"Nous assumons une performance économique"

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Pourquoi votre ensemble d'établissements est-il la première Catho de France ?
Parce que c'est une université complète. Nous couvrons l'ensemble des savoirs et formations, avec notamment le pôle santé-social qui n'existe pas dans les autres Cathos. Cette université est née à la fois de l'Eglise et de dirigeants chrétiens de la région issus d'entreprises familiales et qui avaient pour objectif la formation de leurs enfants et de leurs cadres. Aujourd'hui la Catho compte dans le paysage grâce à de bonnes relations avec le monde socio-économique, culturel et politique. Elle souhaite s'impliquer dans le développement local.

Comment assurer la cohérence d'un tel ensemble ? Le départ l'an dernier de votre école phare, l'Edhec, pour Croix l'a-t-il déstabilisé ?
Chaque école a son conseil d'administration, son président, son directeur. Mais le fait de tout placer en fédération nous amène à travailler ensemble. Il y a un projet d'université plutôt qu'un projet pour chacun.
Concernant l'Edhec, nous souhaitions initialement qu'elle reste dans le campus intégré à Lille, une richesse pour laquelle beaucoup de jeunes choisissent la Catho. Mais le conseil d'administration reste souverain, et il a choisi de se développer dans la métropole lilloise. Lille ou Croix-Roubaix depuis Londres ou Singapour, ça reste la même métropole. Nous avons repris le bâtiment Edhec pour la fac de droit, et celle de sciences éco et gestion. Mais nous nous demandons déjà comment nous étendre à nouveau !

La Catho, c'est 23000 étudiants, répartis en 4 pôles :
• Un pôle droit, économie, gestion (50%) avec les facs libres de droit et d'économie et des écoles comme l'Edhec Espème, l'Iéseg ou l'Estice.
• Un pôle sciences et technologies (24%), avec des écoles d'ingénieurs comme HEI, Icam, Isen ou Isa.
• Un pôle lettres et sciences humaines, théologie, éthique (13%), avec un institut Foi, art et catéchèse.
• Un pôle santé-social (13%) qui inclut une faculté de médecine et des écoles médicales et paramédicales.

Votre croissance est de l'ordre de 5 % l'an en nombre d'étudiants. Est-ce par adhésion ou par défaut ?

Il y a sûrement des critères de qualité de l'enseignement. Les parents et les jeunes nous demandent un suivi pédagogique et un encadrement. Ce que la taille des établissements permet. Les étudiants trouvent aussi une dimension internationale forte. Et nous faisons en sorte que les diplômés décrochent un emploi, qu'ils sortent d'une école d'ingénieur ou de la fac de sciences humaines. Et une très forte proportion de jeunes se place, et même bien. C'est le cas aussi pour les concours de médecine ou de droit. J'ajoute à cela la richesse d'une université en ville, de la vie étudiante, un dispositif de restauration qui sert 4 000 repas par jour, notre système de prévention et de soins, le centre sportif de 7 ha à Ennetières-en-Weppes,les2 000 chambres de résidence...

Votre nom affiche clairement vos valeurs, mais en parallèle vos tarifs de scolarité sont très élevés. N'est-ce pas paradoxal ?

Nous recevons en moyenne 1 100 € de l'Etat par étudiant, quand une faculté publique en reçoit 10 000 et une école publique entre 12 000 et 28 000. Je n'ai pas peur de dire que nous assumons une performance économique. Nous avons une relation étroite avec les collectivités et les entreprises, qui aident les projets (études, recherche, développement pédagogique...). Nous comptons aussi sur la taxe d'apprentissage.
La scolarité s'étale entre 1 800 et 10 000 €. Mais nous avons 15% de boursiers en moyenne – en fait de 5 à 30% selon les établissements. Et nous mettons en place toute une série d'aides : des bourses au mérite, des aides sociales pour les accidents de la vie, un système de prêts sans caution avec certaines banques. Nous travaillons à un projet de caisse solidaire, que nous espérons finaliser d'ici un an. Le principe : un prêt que le jeune diplômé entré dans la vie active remboursera sans dépasser 5 à 10% de ses revenus chaque mois. Et d'ici 2012, nous mettons l'accent sur l'ouverture sociale.


Comment bâtissez-vous votre spécificité ?

A travers des éléments très concrets comme la nécessité pour chaque étudiant de mener à bien des projets humanitaires, sociaux, la multiplication des stages qui les frottent au monde du travail, des modules transversaux qui touchent à la philosophie, au fait religieux et des propositions d'ouverture à la foi ainsi qu'à l'inter- national et à l'interculturel. Il existe aussi des années dites de "césure", un temps pendant lequel l'étudiant quitte l'école pour suivre un projet, souvent à l'international. Quand il revient, il est transformé. Mais tout n'est pas parfait et l'ouvrage est à remettre sur le métier chaque jour.

La Catho sensibilise à la création d'entreprise depuis quelques années. Avec quels résultats ?

Voilà sept ans que nous avons commencé. Nous étions en période socio-économique difficile, donner l'esprit d'entreprise à nos étudiants nous semblait indispensable. Cet objectif est atteint. Nous touchons chaque année 4 000 jeunes, à travers des modules sur la création, la reprise, la transmission.
Nous nous sommes également lancés dans l'incubation, qui a réuni en deux ans 35 étudiants autour de 25 projets tout à fait tangibles. Plusieurs binômes se sont formés entre facultés et écoles de management et d'ingénieur, même avec d'autres établissements hors Catho. Nous avons ainsi un étudiant de l'Icam qui s'est associé avec un jeune de Centrale.

