Pasteur Lille se cherche un nouveau patron

C'est sous les louanges plus qu'appuyés que Philippe Amouyel quitte la tête de Pasteur. Le chercheur de haut vol, qui demeure directeur d'une des six unités de recherche de la Fondation, sort par la grande porte en prenant la tête d'un programme européen visant à lever 400 M contre les maladies dégénératives, à commencer par Alzheimer. 23 pays européens se sont mis d'accord sur son nom.

" L'Institut Pasteur est une vache qu'on a beaucoup traite, on a parfois un peu oublié de faire pousser l'herbe autour " Jacques Richir, vice-président de Pasteur Lille

Le départ de Philippe Amouyel de la direction générale qu'il exerçait depuis dix ans clôt un chapitre très douloureux de l'institution. Ses acquisitions depuis 2005 dans l'analyse se sont révélées désastreuses face à un effondrement des tarifs sur le marché : la Fondation s'est vu contrainte de juguler les pertes devenues si lourdes qu'elles menaçaient l'ensemble. Outre le soutien direct de Lille, via un coûteux lease-back sur des bâtiments du campus Calmette, Pasteur a cédé son pôle commercial IPL Sed et IPL Nord à Eurofins. Une opération menée par Philippe Amouyel en plein accord avec le conseil d'administration, comme toute la politique de Pasteur Lille ces dernières années. Impossible donc de considérer comme une sanction le départ de Philippe Amouyel. Celui-ci ouvre néanmoins clairement une nouvelle ère pastorienne.

Débarrassé de ses gisements de pertes, mais aussi réduit à son coeur de métier de la recherche, la santé publique, l'expertise et la formation (320 salariés), Pasteur Lille se cherche désormais un nouveau modèle économique. Conforté par des dotations importantes des collectivités (LMCU et région, qui entrent au conseil d'administration) et conseil général du Nord (déjà présent), la Fondation veut d'abord optimiser son fonctionnement : un tiers seulement du site de plein centre est occupé. Au moins 10.000 m2 disponibles seront loués, en conservant une vocation scientifique et académique. Autre perspective : relancer les dons, legs et mécénat, comme le fait historiquement Pasteur Paris, qui en tire près du quart de ses revenus. Or cette dimension a été oubliée à Lille quand l'activité commerciale tournait à plein régime. La qualité scientifique de l'institution reste son meilleur gage d'avenir. Car les équipes signent des contrats de recherche rémunérateurs avec le privé, décrochent des programmes européens, contractualisent avec des pôles de compétitivité...

Qui pour incarner Pasteur ?

Reste un sérieux manque : Philippe Amouyel incarnait fortement la Fondation. Or il n'est pas remplacé, ouvrant une période de flottement. Le recrutement du successeur, qui sera toujours un scientifique - une obligation statutaire, sera mené " courant 2012 ", tandis que Jacques Richir, élu lillois (Modem) adjoint de Martine Aubry, vice-président de Pasteur, a été nommé administrateur délégué pour assurer la direction opérationnelle provisoire. Et Eric Diers, un spécialiste du redressement d'entreprises qui avait été embauché à la tête des filiales commerciales est désormais nommé secrétaire général de Pasteur Lille. Un comité stratégique de la recherche, associant les six directeurs de recherche de Pasteur est par ailleurs créé. Mais la reconstruction de cette gouvernance en est à ses balbutiements. " On sait où on est, qu'il y a des pistes et que si on les réalise, on va s'en sortir. On a une très bonne position scientifique, mais en dessous, l'outil est un peu vieillot et vermoulu, il a été touché. C'est mon travail ", souligne sans langue de bois Eric Diers, qui veut tordre le cou aux rumeurs qui ont fusé en tous sens ces derniers mois " au risque de détruire l'image de la Fondation ".