Lesaffre veut gonfler en nutrition-santé
"On en dépose certains, et on n'en dépose pas d'autres». Antoine Baule, directeur général de Lesaffre, préfère la discrétion en matière de brevets et de propriété industrielle. Comme pour les sujets stratégiques de l'entreprise de Marcq-en-Baroeul. Le groupe 100% familial a fait de l'innovation son cheval de bataille. Il crée et invente à tour de bras, mais ne le crie pas sur les toits. Le dépôt d'un brevet supposerait de donner suffisamment d'information pour permettre la contrefaçon sans forcément pouvoir s'en défendre, juge le directeur général. Le numéro un mondial de la levure, spécialiste de la panification depuis... 1872, poursuit sereinement une croissance portée par une expertise mondiale et un marché du pain toujours porteur. Les levures Lesaffre sont dans un pain sur trois dans le monde. La levure est certes un micro-organisme vivant, et le pain un produit traditionnel s'il en est. Pourtant, pas moins de 180 chercheurs travaillent dans le groupe pour concevoir le pain de demain, l'adapter aux exigences des différentes parties du monde, approfondir les connaissances biologiques, chercher de nouveaux débouchés. « On veut réinventer la tradition, avec des produits stables et de qualité, mais aussi avec des points de rupture », relève Hervé Bolz, directeur marketing et coordination commerciale pour la panification. Avec à sa disposition un réseau de 30 centres techniques déployé depuis 40 ans, les « baking center », dédiés aux clients boulangers du groupe. Historiquement, l'entreprise a pu par exemple produire un pain sans aucune miette pour la consommation de Jean- Loup Chrétien dans le vaisseau spatial Soyouz...
Croissances externes
Lesaffre réalise encore 80% de son chiffre d'affaires dans la panification. Mais le groupe a déjà engagé depuis plusieurs années une diversification hors pain, qui représente 20% de ses ventes. 30% attendus d'ici cinq ans. Dans ce cadre il a par exemple développé des extraits de levure qui apportent des goûts aux plats cuisinés, mais aussi des levures permettant la production de bioéthanol à partir de céréales. Lesaffre se prépare à la 2e génération de bioéthanol à partir de déchets et de feuilles, avec de nouvelles levures. Ces dernières sont encore utilisées en alimentation animale pour leurs vertus probiotiques.
Le groupe pousse aujourd'hui les feux dans le secteur de la nutrition santé, avec deux acquisitions coup sur coup. D'autres suivront, affirme le directeur général. La première porte sur Omniabios, dans la péninsule italienne. La société de 15 salariés s'est spécialisée dans la purification d'une molécule au nom imprononçable, la S- adénosyl-L-méthionine. Un composé aux propriétés utiles contre l'arthrose, les douleurs articulaires, et protecteur des cellules du foie. L'autre est la start-up angevine Agrauxine. Une entreprise de 20 personnes qui développe des produits à partir de champignons, micro-organismes et bactéries à des fins agricoles : il s'agit de biostimuler les plantes mais aussi de les protéger de façon biologique, en limitant fortement l'usage des phytosanitaires. Agrauxine, partenaire de l'INRA, est à l'orée d'obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour un produit dédié au bois de vigne, et d'autres sont dans le tuyau pour le traitement des semences notamment. Les entreprises sont très modestes, mais avec un fort potentiel d'innovation auquel Lesaffre apporte des moyens de productions puissants.
[caption id="attachment_21092" align="alignright" width="150" caption="Antoine Baule, directeur général du groupe levurier"][/caption]« Ce qui est important , ce sont les capacités industrielles que nous sommes capables de leur apporter », explique Antoine Baule
Olivier Ducuing
Acquisition majeure en Turquie
« No comment ». La direction de Lesaffre n'officialise pas encore mais l'opération devrait être annoncée incessamment. Le groupe est en passe d'acquérir une grosse usine de levure en Turquie, propriété du numéro un turc de l'agroalimentaire, Yildiz. L'acquisition est très significative à en juger par son prix, de 220 M$, affirme l'agence de presse Reuters. Elle reste soumise à l'aval des autorités de la concurrence car Lesaffre compte déjà deux usines en Turquie. Néanmoins, celle-ci serait surtout destinée à servir de nombreux marchés périphériques, la Turquie étant utilisée comme une plateforme régionale, selon un connaisseur du dossier.
LESAFFRE EN CHIFFRES
700 salariés dont 1600 en France,
dont 800 à Marcq-en-Baroeul 45 sites de production
1,56 Md de CA réalisé dans 180 pays
Objectif : + 5 à + 7% par an
Emploi : 70 à 100 recrutements par an en France
Ces articles peuvent également vous intéresser :
Jérôme Leroy sur le tatami mondial de la RFID
Avec ses raquettes et autres terminaux connecte?s pour capter les donne?es, il vient concurrencer les plus grands de lintelligence embarque?e.
2013, annus horribilis de l'e?conomie nordiste
Emploi, investissement, rentabilite? en berne... La Banque de France et la CCI de re?gion ont dresse? un tableau saisissant de l'e?conomie re?gionale l'an dernier. Mais annoncent un retournement pour 2014.
Delta 3 mega entrepôt en vue
Dourges. La plateforme tri-modale entre en phase 2 avec un projet énorme de bâtiment de 200 000 m2 dun seul tenant et le doublement de son emprise foncière.
Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille : Notre e?lite est extre?mement efficace... par temps calme
A quelques semaines des municipales et des europe?ennes, le patron de Sciences Po Lille e?voque sans de?tour la crise du politique en France, et la fin de l'argent public facile et ses conse?quences lourdes. L'occasion aussi d'un focus sur les projets de cette grande e?cole et ses 1800 e?tudiants. Rencontre.