Comment gérez-vous la problématique de l'alcoolisme massif des jeunes ?
C'est pour nous un point extrêmement douloureux. On a quasiment tout essayé : la prévention, l'interdiction de soirées liées à l'alcool dans nos établissements, l'interdiction de l'alcool dans nos résidences... Mais sur la voie publique ou quand ils ne logent pas dans nos résidences, on ne peut pas les atteindre. La pression que vit notre société pèse aussi sur nos étudiants.

Quel est le lien entre l'Eglise et la Catho aujourd'hui ?
Nous menons un travail étroit avec nos évêques. Nous nous rencontrons environ toutes les six semaines. Par ailleurs, les diocèses de Lille, Arras, Cambrai sont présents au conseil supérieur de la Catho, ainsi qu'au conseil d'administration de l'Institut catholique de Lille.
Les liens se traduisent aussi dans des partenariats. Deux chercheurs allemand et britannique travaillent à l'Ieseg sur la manière dont les règles monastiques ont généré certains modèles économiques. Notre faculté de théologie développe de nombreux colloques aux frontières de l'humain. Et notre Centre culturel Vauban propose des séries de conférences ouvertes au grand public. Si nous ne faisions pas tout cela, nous n'aurions pas de raison d'être !

BIO EXPRESS
1955 Naissance à Lille
1976 Diplômée de l'Iéseg (école supérieure de commerce et de gestion)
1988-2002 Directrice du département d'économie de la santé du Cresge
1997 Vice-recteur de l'Université catholique de Lille
1998 Présidente de la Conférence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais
2003 Président-recteur de la Catho

La Catho, c'est aussi un gros pôle hospitalier. Que représente-t-il aujourd'hui ?
C'était jusqu'à il y a peu 350 lits à Saint-Philibert et autant à Saint-Vincent, établissement implanté en zone défavorisée à Lille Moulins conformément à notre vocation. Une extension porte aujourd'hui Saint-Vincent à 430 lits. Nous avons par ailleurs repris il y a trois ans la gestion d'un hôpital à Mons, d'une clinique et de plusieurs Ehpad pour un total de plus de 1000 lits supplémentaires.

Vous aviez annoncé en 2008 un projet ambitieux autour de Saint-Philibert, Humanicité. Trois ans après, où en êtes- vous ?
Il y a beaucoup d'obstacles car c'est original. Mais le projet avance, avec LMCU, Lomme, Capinghem et les entreprises. Les premiers habitants vont arriver fin 2012-début 2013, tout comme les commerces.
Nous nous sommes demandé il y a cinq ans ce que nous pouvions faire par rapport à l'attention aux plus faibles. Tout comme l'hôpital et l'université s'étaient associés lors de la création des CHU en 1958, nous pouvions associer l'université au médicosocial, très éparpillé et pour lequel la formation et la recherche n'étaient pas développées. Nous avons lancé un pôle dédié aux handicaps et à la dépendance. Du terrain était disponible à côté de Saint-Philibert, d'où notre projet de nouveau quartier de ville et de vie, en apportant notre quote-part en enseigne- ment-recherche et en faisant droit au handicap et à la dépendance.

Concrètement ?
Nous possédons 15 ha dans une zone de 140 ha, où nous avons commencé des réalisations. La maison médicale Jean-XXIII a quitté Frelinghien où elle comptait 30 lits, dont une partie en soins palliatifs, pour rejoindre le quartier où elle dispose maintenant de 60 lits. Nous accueillons depuis le 4 avril la maison Hélène-Borel, qui héberge de grands handicapés, et le centre l'accueil Marthe & Marie reçoit tous types de publics en rez- de-chaussée, avec une chapelle catholique à vocation oecuménique à l'étage. En mai, nous posons la première pierre de notre école d'infirmières, de cadres de santé, d'aides- soignants et de puéricultrices. Enfin, la fondation d'un nouvel îlot est en cours où se situera notre Ehpad de 82 lits, dont la moitié dédiée à des personnes âgées sourdes de naissance. Nous formons des aides- soignants eux-mêmes sourds pour améliorer le lien aux patients et la qualité des soins.
Mais il ne s'agit pas de faire un quartier du handicap et du vieillissement. Nous souhaitons développer le vivre- ensemble, la mixité sociale. Et c'est ce pari-là qu'il faut gagner. L'un de nos modèles est Louvain-la-Neuve qui, à partir de champs, a construit simultanément ville et université.

Les leçons ont-elles été tirées de l'échec initial du plan Campus, dont la Catho avait été écartée ?
Absolument. A travers le PRES (Pôle de recherche et d'enseignement supérieur) présidé par Christian Sergheraert, nous nous comprenons mieux, nous travaillons ensemble. La douleur du plan campus a amené à faire beaucoup mieux. Travailler ensemble apprend, pour les gens de bonne volonté, à mieux se comprendre, à s'apprécier, face à une tâche d'enseignement et de recherche qui reste à déployer encore dans notre région.

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