Le capital développement régional affiche ses ambitions

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Quoi de commun entre le fabricant de pompes Renson, le groupe de produits agricoles Demex, les moteurs hybrides d'Ecomobilis à Calais ou le fabricant de bordures en béton Tarmac ? Ces entreprises ont eu recours récemment -voire ces tout derniers jours - au capital développement pour conforter leurs fonds propres et financer leur croissance, ou faciliter des départs d'actionnaires minoritaires. Les acteurs financiers sont nombreux dans la région pour se disputer ce marché spécifique, tous à la recherche de " LA " pépite qui fera briller leurs portefeuilles de participations et leurs résultats... et tous soucieux d'éviter les canards qui se révèleraient boiteux. " Nous ne cherchons pas à faire du volume mais un nombre limité d'opérations, de cinq à huit par an. L'histoire montre que quand on se disperse trop, on n'est pas rentable ", relève Philippe Traisnel, responsable de CIC Investissement Nord, qui injecte 1 à 8 millions d'euros par dossier. Des " tickets " qui placent la filiale de la BSD au rang des grands acteurs nationaux du " private equity " ou du Crédit Agricole Nord de France (CANF), présent sur de grosses opérations comme le Furet du Nord, H20 ou Ternois, et qui peut monter jusqu'à 10 millions d'euros de participation. " C'est notre grand concurrent ", admet Philippe Traisnel.

Appétit insatiable

Depuis cinq ans, la caisse régionale de la Banque verte montre un appétit que certains jugent insatiable. Sous la houlette de son directeur général Alain Diéval, la banque de l'avenue Foch a multiplié les prises de position stratégique. Elle a participé au rachat par la région en 2005 de Finorpa dont elle détient 16% de la filiale Finorpa SCR. Alain Diéval en assure actuellement la présidence tournante. Elle a surtout grillé la politesse à l'Institut Régional de Développement (IRD) en prenant le contrôle (88%) de Participex jusqu'alors largement détenue par les familles industrielles de la région, à commencer par les " Armentiérois ". " Nous avons hérité d'un portefeuille important mais peu actif voire dormant. On l'a reprise parce qu'il y avait un besoin, c'était la belle endormie, elle n'avait plus le punch ", souligne Alain Diéval. En parallèle, " Nord de France " poursuit ses activités de fonds propres dans des outils plus anciens comme Vauban Finances (dont elle détient 37,8%), présidée par le même Alain Diéval, ou en direct. Vauban a un portefeuille de 100 millions d'euros investis, pour une quarantaine de millions chez Participex.

" Ce sont des SCR . Contrairement aux FCPR dont l'horizon est assez contraint, elles permettent un accompagnement dans le temps. Ca ne veut pas dire à vie comme faisait Participex autrefois!Le but n'est pas d'assurer des fonds propres gratuits dans une optique de Saint-Bernard, mais il ne faut pas non plus cette épée de Damoclès de la sortie qui peut sacrifier l'entreprise sur l'autel de la raison financière ", décode sans détours Gérard Cros, directeur des entreprises au CANF.

Forte de sa puissance de feu exceptionnelle et de son bilan de 22 milliards d'euros, la Caisse régionale s'apprête à se structurer de manière plus homogène et visible au sein d'une banque d'affaires, établie sur quatre piliers : la gestion patrimoniale, le haut de bilan, le financement des acquisitions -toutes les opérations à effet de levier seront logées dans le pôle ingénierie, et les métiers d'intermédiation autour des fusions-acquisitions. Une équipe de la Sodica, filiale du groupe, va s'installer à Lille pour conforter ce pôle. Et la caisse régionale devrait officialiser d'ici juin un partenariat avec un grand acteur national du capital-développement pour élargir son rayonnement.

" ADN Entrepreneurial "

" Nous ne sommes pas banquiers! Avec notre ADN entrepreneurial, nous sommes plus associés qu'investisseurs.  " Marc Verly, de son inaltérable sourire fin, souligne la différence de l'IRD qu'il dirige et de sa panoplie d'outils, bien connus des chefs d'entreprise régionaux : Nord Création, Croissance Nord Pas de Calais, Inovam, Batixis, Nord Financement ou Construire Demain, adossés aux interprofessions. "Par rapport au système bancaire, notre crédibilité repose sur nos comités d'investissement, composés de 120 chefs d'entreprises bénévoles et sur l'origine de nos capitaux, professionnels et collectifs ", martèle-t-il, en insistant sur une logique de " création de valeur par fertilisation croisée " et non de " captation de valeurs ". A bon entendeur ...Porteur de cette philosophie entrepreneuriale revendiquée, l'IRD essaime désormais dans des outils territoriaux. Côte d'Opale Expansion, Douai Expansion, Saint-Omer, Armentières, Maubeuge, Valenciennes...

