Marc Touati à Lille : « On a devant nous des boulevards de croissance »

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[caption id="attachment_32246" align="alignleft" width="400"] L'économiste Marc Touati présentant les perspectives macro-économiques devant un parterre de chefs d'entreprises régionales[/caption]

 

 

Ne dites pas à ma mère que je suis allé écouter Marc Touati, elle me croit au restaurant la Laiterie ! C'est pourtant bien dans le cadre cosy du restaurant étoilé de Pascal Boulanger, à Lambersart, que l'économiste Marc Touati est venu délivrer ce mardi son analyse de la situation économique du monde, de l'Europe et de la France à un aréopage de dirigeants d'ETI régionales, sous l'égide de la Caisse d'Epargne. L'économiste n'a pas dérogé à son franc-parler bien connu. « On fait comme si le monde n'avait pas changé, comme si on voulait toujours mettre des cassettes VHS dans le lecteur de DVD, alors même qu'on est  passé aux plateformes de téléchargement ». Selon le dirigeant d'ACDEFI, le centre de gravité mondial se décale toujours plus, avec un différentiel de croissance très net entre pays émergents et pays développés. Un seul chiffre : la Chine pesait 2% du PIB mondial en 1980, elle en représente près de 20% aujourd'hui. « Les pays émergents sont émergés depuis longtemps et nos pays commencent à s'immerger », ironise Marc Touati, qui pointe une croissance atone dans les pays occidentaux, alors qu'elle reste tonique dan les nouvelles puissances : sur 3% de croissance mondiale en 2016, un demi point provient de l'Inde, et 1,2 point de la Chine. « Le monde émergent représente 80 % de la croissance mondiale ».

Une seule solution pour retrouver des marges de manœuvre dans nos pays, « doper la croissance structurelle ».

Certes les menaces géopolitiques pèsent telles l'élection de Donald Trump, le Brexit ou le référendum à risque en Italie ce dimanche, mais l'économiste considère qu' « on a devant nous des boulevards de croissance, notamment dans l'innovation. La seule solution de croissance dans un monde fini , c'est d'optimiser l'existant à travers l'innovation ». Et même les risques ne sont pas certains : Si Trump a des velléités protectionnistes, il a aussi des éléments programmatiques porteurs de croissance comme le développement d'infrastructures. Et le Brexit peut être un « soft Brexit » sans trop de conséquences pour les Britanniques, dopés par la chute de la livre. Pour l'Europe toutefois, la facture pourrait être plus coûteuse.

 

 

Une zone euro toujours fragile

La zone euro reste en effet convalescente, même si la dernière enquête laisse entrevoir une croissance globale de l'ordre de 1,6 %. « Ce n'est pas l'euphorie, mais on résiste ! » Point noir de la zone, le chômage y atteint encore 10% de la population active bien au-dessus du niveau d'avant-crise, à 7%. Autre sujet d'inquiétude, l'Europe du sud, qui a connu une courbe en double V : une crise en 2009 suivie d'une autre en 2012-2013. Ainsi les pays affichent-ils des PIB encore inférieurs aujourd'hui à ceux d'avant crise : - 26,6% pour la Grèce, - 7,7% pour l'Italie, -4,8 % pour le Portugal et -1,8% pour l'Espagne. La France, elle, n'a progressé que de 4,2%, soit une moyenne annuelle très poussive de 0,4%. « La zone euro est fragile parce qu'elle n'a pas été terminée. On a fait le troisième étage avant de finir les fondations en accueillant de nouveaux pays (19 en tout) ». Autre point d'inquiétude : la réglementation bancaire qui ne cesse de dégrader les conditions économiques des acteurs bancaires. L'occasion pour Alain Denizot, président du directoire de la Caisse d'Epargne Nord France Europe, de souligner que pour 100 euros de crédits autrefois, il fallait seulement 5 euros de fonds propres, aujourd'hui il en faut 20. En parallèle la banque centrale injecte massivement des liquidités au rythme de 80 milliards d'euros chaque mois. « Ca fait cher le dixième de croissance », pointe Marc Touati.

 

 

La France « en état d'urgence »

Et la France ? L'auteur de « Guérir la France, la thérapie de choc »  et de "la fin d'un monde", son dernier ouvrage, reste alarmiste. L'acception extensive du chômage représente 6,6 millions de personnes, soit 23 % de la population active, les chômage des jeunes atteint 25% contre 7% en Allemagne, « et les aides deviennent des poches à précarité », alors même que chaque année, 300 000 offres d'emploi ne sont pas satisfaites.

Le différentiel de santé économique est saisissant avec le Royaume-Uni : en 1995, sa croissance était de 1,2% et elle était le 18e PIB de la planète; la France avait 2% de croissance et était le 12e PIB mondial. Vingt ans plus tard, le Royaume-Uni connaît une croissance de 2,5%, contre O,7% en France, son PIB est le 14e mondial alors que la France a décroché à la 22e place. Dans le même temps, la France a porté ses dépenses publiques à 57% du PIB (54% à l'époque ). Conclusion de Marc Touati : « augmenter la dépense publique n'est pas la solution ». Il souligne aussi que malgré ce carcan de la dépense publique, les entreprises françaises s'en sortent. "Elles sont bien plus fortes que les entreprises anglaises, allemandes ou américaines, pays dans lesquels on baisse les charges, on fluidifie le marché du travail et où il y a de la croissance. Vous êtes bien plus compétitifs qu'outre -Manche ou outre-Rhin. C'est l'économie française qui n'est pas compétitive".

Et l'économiste déploie sa potion pour sortir le pays de l'ornière : réduire les impôts mais pas seulement sur les entreprises, réduire en parallèle la dépense publique, réduire les coûts du travail, doper l'innovation, et surtout « doper la culture économique des Français », clé de l'acceptabilité des réformes de fond qui devront être mises en place par le futur locataire de l'Elysée.

 

O. Ducuing

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