finaliser en début d'année, mais on a décalé à après les élections. On travaillera sur les transports, la formation universitaire, l'eau. Le développement économique est également concerné par le biais de deux thématiques, la culture et le tourisme. On ne peut pas occulter ce sujet alors qu'en décembre on inaugure le nouveau Louvre à Lens. L'impact sera important, il faudra nourrir, loger ces visiteurs. Je préfère les garder une nuit à Arras plutôt qu'ils n'aillent à Lille ou qu'ils repartent par le premier TGV à Paris.

 

Pensez-vous possible de faire fonctionner un ensemble de collectivités très pauvres où souvent les élus de même bord ne s'entendent déjà pas entre eux ?

Je vais donc rentrer chez moi, me mettre sous la couette et dire que tout est foutu? Ce n'est pas le tempérament! C'est au contraire parce que nous sommes des territoires de ce type, avec une population jeune, dynamique, certes pas suffisamment formée mais avec un vrai potentiel. On veut faire la démonstration que ce territoire a des richesses et peut avoir des ambitions. Aujourd'hui quand on fait le Louvre Lens, on donne une nouvelle image.

 

Le partenariat avec le château de Versailles est certes moins important mais ambitieux. Vous en attendez beaucoup ?

Versailles, c'est du rayonnement pour la ville, tout le territoire et même au delà. C'est de l'activité, des gens qui vont venir sur notre territoire, dormir, consommer... Ce sont des centaines d'emplois induits. L'effet boule de neige en terme de développement économique est difficile à mesurer. Il y a encore d'autres opportunités. Le pôle Saint Vaast qui regroupera dans un même site cet espace muséal, l’école de musique, une médiathèque, l'école de danse, l'office de la culture, en cohérence avec nos équipements comme l'hôtel de Guînes, le théâtre à l'italienne rénové...Tout cela a un impact économique, et donc aussi de recettes fiscales. Cela va contribuer à l'attractivité de notre territoire, au même titre que le projet de la Citadelle.

 

Vous misez donc tout particulièrement la carte du tourisme ?

Le tourisme existe déjà à Arras mais il peut largement se développer. On a le tourisme de mémoire : 2014 arrive (centenaire de la première guerre mondiale, ndlr), on sera au coeur du dispositif. Les gens viennent à Londres en première destination d'Australie, de Nouvelle Zélande, mais ils viennent aussi voir ici où l'arrière grand père est tombé, dans des sites comme Vimy ou Souchez. Le tourisme de bien être et de loisirs se développe aussi avec la zac Val de Scarpe, le centre de balnéo qui va ouvrir, le bassin d'eaux plates, qui sera un lieu d'entrainement mais aussi de bien être, et le bassin d'eaux vives, les jardins du val de Scarpe. Ce linéaire de Val de Scarpe démarre d'Anzin Saint Aubin avec l'un des plus beaux golfs de France, très attractif, jusqu'aux marais de Fampioux, en plein cœur de zone humide, avec une biodiversité que vous ne trouvez pas ailleurs.

 

 "A 50 minutes de Paris, avec deux places au Patrimoine mondial, vous devenez intéressant"

 

Et le tourisme d'affaires ?

Bien sûr. On est avec Dunkerque, Lille et le Touquet l'une des quatre villes reconnues, validées, labellisées, par la région. Cela va nous donner une dynamique avec la CCI puisque nous avons requalifié Artois Expo pour en faire un centre de congrès de l'ordre de 600 à 700 places pour de l'activité salon mais aussi une véritable activité congrès. A 50 minutes de TGV de Paris, connectés au réseau ferroviaire LGV européen, avec deux places au patrimoine mondial de l'humanité, vous devenez intéressants!

 

Votre territoire a connu une forte dynamique économique dans les années 90. Est-ce toujours vrai ?

On reste dans une phase positive. Le territoire a eu une forte attractivité et une décennie 90-2000 formidable grâce à la prime d'aménagement du territoire. La période 2000-2010 était encore très bonne; la décennie dans laquelle on est entré marque un certain ralentissement, mais reste encore dynamique. Mais on ne fait pas Häagen Dazs tous les ans ! Mais on va faire Fishcut, c'est une centaine d'emplois, 3000 m2 de bâtiment supplémentaire. Nos zones d'activité tournent, et celles qui ont des possibilités de développement le font progressivement.

