Mohammed Benlahsen "Le savoir est une ressource infinie face a? l'urgence des financements"

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Vous avez e?te? e?lu dans des conditions difficiles. Le conflit entre vous et votre challenger, Michel Brazier, votre pre?de?cesseur a? ce poste, est-il derrie?re nous ?

Oui, de?finitivement. Je ne dirais pas que ce conflit n'a pas laisse? de traces, mais il faut maintenant tourner l'universite? de Picardie Jules Verne vers l'avenir. En tre?s peu de temps, nous avons redynamise? les e?quipes pour repenser le positionnement strate?gique de l'universite? dans la re?gion.

Le grand projet de l'universite?, c'est le tre?s attendu de?me?nagement de l'ancien campus, au sud de la ville, dans ceux de l'ancienne citadelle, dont la re?novation a e?te? assure?e par Renzo Piano. Ou? en est-on ?

Ce projet constitue un grand e?ve?nement. Nous sommes heureux d'y participer. Il va accroi?tre conside?rablement la dynamique de la ville. une visite de fin de chantier, a? laquelle nous sommes associe?s, est organise?e par Amiens Me?tropole en mars. Nous sommes e?videmment pre?ts a? prendre possession de ces locaux. Seulement, quatre mois ont ne?cessaires pour organiser sereinement ce de?me?nagement. Quant aux de?lais, le Pre?fet doit nous livrer le retour des re?unions des partenaires techniques tre?s biento?t. Nous sommes tre?s sereins. L'ensemble des partenaires, Me?tropole, Pre?fecture, le Rectorat et la Chancellerie – entretenant un dia- logue constant.

Depuis votre e?lection, vous avez te?moigne? une volonte? d'ouvrir l'universite? sur son environnement, e?conomique notamment. Quelle est votre strate?gie en la matie?re ?

Je pars du principe que l'universite? s'inscrit dans un territoire. Celui-ci comprend des e?tablissements d'enseignement secondaires, supe?rieurs et tous les acteurs du milieu socio-e?conomique. Ensemble, nous partageons un avenir commun. Je crois beaucoup a? cette notion. L'universite? peut participer au renforcement du tissu d'entreprises en apportant ce que j'appelle, le double appui formation / expertise. A l'inverse, l'entreprise nous enrichit sur les demandes du marche?, la re?alite? de l'e?conomie. Ce dialogue est fertile. Nous devons participer a? renforcer significativement les savoirs dans nos entreprises pour qu'elles soient encore plus compe?titives et donc pe?rennes. Ce n'est pas la taille de la population qui compte, mais bien les savoirs qu'elle de?veloppe. Il suffit de comparer les exportations de la Russie et la Core?e du Sud pour s'en convaincre.

Sur ce point tout le monde vous rejoindra. Mais le constat est que, dans les faits, les liens entre le monde universitaire et l'entreprise restent encore insuffisants...

Au Royaume-uni et surtout aux États-Unis, il existe un concept que j'aime beaucoup, celui d'university developer. Je crois qu'il faut s'en inspirer en allant, dans un premier temps, voir les entreprises, en leur ouvrant les portes. Cela ne sera pas suffisant. Je pense qu'il faut cre?er une espe?ce de conseil, un comite? d'orientation strate?gique du territoire, regroupant des universitaires, des repre?sentants des collectivite?s et du monde de l'entreprise. L'ide?e est de projeter le territoire, d'imaginer son futur.

Quel ro?le l'Universite? compte-t- elle jouer dans les clusters mis en place par Amiens Me?tropole ?
Si Amiens, dans le cadre de la nouvelle grande re?gion, a perdu son statut de capitale re?gionale, elle n'en a pas moins garde? ses talents. L'innovation, gra?ce a? l'appui du Conseil re?gional et des autres collectivite?s, a fortement progresse? dans notre re?gion. La cre?ation de ces clusters constitue une niche collaborative nouvelle pour l'UPJV, dans laquelle nous pourrons de?velopper une nouvelle alliance entre l'universite?, les entreprises, la Me?tropole et la Re?gion. Nous comptons non seulement participer, mais surtout e?tre une force de proposition importante.

Prenons un exemple pre?cis : le cluster Le Bloc, de?die? a? la e-Sante?. Comment comptez-vous vous y impliquer ?

Dans le cadre du cluster, l'UPJV va de?velopper une approche acade?mique pluridisciplinaire. Cette de?marche concerne aussi bien les me?tiers de la sante?, mais aussi les UFR et leurs laboratoires de?die?s au nume?rique, a? la robotique, aux sciences de l'e?ducation ou au droit.

Nous voulons inventer un mode?le amie?nois des pratiques pe?dagogiques innovantes en sante?, susceptible d'accroi?tre le rayonnement et l'attractivite? de l'agglome?ration. Pour ce faire, il faut faire connai?tre nos atouts, notre travail. L'UPJV cre?e plus de start-up que d'autres e?tablissements d'enseignement supe?rieur, le nombre des de?po?ts de brevet y est tre?s e?leve?, jamais les entreprises n'ont e?te? aussi pre?sentes dans l'universite?... Nous devons e?tre fiers de nos re?alisations et, sans doute, mieux communiquer sur nos re?alisations. Notre but final e?tant bien entendu de de?velopper l'employabilite? de nos e?tudiants.

