Jouve, tête de pont de la numérisation des brevets européen

Avez-vous jamais déposé un brevet à l'Office européen des brevets (OEB) ? Basé à Munich, il accorde depuis plus de 30 ans des brevets à l'échelon européen selon une procédure unique de délivrance pour 38 Etats membres. C'est un Français, Benoît Battistelli, le directeur de l'INPI, qui en préside le conseil d'administration depuis 2009. En 2010, l'OEB aura reçu 235 000 demandes, un chiffre qui progresse d'année en année. Et c'est à Lens que toutes ces demandes sont mises en forme et numérisées.

Sur une zone d'activité sans âme entre l'A211 et Eleu-dit-Lauwette, le bâtiment ne paie pas de mine. Il abrite pourtant la plate-forme industrielle du leader mondial de la production de livres numériques (90 000 titres convertis en e-books en 2009) et une activité de propriété intellectuelle à haute valeur ajoutée. Le groupe Jouve-Safig assure ici le traitement documentaire et la conversion numérique de l'intégralité des brevets déposés à l'OEB. Une activité commencée il y a plus de 20 ans dans ce secteur très concurrentiel et pour laquelle elle détient la totalité du marché depuis 2000. Remis en jeu tous les cinq ans, le contrat vient d'être renouvelé.

Jouve dispose d'un savoir-faire éprouvé. Une vingtaine de salariés localisés directement à Munich numérisent ces documents très secrets mais très hétérogènes. Le plateau de production lensois est quant à lui organisé comme une véritable chaîne industrielle soft. Une trentaine d'opérateurs y convertissent les images reçues en format de texte structuré et standardisé. Une exigence pour que la version dématérialisée puisse être facilement exploitable par les examinateurs de l'OEB : présentation et découpage uniformes, tableaux, recherche par mots clés... Le process est ici maîtrisé de bout en bout, jusqu'à la publication officielle, électronique désormais, dont la valeur juridique exige une qualité irréprochable. Jouve diffuse ces brevets sur cédérom et via Internet – plus de 1 200 d'entre eux sont mis en ligne chaque semaine. Et le groupe gère aussi le serveur de l'OEB.

R&D intensive

François Legaut, un Centrale Lille passé par l'industrie automobile, est arrivé en 2005 chez Jouve Lens pour gérer l'activité brevets. Il en a pris la direction fin 2010. L'entité représente pas moins de 150 salariés, dont un tiers d'ingénieurs et docteurs. Sous sa houlette, de belles améliorations ont été apportées : ajout de bibliographies, création de liens pour renvoi à des figures... mais une innovation pourrait permettre à l'OEB de franchir un cap supplémentaire.

Le groupe Jouve-Safig

Près de 3 000 salariés, sur 27 sites de production, dont 16 en France.

143 M€ de CA en 2010, dont 10% en propriété intellectuelle

12% du CA investis en R&D
Jouve Lens

Effectif : 150

13,5 M€ de CA en 2010, 14,5 M€ prévus en 2011

L'augmentation constante du nombre de demandes de brevet engendre des retards de traitement par les milliers d'ingénieurs examinateurs. D'autres offices au Japon, aux Etats-Unis, en Corée ou en Chine sont en compétition avec lui. “Le premier déposant européen est Philipps, et ses centres de recherche sont autour du monde...” fait remarquer Bruno Delorme, directeur commercial pour les institutions internationales chez Jouve. Pour aller plus vite avec le même niveau de qualité, Jouve propose un traitement automatique de classification des brevets entrants, grâce à un proto d'analyse sémantique et syntaxique mis au point l'an dernier après plusieurs années de recherche. Autre axe de R&D : un outil de résumé. Ces prestations, alliant le “soft” automatique et le service constituent une valeur ajoutée originale qui place le groupe dans une position très avantageuse. “Très peu de concurrents disposent de l'ensemble de la palette”, confirme François Legaut.