Nos coopératives font de la résistance à la crise
Les coopératives résistent-elles mieux aux tempêtes? La réponse est oui. Un oui plus ou moins franc si nous échangeons avec des géants de lagro-industrie ou la petite Scop du bâtiment. Les pieds bien ancrés dans la terre et le regard loin au dessus des nuages, les dirigeants de grandes coopératives sont unanimes. « Les réserves viennent consolider lassise financière de la banque, et elles apportent une rémunération. Il y a donc une forme dauto consolidation du modèle de par sa forme initiale », explique François Macé, directeur général du Crédit Agricole Nord de France. « Lagriculture se porte plutôt bien, elle est à contre cycle de léconomie classique, et être indépendant de la finance nous permet danticiper les périodes où les cours vont seffondrer, cest sécurisant », corrobore Louis Guillemant, président de la coopérative agricole Advitam (ex Uneal), à Saint-Laurent-Blangy. La solidité serait dans lADN même du modèle coopératif. Quelle que soit la taille ou la forme de coopérative, un principe reste immuable : une partie importante des profits est systématiquement mise de côté pour constituer des réserves, non partageables. Dans le cas des banques, les résultats sont là, le Crédit Agricole Nord de France affiche 3,2 milliards deuros de fonds propres, la Caisse dEpargne Nord de France 2 milliards et toutes deux présentent un ratio de solvabilité de 20% quand le minimum requis est de 8%. Quand la crise frappe, le navire tangue certes, mais un peu moins que les
[caption id="attachment_12238" align="alignright" width="150" caption="François Macé, DG du Crédit Agricole Nord de France"][/caption]autres. Le modèle réussit aussi à lagro-industrie. Les croissances de Tereos, n° 4 mondial du sucre, de Sodiaal (4,4 Mds de CA, Yoplait, Candia,) ou dIn Vivo (6,1 Mds de CA, Gamm Vert, Semences de France) en témoignent. Car le format répond bien aux exigences de la transformation agricole. Très capitalistique, lactivité, nécessite des investissements lourds, doù les réserves. « Les frais fixes sont très élevés. On a besoin d'une forte visibilité sur les approvisionnements et une réelle intégration entre les mondes agricoles et industriels. C'est en cela que le monde coopératif nous correspond bien », décrypte Alexis Duval, président du directoire de Tereos. La situation est plus contrastée du côté des Scop, constituées en très grande majorité de Pme. Statistiquement, elles sont plus pérennes : au niveau national, elles sont 74% à survivre au trois premières années contre 66 % pour les entreprises classiques. Néanmoins, les réserves ne sont pas toujours suffisantes. « Elles permettent de se donner de lair, mais il ne faut pas que les difficultés soient continuelles. Quand aux jeunes Scop, elles doivent malgré tout dégager des excédents très rapidement, ce qui est compliqué actuellement », explique Jean-Marc Florin, directeur de lUnion régionale des Scop Nord Pas-de-Calais.
« Entreprise partagée »
La solvabilité nest pourtant pas lapanage des coopératives. C'est même la force de nombre dentreprises familiales régionales. Quel que soit le secteur, les zélateurs de la coopérative louent aussi ce quils appellent une « communauté dintérêt » ou encore « lentreprise partagée ». Etre sociétaire de l'entreprise contribuerait à une véritable responsabilisation des équipes. Et la conjugaison de cette responsabilisation, de la solidité financière et dune vision à long terme générerait plus de performance. « On est là pour construire. Ici il ny a pas de stock option mais pas de conflit non plus entre la direction et les salariés, on travaille tous pour la même cause », explique Louis Guillemant. Dans les coopératives et a fortiori dans les Scop, où les salariés sont majoritaires au capital, il y aurait moins de clivage entre les fonctions, moins danimosité, voire une véritable reconnaissance réciproque. Autre phénomène fortement constaté, les pyramides de décisions sont plus écrasées et la polyvalence plus répandue.
Limpossible équation ?
[caption id="attachment_16090" align="alignleft" width="150" caption="Alain Denizot, Président du Directoire de la Caisse d'Epargne Nord France Europe"][/caption]Face à louverture des marchés, lun des enjeux des coopératives, notamment agricoles, est toutefois de trouver la taille critique, pour être compétitives, peser face à des clients et des concurrents dans le monde entier. Mais sans renier l'esprit coopératif, fondé sur la primauté de lhomme sur lentreprise et la concertation des sociétaires. Croître donc, mais jusquoù ? Les dirigeants de Tereos et dAdvitam estiment avoir trouvé le bon dosage. La moitié de leur chiffre daffaires est réalisée par des filiales privées (lire linterview dAlexis Duval ci-contre). Un ratio similaire à la moyenne nationale des grandes coopératives agricoles. Ce serait selon eux le seul moyen de préserver leurs parts de marché et de protéger les agriculteurs. Certains critiquent assez sévèrement ce quils qualifient de « dérive productiviste ». Jean-Louis Robillard, vice-président à lagriculture au Conseil régional, juge les principes coopératifs largement écornés par ces grands groupes : « Prenons lexemple du lait. Les coopératives sont obligées de maintenir leur rentabilité par rapport à des cours mondiaux. Du coup, elles répercutent la pression sur les producteurs, qui ne sont pas rémunérés au juste prix de leur travail ». Lélu EELV plaide pour des structures à taille humaine, telles que les fruitières du Jura ou les coopératives dutilisation de matériel agricole. A chacun son marché, son périmètre. Alain Denizot, président de la Caisse dEpargne Nord de France, considère que la taille critique « intelligente » est celle de la région. « Dans notre métier, une coopérative est forcément régionale. Il nous faut peser mais rester locaux. Notre raison dêtre est de financer le développement territorial ». L'esprit coopératif sera-t-il soluble dans la mondialisation? L'avenir le dira.
Marie Raimbault
Lire aussi l'interview exclusive d'Alexis Duval, Président du directoire de Tereos et notre article sur les Scop régionales.
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