Nous restons attractifs, grâce à notre situation, à la croisée de deux autoroutes, un ligne grande vitesse, des potentialités autour du projet Seine Nord Europe. Et le choix de se doter d'une boucle numérique qui a certes coûté un peu d'argent, est un atout important.

 

 "On ne fait pas Häagen Dazs tous les ans ! Mais on va faire Fishcut"

 

Vous cherchez à attirer de nouveaux secteurs à plus forte valeur ajoutée ?

Nous en avons déjà. Les sociétés sont peut être un peu plus discrètes car moins importantes que les grosses entreprises dans le transport et la logistique qu'on a pu avoir, ou par rapport à des entreprises emblématiques comme Soup'Ideale ou les crêpes Dessaint. Mais il existe des sociétés de taille plus modeste en informatique qui se développent sur notre territoire comme Decima, NCS, qui nous achètent pour l'un des bâtiments dans la citadelle pour l'autre des terrains aux Bonnettes.

 

La Citadelle a vocation à être le 17e quartier d'Arras ?

Oui mais au delà d'un nouveau quartier de 155.000 m2 de shon -où la CUA s'installe elle-même-, elle s'inscrit dans une démarche de « slow city » : le quartier de la tranquillité, du bien être, de démarches nouvelles en terme de consommation, de paniers d'agriculture de proximité etc...

On a encore à trouver quelque chose d'emblématique dans la Citadelle. Le lien sera la force Vauban. Cette citadelle est le plus grand site dans le réseau Vauban labellisé patrimoine mondial de l'humanité. Ca peut être des plans reliefs, Louis XIV, Vauban, tout ça se connecte. Ca peut être aussi aller plus loin dans l'exploration de Versailles.

 

Le pôle d'excellence agroalimentaire Agroe a plutôt mal démarré. Où en est-on aujourd'hui ?

Tout va bien ! Quand l’État décide des pôles de compétitivité, la région dit fort justement que des territoires vont passer à côté et qu'il faut essayer de faire quelque chose pour eux. Le premier territoire agroalimentaire régional, c'est Lille! On n'allait pas y positionner le pôle qui est donc venu à Arras-Cambrai. Avec au départ une gouvernance alternant chaque année une présidence des présidents d'agglo de Cambrai et d'Arras. Résultat: trois mois avant, on ne fait rien, trois mois après on ne fait plus rien, soit six mois seulement efficaces...On a ronronné. On a un président qui a fait du boulot. Les assises à l'abbaye de Vaucelles ont été un succès. Il reste à jalonner les choses. Nous avons ici avec Adrianor un des outils les plus efficaces en recherche appliquée sur le territoire. Avec la région et le département, on commence les travaux d'extension et de rénovation dans quelques semaines. La présidence du pôle alimentaire ne doit pas être d'un an seulement, le président a plus vocation à être un chef d'entreprise qu'un élu. Maintenant, Michel Lienard (maire de Rumilly, ndlr) est président jusqu'en 2014, il n'y a aucun problème.

Avec l'Adrianor, le pôle Arras-Cambrai est basé à Arras. C'est cohérent. Après, qu'on laisse les formations agroalimentaires à Cambrai, c'est normal. Après la R & D, il faut passer à l'application et aux pilotes semi industriels pour les entreprises. On ne va pas les faire à 50 km d'Adrianor, mais ici. J'ai un accord de principe.
Je souhaite aussi que Cité Nature, propriété de la communauté urbaine, parti dans une structure muséale, se recentre sur ses priorités, à savoir se consacrer à l'agroalimentaire et être un des outils à la disposition de la filière.

 

Recueilli par O.D. et S.P.

Photos Sébastien Jarry

 

BIO EXPRESS

1958

Naît à Calais

Ecole normale Arras

1984-87

Enseignant

1988-97

Assistant parlementaire puis conseiller technique de Philippe Vasseur, ministre de l'Agriculture

Mandats actuels

Président de la communauté urbaine d'Arras (oct. 2011) et du groupe UMP au Conseil régional, adjoint au maire d'Arras

 

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