Le Nord est-il condamné à l'hyperchômage ?
La population du Jura ou de l'Aveyron : Voila? ce que pe?se le cho?mage dans le Nord Pas-de-Calais. Fin janvier, ils e?taient pre?cise?- ment 267 600 demandeurs d'emploi sans aucune activite?, ceux que la nomenclature administrative classifie froidement de « cate?gorie A ». Si l'on inte?gre ceux qui ont une petite activite? comple?mentaire (B et C), le cho?mage touche 386 700 Nordistes. Soit, cette fois, la population des Landes! On aurait d'ailleurs tort de s'en tenir a? une lecture statistique du phe?nome?ne : derrie?re la macro-e?conomie du cho?mage se profile toujours un individu menace? du cercle vicieux de la perte d'employabilite?, de la de?socialisation et du de?crochage.
« C'est LE sujet . Ça devient effarant»,confirme Bertrand Pe?ricaud, pre?sident (PC) de la commission e?conomique du conseil re?gional. Pour lui, la Re?gion se bat bien, avec souvent un ro?le de?cisif, comme sur les dossiers Arc International, Durisotti ou Mecastamp. Mais, avec 16121 cho?meurs de plus entre janvier 2014 et janvier 2015, le bateau de l'emploi prend l'eau de toutes parts, tandis que la croissance est de moins en moins intense en emplois. Le Nord- Pas-de-Calais paie aussi le tribut d'une histoire industrielle riche mais aussi douloureuse dont les mutations se poursuivent encore comme le rappellent la disparition de Sambre et Meuse ou les spasmes des Verreries de Masnie?res. La re?gion a d'ailleurs souffert plus que d'autres par ses racines industrielles du mouvement des de?localisations fonde?es sur la main d'uvre low cost, et le prix de l'e?nergie, un sujet souvent me?connu mais majeur : l'argument a pese? lourd dans la fermeture de Stora, qui consommait l'e?quivalent e?lectrique de la ville de Lyon ou celle partielle de Tioxide (Calais).
A 12,9% de la population active sans emploi, la re?gion s'e?tablit a? trois points au-dessus de la moyenne franc?aise et bien au-dela? dans certains bassins au rouge vif : comme Lens-He?nin-Beaumont (16,4%), devant Calais (16,2%), Valenciennes (15,1%) et Maubeuge (15 %). « Ce taux de cho?mage est le pur produit de notre histoire industrielle, les cycles sont lents et longs. On en trouve aussi la trace dans la surmortalite? de la re?gion, de 3 anne?es supe?rieure a? la moyenne nationale », analyse Pierre de Saintignon, vice-pre?sident au de?veloppement e?conomique et te?te de liste PS aux prochaines re?gionales. « En de?pit d'actions volontaristes et d'incontestables re?ussites, ces lourdes pertes n'ont pas e?te? suffisamment compense?es. Rapporte?s a? la population, il y a moins d'emplois dans la re?gion que dans le reste de la France », analyse Philippe Vasseur, pre?sident de la CCI Nord de France. « L'inversion des tendances commence a? se faire, la renaissance e?conomique est la?», veut croire Pierre de Saintignon, qui souligne une aggravation du cho?mage moins rapide ici qu'au plan national. Certes. En 2014, il n'a grimpe? « que » de +2,7% contre 4,8% a? l'e?chelon national. Ne?anmoins, a? ce rythme, il faudrait des de?cennies pour rapprocher les courbes, sans pour autant remonter la pente...
Est-ce irre?me?diable ? Les efforts importants de l'Etat en matie?re de contrats aide?s (45000 dont 7200 em- plois d'avenir), de Po?le Emploi (lire p.22) ou de la re?gion a? travers les plateformes de circuit court, ont permis de bien mai?triser le cho?mage des moins de 25 ans. Leur nombre est reste? quasi stable, quand il montait de 2,5% en France. Le Pre?fet n'he?site pas d'ailleurs a? appeler a? une « mobilisation ge?ne?rale » pour l'emploi des jeunes, appuye? notamment a? un programme europe?en IEJ (initiative pour l'Emploi des jeunes) dote? de 110 M.