La dynamique ge?ne?re?e par le lancement du travail collaboratif sur la e-sante? semble importante. Comment l'UPJV peut-elle capitaliser dessus ?

En effet, nos e?quipes se sont empare?es de ce sujet avec un re?el enthousiasme. C'est pourquoi nous avons de?cide? de re?pondre au prochain appel a? projets pour la cre?ation d'un Institut de convergences. Finance?s dans le cadre des Investissements d'Avenir, ces instituts ont pour ambition de rassembler des forces scientifiques pluridisciplinaires de grande ampleur et de forte visibilite? pour mieux re?pondre a? des enjeux contemporains. L'inte?re?t de cette de?marche est d'obtenir des financements, mais aussi de permettre la mise en place de formations d’excellence innovantes aux niveaux master et doctorat, en formation initiale et continue.

 

 

Ne pensez-vous pas que le temps de l'Universite?, avec ses lourdeurs administratives, et celui de l'entreprise, sont incompatibles ?

A l'universite?, il y a deux vitesses. Celle de la recherche universitaire, des laboratoires, est beaucoup plus rapide qu'on pourrait le penser. A titre personnel, j'ai passe? beaucoup de contrats avec des industriels, qui e?taient surpris de la re?activite? de nos e?quipes.

Celui du volet classique de la formation est tre?s long car l’État nous impose des re?gles strictes. Sur la recherche et la valorisation, les impe?ratifs de l'entreprise et des universitaires sont donc parfaitement compatibles. Nous devons faire un effort pour expliquer cela aux entreprises.

Les labos et les chercheurs doivent donc aussi apprendre a? communiquer sur leurs travaux... Oui, c'est certain. La culture de la communication doit mieux impre?gner l'universite?. J'en veux pour preuve que notre service communication est tre?s peu sollicite? par les labos. La culture de la communication n'existe pas dans la communaute? universitaire franc?aise qui privile?gie le groupe, contrairement aux États-Unis ou? l'individu est valorise? dans le groupe.

Comment faire rayonner l'UPJV dans la grande re?gion ?
Nous n'avons aucun complexe. Nous avons des atouts. J'en veux pour preuve que l'UPJV a e?te? l'une des mieux dote?e de France dans le cadre des Programmes d'Investissement d'Avenir (PIA 1) en 2010. Certaines de nos for- mations pre?sentent des taux d'insertion entre 92% et 100%... Nous n'avons ni a? avoir peur, ni a? rougir de notre bilan. Nous disposons de domaines d'excellence au niveau franc?ais et europe?en : le stockage de l'e?nergie, les agro-ressources, les technologies de la sante?... Je rappelle que l'Institut Pivert est conside?re? comme l'un des meilleurs instituts de transfert de technologie de France. Vis-a?-vis de Lille, nous ne sommes ni dans une attitude de vassalite?, ni dans une attitude belliqueuse. Il faut e?tre hyper positif et avoir confiance. Ce rapprochement est une chance de plus pour lancer de nouvelles collaborations et renforcer nos domaines d'excellence. Vu de Singapour ou de New-York, Lille ou Amiens ont peu d'importance, le territoire doit avoir des the?matiques d'excellence.

Avez-vous les moyens financiers de vos ambitions ?
Je crois que l'ambition n'a rien a? voir avec l'argent. Il faut simplement savoir si un projet doit e?tre mene? au niveau in- tra re?gional, national, voire international et, ainsi, mettre en place les coope?rations ne?cessaires. Oser est un muscle. Le savoir est une ressource infinie qui peut nous permettre de nous affranchir de l'urgence des financements. Je le dis souvent dans mes discours : nous n'avons pas besoin d'argent, nous avons besoin d'avoir des ide?es, puis de convaincre des gens de nous suivre. Je suis chercheur et un chercheur ne se pose pas de limites.

Un mandat de pre?sident d'Universite? dure quatre ans. Comment la re?vez-vous a? l'issue de votre pre?sidence ?

Je la vois conque?rante, en mouvement, compose?e de gens ayant confiance en eux, envie de re?aliser des projets d'avenir. Si j'arrive a? diffuser cette culture, j'aurai re?ussi ma mission. Aujourd'hui, nous menons sept ou huit projets avec dans cinq pays diffe?rents. Les gens sont contents de ba?tir des choses, de se projeter dans l'avenir. Mon ambition est aussi de donner a? chaque service de l'universite? une identite? et une expertise pour que tous puissent avoir une visibilite?. Je ne parle pas seulement d'Amiens, mais aussi de nos antennes de Creil, Beauvais, Saint-Quentin ou Laon. Beaucoup de gens ont l'impression d'avoir e?te? abandonne?s depuis longtemps, il faut leur redonner confiance

Recueilli par Guillaume Roussange

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