La grande distribution alimentaire se réinvente

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

Noël 2010 devrait être un bon millésime pour le e-commerce.
Le sera-t-il pour la grande distribution alimentaire ? Difficile à pronostiquer, tant les " voies " des consommateurs s'avèrent impénétrables ! " C'est un consommateur multiple qui montre des signes de lassitude envers son hypermarché ", analyse Francis Guilbert.
" Il y a ceux qui n'ont plus envie de faire leurs courses, les partisans des courses plaisir et les adeptes des achats économie ", explique cet universitaire de l'IAE de Lille. Pour lui, les GMS doivent apporter des réponses de plus en plus ciblées à un consommateur toujours plus exigeant et " qui ne veut plus attendre ".
" C'est ce qui explique notre offre multiformat et multicanal au plus près possible de notre clientèle ", précise la direction de la communication de Carrefour. Le groupe dirigé par Lars Olofsson a d'ailleurs décidé d'accélérer son chantier de refonte de tous ses formats en repositionnant la marque.
L'enseigne veut pallier la baisse de fréquentation de ses hypers français et a lancé en août dernier le concept " Carrefour Planet " dans deux très grandes surfaces de 14 500 m2 et 15 000 m2 de la région lyonnaise. Les allées y sont plus larges et l'ambiance beaucoup plus lumineuse.
Carrefour accélère également la conversion de ses supermarchés sous le slogan " Tous Commerçants ". " Nous avons un peu plus de 130 supermarchés dans le Nord-Pas de Calais dont 83 intégrés et le reste franchisés ", explique Alain Lavandier, directeur opérationnel de la région Nord-Est.
Le premier distributeur alimentaire de la région avec 21,4 points de parts de marché (source : Kantar/Référenseigne 2010) a décidé une réorganisation profonde tant au niveau des services à la clientèle que de ses équipes. Après avoir testé la formule à Montreuil-sur-Mer, Teteghem ou Ralliencourt, Carrefour Market devrait avoir achevé cette réorganisation sur l'ensemble de son réseau intégré du Nord-Pas-de-Calais d'ici 18 mois.
" Ce modèle d'organisation sera également adapté aux hypers ; on le négocie actuellement avec les partenaires sociaux ", explique par ailleurs la direction de la communication de Carrefour.

Un test de laboratoire

Auchan n'est pas en reste. Le groupe régional a rénové son centre de Vélizy 2 construit en 1986 en créant 3500 m2 de surfaces supplémentaires, pour 90 M€ d'investissements. Il vient d'ouvrir Okabé sur 11 200 m2. Ce nouveau centre commercial, à 500 m de la Porte d'Italie, a été voulu par la ville de Kremlin Bicêtre (94) pour assurer la reconquête de son centre ville. L'enseigne teste également de nouveaux concepts comme l'hypermarché discount à Mulhouse (Prixbas) ou tout prochainement l'hyper de centre ville (Auchan City de Tourcoing).
En lançant " Partisan du goût " à Halluin, Auchan propose également un nouveau concept à ses clients adeptes du Chronodrive tenant à conserver des liens avec leurs boulanger, détaillant en fruits et légumes et en boissons. " A Halluin, c'est une sorte de test de laboratoire ; nous allons en lancer un second dans le courant du premier semestre 2011 ", expliquait Philippe Saudo, directeur de la branche supermarché du groupe au salon des maires à Paris.
L'enseigne nordiste réfléchit d'ailleurs beaucoup à la combinaison des services offerts par le drive (Auchandrive) et de ceux de la galerie commerciale de son hyper contigu.


Tout sous un même toit

Hier encore, alors que l'hypermarché s'essoufflait, un vent favorable soufflait sur le hard discount. Le " consommer local " a désormais le vent en poupe. En témoigne la dernière initiative prise par Leclerc avec " ses alliances locales " . Un comportement que prônent ceux qui privilégient circuits courts et relations directes avec des producteurs péri-urbains.
Aucune enseigne ne peut être indifférente à de telles évolutions. Globalement, les chiffres 2009 des GMS françaises n'ont pas été bons. Et les modèles sont ébranlés. Les très grands hypers (plus de 10 000 m2) souffrent le plus. " Ceux dont la superficie se situe entre 4 et 7000 m2 souffriraient moins " note un observateur.
Nos clients votent chaque jour avec leur porte-monnaie ", rappelait d'ailleurs Arnaud Mulliez en posant la première pierre du futur centre commercial Auchan d'Arras en novembre 2009.
" L'hypermarché de grande taille, le tout sur un même toit, continue à être notre objectif pour apporter des réponses concrètes à un besoin client ", martèle pourtant Arnaud Mulliez. " Auchan a la culture de l'hyper grand format et nous sommes les seuls à y travailler avec conviction ", renchérissait Philippe Baroukh en avril 2010.

Du service, encore du service et toujours du service !