Manque dempressement
Mais les autres cate?gories de?vissent, avec une inquie?tude croissante pour les se?niors. La re?gion est impuissante a? juguler l'he?morragie. Et le manque d'empressement de grands acteurs re?- gionaux a? nous re?pondre sur ce sujet montre assez l'embarras et une cer- taine forme de fatalisme, adosse? a? un espoir constamment ressasse? du re- tour de la croissance. Les dernie?res pre?visions conjoncturelles de la Banque de France et de la CCI de re?gion sont de fait pluto?t optimistes pour 2015 : reprise le?ge?re de l'investissement, de la rentabilite?, du chiffre d'affaires. Oui mais voila?, l'effet de cette croissance serait nul sur l'emploi, selon les chefs d'entreprise (interroge?s il est vrai avant le le?ger mieux des pre?visions macro-e?conomiques)... Certes le secteur du nume?rique est porteur de grosses promesses d'emploi (Eco121 n°48), certes nombre de secteurs peinent a? recruter (me?tiers de bouche, tourisme...) mais on est loin du compte pour rattraper le gap. Et me?me la métropole lilloise, pourtant dynamique, voit le cho?mage enfler (+ 5,9% l'an dernier ). « Des emplois, il s'en cre?e dans de nombreux domaines, mais malheureusement pas assez pour remplacer ceux qui sont de?truits. Ces dernie?res anne?es les effectifs re?gionaux se sont re?duits pour aboutir a? un solde ne?gatif de quelque 50.000 emplois. Poursuivre sur la me?me voie ne suffira pas », de?code Philippe Vasseur.
Le pari de lindustrie
La re?gion a su surmonter largement les pre?ce?dentes mutations industrielles, minie?re, side?rurgique, textile. Elle a su dige?rer la fin de Metaleurop Nord, avec un plan de revitalisation qui avait ge?ne?re? 1000 emplois. Les plans de redynamisation industrielle se multiplient depuis des anne?es dans la re?gion avec des re?sultats honorables. Et que dire du Valenciennois qui a re?ussi en quelques anne?es a? diviser presque par deux son taux de cho?mage avec l'e?norme coup de booster de Toyota. Me?me si depuis, la courbe est remonte?e. Le pari du secondaire a paye? largement, tant en emploi qu'en retombe?es fiscales pour le territoire.
« Au milieu des anne?es 80, les e?lus ne croyaient plus a? l'industrie, et lanc?aient le slogan des 3 T : tunnel, TGV, tourisme, de?plore Bertrand Pe?ricaud, qui souligne ses affinite?s avec Fre?de?ric Motte, pre?sident du Medef, sur ce point. C'est autour de l'industrie qu'on peut faire rebondir cette re?gion ». Pour le FN, des mesures spe?cifiques devraient e?tre adapte?es pour de?fendre l'emploi, comme le recours syste?matique aux clauses sociales et environnementales dans les marche?s publics, afin de favoriser le circuit court et l'emploi local, et e?viter le recours massif aux travailleurs de?tache?s comme on l'a vu sur le terminal me?thanier. Le FN rejoint aussi le consensus autour des grandes infrastructures : «Port Calais 2015, boucle ferroviaire, Seine Nord. Je ne crois pas au pe?che? originel d'une re?gion qui a e?te? industrielle et qui ne pourrait pas s'en sortir», lance Philippe Eymery, conseiller re?gional FN, qui en appelle a? un grand me?nage de la politique de la formation professionnelle, « un des e?checs patents de cet exe?cutif ».
Le surcho?mage nordiste reste durablement ancre?, a? quelques kilome?tres d'une Flandre industrieuse et opulente dont moins de 5% de la population active est sans emploi, paradoxe souligne? par l'ancien pre?sident de la CCI Lille Me?tropole Bruno Bonduelle (lire p 23). L'emploi est fixe? comme une des priorite?s du futur contrat de plan Etat-re?gion, qui a pre?vu de fle?cher 46 M sur l'accompagnement des mutations e?conomiques, et la continuite? professionnelle et la gestion pre?visionnelle des emplois et des compe?tences.
La seule re?fe?rence a? la croissance ne saurait suffire de?sormais, il faut e?tre cre?atif et inventer de nouvelles voies. « Le monde est en train de vivre une rupture conduisant a? de nouveaux mode?les e?conomiques et, a? plus long terme, a? de nouvelles organisations sociales », conside?re Philippe Vasseur, pour qui « le Nord-Pas-de-Calais doit saisir cette opportunite? pour s'inscrire en te?te de ce mouvement ine?luctable ». Avec bien su?r en ligne de mire la troisie?me re?volution industrielle, mariant transition e?nerge?tique, e?conomie du partage sur Internet et re?seaux intelligents. La course contre la montre est engage?e. Au moins pour 386 700 personnes et leurs familles.
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