Les fonds se démultiplient en partenariat avec les CCI et des chefs d'entreprises locales, pour des petites participations, y compris en-dehors de la région. Un premier fonds a vu le jour à Nancy avec 25 dirigeants locaux (l'IRD détient 30% et gère le back office), et d'autres régions sollicitent l'IRD comme la Haute Normandie, Angoulême ou même Toulon. " Notre stratégie à nous est régionale. Nous souhaitons que tout euro gagné par le Crédit agricole dans la région puisse servir la région ", tacle Alain Diéval, soulignant en outre le coût de gestion des petits dossiers gérés par ces fonds. " Les dossiers apportés par les CCI ne sont pas les plus belles prises ", renchérit le représentant d'une grande banque de dépôt. "La gouvernance par des entrepreneurs est un gage de professionnalisme. Et notre outil a pour objet de développer le territoire et l'emploi " rétorque Marc Verly, revendiquant un modèle à rentabilité raisonnée, délibérément éloigné des TRI à 15%. A ces fonds territoriaux devraient d'ailleurs s'ajouter des fonds sectoriels: après la construction, la métallurgie et la distribution pourraient suivre prochainement. Mais c'est sous l'égide de Finorpa qu'un fonds textile a vu le jour en février dernier.

Finorpa : l'économie mixte

Après des débuts difficiles pour trouver ses nouvelles marques, le groupe de la rue du Vieux Faubourg a pris son rythme de croisière. L'établissement, qui conserve un tropisme culturel avec le monde de l'industrie, après 20 ans de conversion minière, s'est ouvert depuis à tous les autres secteurs. Avec un actionnariat public désormais minoritaire (de peu), et une gouvernance apaisée, Finorpa s'est d'ailleurs renforcé ces derniers mois avec la création d'un fonds Mezzanine, mais aussi avec l'intégration de l'ancien Fonds régional de garantie (FRG), doté de 18 millions d'euros, dont une part importante dédiée à la création d'entreprises, en partenariat avec France Active. Le dispositif permet de garantir jusqu'à 80% du risque des opérations de création. " Cela nous donne une grande capacité. L'ambition est d'être utile à l'économie, au côté d'Oséo ", souligne Jean-Marie Duvivier, président du GIE Finorpa.

La présence importante du conseil régional au capital est-elle gênante dans la prise de décisions, quitte à pousser trop loin le risque comme dans le dossier Arbel (IFG Industrie) ? " Je ne souhaite pas qu'on généralise ce qu'on pourrait appeler l'interventionnisme économique, mais je peux comprendre que ponctuellement nous soyons accompagnateurs ", analyse avec franchise Alain Diéval. " L'avenir c'est l'économie mixte, renchérit Jean Mérelle, président du directoire de la Caisse d'Epargne Nord France Europe (CENFE), le deuxième grand partenaire de Finorpa. " L'alliance objective Crédit Agricole- CENFE fonctionne assez bien dans les comités d'engagement. Nous savons dire non ". Ce qui n'empêche pas la banque mutualiste d'envisager de développer ses outils propres. " Nous préparons la mise en place d'outils complémentaires, comme dans d'autres régions ",annonce Jean Mérelle, sans en dire davantage.

Ce paysage du capital développement régional est enrichi des grandes banques mais aussi d'opérateurs nationaux, comme Siparex (qui va intégrer UFG-LFP, filiale majoritaire du Crédit Mutuel Nord Europe). S'y agrègent des fonds réunissant des investisseurs privés comme Re-Sources, Génération 2020, une poignée active de business angels (lire ci-après), mais aussi des fonds familiaux, ces " family offices " aussi puissants que discrets comme Oxyinvest, pour la famille Leclercq, Creadev chez les Mulliez ou le nouveau fonds Roquette.

150 opérations par an pour 20.000PME

Une telle richesse d'opérateurs n'empêche pas certains de juger que la région peut mieux faire, voire beaucoup mieux. Le patron régional d'Oséo, François-Xavier Willot est de ceux là. " On recense environ 150 opérations par an. Cela reste extrêmement faible au regard des 20.000 Pme régionales, même si toutes ne sont naturellement pas concernées par ce sujet ". Grand militant du développement régional, il espère que le plan 2000 PME puisse jouer un rôle de déclencheur. "Cette démarche va mettre en évidence un certain nombre de projets par un accompagnement des chefs d'entreprises. La composante capitaux propres sera certainement une exigence forte à laquelle il sera nécessaire de répondre ".

" Etre intelligents dans la diversité "

Le président du Medef régional, Jean-Pierre Guillon, a lui même avancé 21 propositions pour muscler le financement régional des entreprises, dans le cadre du Schéma régional de développement économique. Le patron des patrons nordistes évoque notamment la nécessité de renforcer le fonds d'amorçage Inovam, en puisant dans les fonds propres de Batixia, et préconise la création d'un fonds souverain régional. Dans le prolongement de ce rapport, une tentative de plateforme régionale a été lancée, sous la houlette de Marc Desjardins, ex-directeur régional de la Caisse des Dépôts, et la Banque de France. Dire que les acteurs de la place brûlent d'enthousiasme serait un pieux mensonge. Le Crédit Agricole a clairement décliné l'invitation, tandis que d'autres sont très circonspects. La plateforme est encore largement virtuelle.

Si la concurrence est vive, elle n'empêche pas la courtoisie, surtout derrière les plats fins de Clément Marot, dont la table recherchée accueille plusieurs fois par an les réunions du très informel Club Vauban, réunissant la fine fleur du capital-développement. " La démarche est de ne pas être à couteaux tirés en permanence, mais d'être intelligents dans la diversité, en maintenant la compétitivité ", note Jean-Marie Duvivier, l'actuel président.

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