Autant d'évolutions poussent des opérateurs à s'engouffrer dans des niches, peu ou pas exploitées au nord de Paris. Sur un créneau identique, la Ferme du Sart de Villeneuve d'Ascq (plus de 13M€ de CA), toujours contrariée dans son développement, ou le Carré des Halles proposent des produits frais et " surfent " sur l'attrait du consommateur pour le " local ".
Carré des Halles vient d'ouvrir son troisième magasin aux abords immédiats d'Auchan Roncq. " Il y passe près de 10 000 véhicules/jour ", expliquent Guillaume Torck et Jean-François Hernu. Succès garanti et " business plan " dépassé pour les deux créateurs, même si les élus locaux se sont opposés à leur arrivée.
Le maire de Tourcoing pose la question : " comment ces enseignes vont-elles contribuer à la redynamisation de nos centres-villes ? Comment s'engagent-ils sur une offre en coeur de ville ? "

A mi-chemin entre le caviste et l'hypermarché, La Vignery fait partie de ces enseignes " hyperspécialisées ". Romain Mulliez a développé ce concept sur 300 m2. Installé à Rambouillet depuis quatre ans, il a tiré les leçons de l'échec de " la Cave Auchan " fermée en 2005. Il vient d'ouvrir son 4ème magasin à Marquette et prévoit une implantation à Louvroil.

A ceux qui " s'ennuient en faisant leurs courses ", Martin Toulemonde et Ludovic Duprez ont apporté la solution en créant en 2004 Chronodrive qui vient de proposer une application iPhone pour " faire ses courses n'importe où, n'importe quand ".
Installés sur les grands axes de circulation, les " drive " connaissent d'ailleurs un véritable essor. Ils ont souvent une vocation de conquête. Mais pour éviter qu'ils ne cannibalisent les autres magasins du groupe, l'enseigne les implante souvent à l'autre bout de la ville et ... de préférence à côté d'un concurrent !

" Une ville vivante, c'est une ville commerçante "

Si les grandes enseignes voient leurs modèles s'essouffler en périphérie des villes, elles réinvestissent fortement les centres-villes. " Les mêmes enseignes qui ont tué en 40 ans le commerce de centre-ville créent désormais des formats destinés à redynamiser ces mêmes centres-villes ! On croit rêver , "s'exclame cet observateur attentif. " Mais, c'est le principe de la roue du commerce ", justifie Francis Guilbert. 
" La nouvelle loi LME de 2008 a provoqué une extrême libéralisation des surfaces de vente ", regrette Michel François Delannoy. " Les élus locaux n'ont plus leur mot à dire en cas d'implantation de surfaces inférieures à 1000m2, déplore le 1er vice-président de LMCU qui a défendu la modification du PLU métropolitain afin de juguler développement des centres commerciaux périphériques.

Un retour en ville que Monoprix avait anticipé depuis longtemps. " Le Monop' et le Daily Monop' ont vocation à devenir le placard et le frigo de l'habitant du quartier ", explique l'enseigne qui associe souvent petite épicerie et restauration. Carrefour lui emboîte le pas et développe ses Carrefour City, Carrefour City Café et Carrefour Express.
Fin 2010, le réseau de magasins de proximité du groupe comprendra 420 Carrefour City (pour la ville) et Carrefour Contact (pour la campagne)...sans compter les Carrefour Montagne. Adapté aux rythmes urbains, Carrefour City est ouvert 6/7 jours et parfois jusqu'à minuit.
" On a décidé d'ouvrir de 8h à 21h, mais on pourra évoluer selon la demande de notre clientèle ", explique Christophe Viennot-Bourgin, patron de l'Intermarché et du Netto de Tourcoing, en charge, dans le cadre "  de son tiers temps ", de la création du nouveau magasin lillois ITM Express.

Réanimer nos centres-villes

Le numéro Un des supermarchés du Nord-Pas de Calais (76 points de vente) a décidé d'investir 1M€ dans un 1000 m2 situé au rez-de-chaussée de l'ex-Plaza de la rue nationale qui ouvrira le 7 janvier 2011.
Ce ne sera pas une supérette de dépannage, mais bien un supermarché alimentaire .  Notre zone de chalandise concerne les 20 000 foyers situés à moins de 5mn du magasin, à ceux qui travaillent à proximité et les clients de passage ", poursuit-il. " Le client, qui disposera d'un espace snacking, d'une zone frais et un d'un espace produits de grande consommation, fera ses courses rapidement et à prix discount ", conclut le représentant d'ITM.

A Tourcoing, Altarea qui a engagé 70M€ pour les 13 000 m2 du centre commercial de l'Espace Saint-Christophe, dans lequel Auchan dispose de 4000 m2 ,majoritairement alimentaire, devrait contribuer à la dynamisation du coeur de ville. On attend avec impatience le 6 avril 2011, jour annoncé de l'ouverture !

Un hyper en centre-ville ? L'opération n'a pas forcément réussi à Roubaix, même si Casino s'en défend aujourd'hui. A Euralille, le bilan affiché du centre commercial est plus que mitigé. " C'est une condition nécessaire pour réanimer nos centre-ville, mais loin d'être suffisante ", souligne Michel-François Delannoy qui défend le principe " d'une ville vivante, parce que commerçante ".
Et pour cela, il importe de " multiplier les flux vers nos villes ", souligne l'édile, partisan convaincu d'un minimum de régulation en la matière. " Car, comme il y a eu hier des friches industrielles, il pourrait bien y avoir demain des friches commerciales " !
Les courses aux meilleurs emplacements ne font que commencer !
La mort définitive du " petit épicier du coin de la rue " et générateur de lien social, est-elle définitivement programmée ?

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