NPDC : Qui sont nos ETI ?

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

Ils rongent leur frein. Les patrons d'entreprises de taille intermédiaire ont de l'appétit, plus que d'autres. Et ils sont donc plus que d'autres sensibles aux freins qui gênent leur croissance. Les ETI sont une catégorie administrative née de la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008. Officiellement, elles démarrent à 250 salariés ou 50 M€€ de chiffre d'affaires et s'arrêtent à 5000 salariés et 1,5 md d'euros de chiffre d'affaires. Avec quelques subtilités complémentaires sur le total de bilan (au moins 43 M€€, au plus 2 milliards).

 

 

Gauche ou droite, institutionnels, entrepreneurs, médias, tous reconnaissent aujourd'hui que ces entreprises constituent le fer de lance des capacités de rebond de notre économie. Mais voilà sept ans que l'on a créé cette case administrative, et rien ne se passe. La France reste bloquée à 4800 ETI, près de trois fois moins que nos voisins allemands, mais aussi bien en-deça des Italiens ou des Britanniques. Et sur ce total, seulement 3550 ont leur centre de décision en France. Nous sommes champions des TPE et des Pme, nous avons quelques fleurons internationaux, mais ce chaînon des ETI est sinon manquant, du moins trop faible dans le tissu économique hexagonal. Le plus souvent patrimoniales, ancrées dans le long-terme, non obnubilées par le rendement immédiat, elles sont un modèle séduisant du capitalisme de proximité, souvent social, loin du Cac 40 et de ses dérives notamment en matère de rémunération des dirigeants. Mais au-delà, elles ont une dynamique propre, un goût d'investir, d'innover et d'aller à l'export. "Le succès engendre le succès. Le premier vecteur favorable d'une ETI est qu'elle a une structure, un DRH, un directeur export, un service de R & D, qui vont tous pousser leurs propres thématiques et générer une dynamique forte », expose Bertrand Fontaine, directeur régional de Bpifrance. Et une fois qu'elles sont identifiées, les sollicitations se multiplient : par exemple pour acquérir des cibles.

  

 

La région en compte quant à elle entre 140 et 200 selon les comptages. Soit duex à trois points de moins que le poids économique du Nord-Pas-de-Calais. Depuis trois ans, Eco121 leur consacre son photoreportage mensuel pour mieux connapitre ces championnes souvent cachées. Car si l'on connait bien les cafés Méo ou les boulangeries Paul (devenues grande entreprise), ou les hôtels de prestige de la SLIH de Jean-Claude Kindt (ci dessous la photo de l'Hermitage Gantois et son extension, à Lille), beaucoup de sociétés, spécialisées dans le B to B, préfèrent l'ombre à la lumière. « Le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien ». Certains dirigeants qui se retrouvent sous le coup de contrôles fiscaux (notamment pour le crédit impôt recherche) après des articles de presse s'en plaignent parfois amèrement. Il n'empêche : la dynamique des ETI, même discrète, est indéniable et peut servir de moteur à l'économie régionale, désormais dépourvue de grands empires miniers, textiles ou sidérurgiques. Les croissances externes se multiplient chez le leader de la désinfection Anios, depuis que les frères Letartre ont racheté leur entreprise à Air Liquide.

 

Dupont Restauration ou son confrère Api Restauration (qui vient de dépasser le seuil des 5000 salariés) croissent régulièrement. On peut aussi citer plusieurs ascensions spectaculaires parmi nos ETI même si les cas sont rares : celles bien connues du leader de l'hébergement internet OVH, en quinze ans, ou d'Ankama avec ses jeux video. Plus discret, le groupe de chimie fine Minakem s'est imposé en peu d'années comme un acteur international, depuis sa base de Beuvry- la-Forêt. Le groupe lillois Mäder est devenu un leader mondial de la peinture ferroviaire et un champion de l'innovation, sous la houlette d'Antonio et Corinne Molina. On trouve aussi chez nos ETI une résistance hors norme à l'adversité, comme chez Salti : la famille Guiot, actionnaire, a choisi de poursuivre les ouvertures d'agence pendant la crise, son confrère Kiloutou a de son côté multiplié les petites acquisitions, comme le spécialiste du béton Alkern (Wingles), en dépit d'un marché très déprimé. Ramery et Rabot-Dutilleul, voire les plus modestes Tommasini ou Scarna, prouvent aussi que des groupes familiaux peuvent challenger les grands acteurs du BTP même dans des temps difficiles. Nos ETI sont aussi gourmandes d'international : le spécialiste des sélections variétales Florimond Desprezréalise désormais 65% de son activité hors de France pour chercher la croissance. Les meubles Demeyère sont leader européen. Les rayonnages Provost ou Cèdres Industries se sont largement développés hors des frontières, tout comme le spécialiste des cosmétiques Sarbec(Corine de Farme).

Et c'est sans compter sur la galaxie Mulliez qui apporte à elle seule un bon nombre d'ETI avec son modèle capitalistique si particulier.

Depuis bientôt deux ans, les ETI de la région se sont groupées au sein d'un club, animé par Hervé Allard. Une réussite immédiate, raconte ce dernier. «On a besoin de se parler. Nos problématiques sont les mêmes : comment se développer et rester indépendant avec le souci de préparer une transmission. Cela exige du temps long »,explique celui qui dirige avec son frère le groupe Trénois-Decamps (Wasquehal). L'association du club avec les Echos et Deloitte, à travers trois rencontres à thème par an, a donné un coup d'accélérateur à ce nouveau réseau.

 

 

 

  « On se connaît infiniment mieux entre nous,  on est dans la confiance et l'envie d'échanger », poursuit Hervé Allard. Dynamisme et croissance oui. Mais acidité du propos aussi. Ces dirigeants ont par leur réussite gagné le droit de s'exprimer. S'ils gardent le plus souvent leurs commentaires pour eux,ils ont la dent très dure sur l'éco-système français. Nous reprenons en guise d'éclairage quelques témoignages de dirigeants d'ETI déjà diffusés dans nos pages. Entre l'ISF qui pénalise les transmissions, les effets de seuils, les rigidités administratives, un code du travail à n'en plus finir, et surtout l'instabilité réglementaire, la confiance n'est pas au rendez-vous. Mais elle n'est pas loin. Et les outils pour accompagner ces entreprises sont là : les financiers, les fonds, les groupes de consulting. « Pour arriver à notre poids économique, il faudrait 240 ETI », relève Bertrand Fontaine. Chiche ?

O.D.

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