Le Louvre attend toujours les acteurs économiques

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« On ne transforme pas des mules en chevaux de course ». Le propos d'un observateur économique est particulièrement sévère. Mais à trois semaines de l'ouverture du plus grand musée du monde dans le territoire lensois, ce dernier est loin d'avoir anticipé le projet du siècle. « Les gens vont visiter le musée en une demi-journée et ils iront ensuite voir Lille ou Arras et y dormir », analyse un acteur de l'hôtellerie. Aucune nouvelle chambre d'hôtel n'a encore été créée pour accueillir les 700.000 touristes attendus la première année, 500.000 en rythme de croisière, qui vont débouler dans l'ex-capitale du bassin minier, à partir du 12 décembre, pour découvrir les œuvres majeures de ce nouveau fleuron culturel. Le conseil régional, maître d'ouvrage, s'est pourtant démené pour générer une vraie dynamique. Une séance plénière historique au conseil régional en 2008 avait mis en exergue une élite locale dépassée, incapable de s'approprier un projet de si grande envergure, et la nécessité de dégripper au plus vite la machine. « La greffe peut-elle ne pas prendre », s'était interrogé publiquement Daniel Percheron. Le président de la CCI de Lens (fusionnée depuis dans la nouvelle CCI d'Artois), Edouard Magnaval, questionné au débotté par le président de région sur les priorités du monde économique, avait eu bien du mal à les présenter.

 

[caption id="attachment_10627" align="alignright" width="400" caption="Daniel Percheron, président de région et Edouard Magnaval, président de la CCI Artois, veulent déclencher le déclic de la dynamique territoriale"][/caption]

 

Cinq ans plus tard, beaucoup de chemin a tout de même été accompli. L'association Euralens, suscitée pour donner l'impulsion à une gouvernance collective en rade, a permis, sous la houlette de l'ex patron d'Euralille, Jean-Louis Subileau, des avancées indéniables. Techniques d'abord, avec des équipements urbains d'ampleur comme ces deux passerelles très « design » signées Christian de Portzamparc ou les aménagements paysagers et les cordons boisés de Michel Desvigne et son projet d' « archipel vert ».    

 

 

 

 

18 M€ de travaux ont été réalisés, dont 70% financés par la région, toujours elle. Et politiques ensuite, en réunissant très régulièrement tous les acteurs du territoire. Sans pour autant effacer les susceptibilités toujours à fleur de peau, sur fond de crise politique aiguë avec en prime l'émergence d'un Front National décomplexé. Guy Delcourt, maire de Lens, a « séché » la dernière assemblée générale d'Euralens fin septembre (photo), tandis que son homologue de Liévin, Jean-Pierre Kucheida, est ostensiblement arrivé avec une demi-heure de retard. Et d'aucuns n'hésitent pas à dénoncer le « dirigisme » voire l'impérialisme de la région sur ce dossier.

 

 

 

D'autres avancées ? La CCI de région a implanté une cellule Louvre-Lens, sous la houlette de Sylvain Kleczewski, pour en animer la dimension économique. La CCI d'Artois a lancé des initiatives en direction des commerçants et des acteurs de la CHR, pour préparer l'événement. Et l’État, en la personne de la sous-préfète Isabelle Pétonnet, a piloté pendant un an un groupe de travail dédié au développement économique. Oui mais voilà, l’État qui avait délégué un préfet ad hoc pour l'implantation de Toyota, a préféré envoyer Isabelle Pétonnet à la Préfecture du Rhône, laissant son successeur découvrir les arcanes de ce dossier si complexe. Et les milieux économiques sont encore très frileux à se lancer. Même l'implication directe des entreprises locales dans le mécénat, pourtant accessible à des conditions très favorables (sans comparaison avec le Louvre rue de Rivoli) n'a pour l'instant suscité qu'un intérêt poli, lors de la toute première réunion, tardive, organisée fin septembre à l'antenne lensoise de la CCI. Pour l'heure, seule une poignée de grands mécènes a investi dans la première phase, au premier rang desquels le Crédit Agricole et Veolia Environnement.

[caption id="attachment_10622" align="aligncenter" width="150" caption="Jean-Louis Subileau, Euralens : "C’est une affaire de longue haleine""][/caption]

 

 

Si les institutionnels affichent un discours rassurant, nombre d'observateurs jugent la situation préoccupante. D'autant plus que le contexte économique général n'est pas euphorique. «C'est une affaire de longue haleine.  Quand le musée Guggenheim a ouvert à Bilbao, aucun équipement n'était réalisé », rappelle Jean-Louis Subileau. En-dehors des aménagements proches du musée et du cheminement entre ce dernier et la gare, sur 1,5 km, le paysage lensois n'a guère évolué jusqu'à présent. Le projet de rénovation Bollaert a longtemps été très menacé. Et celui de tramway est en grande difficulté, après un rapport accablant de la chambre régionale des comptes. Un contexte peu efficace pour faciliter le fameux effet Guggenheim. En l’occurrence, le pays basque disposait d'une large compétence et de moyens qui manquent ici. L'absence de communauté urbaine et d'un exécutif unique fait cruellement défaut. Daniel Percheron souligne régulièrement que la région de Lens est la 10e ou 12e agglo de France avec Douai, soit 400.000 habitants; Mais sans organisation institutionnelle unifiée, le problème est insoluble.

 

Côté économie, plusieurs pistes ont été tracées pour s'accrocher à la locomotive Louvre. Plusieurs clusters sont ciblés comme la logistique, avec Euralogistic, qui préexistait avec Delta 3, un pôle numérique culturel, soutenu par l'ingénierie d'Euratechnologies, une filière des métiers d'art, une évidente dynamique touristique à générer... Pour l'heure, les frémissements sont plus que discrets. Frédéric Brouillard, patron du groupe hôtelier Hénotel (Noyelles-Godault), a préféré acquérir le Mercure d'Arras, plutôt que de se lancer dans la résidence hôtelière de l'ancien cinéma Apollo, piloté par le promoteur Nacarat. Un autre opérateur pourrait prendre la place d'Hénotel. Un gros projet d'hôtel de luxe (120 chambres), porté par Nicolas Boissonnas (propriétaire du Westminster, au Touquet) semble également sur les rails, juste en face du musée. Sur la même esplanade, l'institut de formation aux métiers d'arts (IFREMAP), devrait voir le jour rapidement. Le quartier de la gare offre quant à lui un potentiel de 90.000 m2 de construction, dont 20.000 m2 pour la première tranche (mais seulement 5000 m2 de bureaux). Le pôle numérique culturel apparaît pour sa part très embryonnaire, même si le potentiel existe. « Au delà de l'archipel vert, toute une dynamique de formation aux technicités avancées est en marche », veut croire Edouard Magnaval. « L'arrivée de l'innovation dans le territoire, ce n'est pas gagné, reconnaît avec lucidité Jean-François Caron, maire (EELV) de Loos-en-Gohelle, il y a une stratégie très volontariste à mettre en oeuvre autour des pôles d'excellence. »

Et certainement la nécessité de s'armer d'une bonne dose de patience.

 

Olivier Ducuing

 

 

 

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