Jean-Louis Herreng, La passion traiteur à toutes les sauces

La passion du métier lui est venue par surprise. Convaincu que jamais il n'épouserait celui de ses parents, 3^e génération de charcutiers-traiteurs à Fleurbaix, il a d'abord emprunté la voie des chiffres : expertise comptable et capacité en droit à Lille. L'étudiant est bûcheur, un traiteur lui fournit sa pitance. C'est alors que la fibre charcutière le rattrape. A force de coups de main donnés à ses parents, l'idée chemine en lui d'un rayon traiteur. Il emprunte à sa mère son livre de recettes, teste des plats. Son père n'y croit pas pour ce village de 2 000 âmes. Mais Jean-Louis s'entête. Et enchaîne les formations pratiques à Paris.

En 1982, il rejoint l'entreprise fondée par son arrière-grand-père en 1868, à laquelle son père a apporté la renommée en inventant « le pâté de Fleurbaix », spécialité présentée dans une terrine consignée. L'activité traiteur d'Herreng démarre, d'abord en magasin avec un apprenti, jusqu'au premier mariage de 100 convives. « Je menais tout de front, la production, la vente, la partie commerciale, la comptabilité. Il était urgent que je m'entoure ! » Il recrute un responsable de production, un commercial et un comptable et se concentre sur le développement. Bien lui en prend ! Herreng ouvre deux boutiques, à Béthune puis Armentières et aborde de nouveaux marchés : les entreprises (plateaux repas, cocktails, arbres de Noël) et depuis cinq ans les institutions via les marchés publics. Herreng dresse et garnit les tables du Conseil régional, de VNF, de la ville de Lille, d'Artois Comm... Lille Grand Palais, le Stadium Nord, le stade couvert de Liévin figurent en bonne place dans son carnet de commandes. Il a même été retenu pour les derniers vœux aux fonctionnaires du président Sarkozy, en préfecture de région : 2 000 convives ! Sa dernière prestation de taille : la convention internationale Futurallia que vient d'organiser à Lille CCI International.

Gros challenge

En 30 ans, la boucherie-charcuterie de village de 8 salariés est devenue organisateur de réceptions de renom. Son logo fraîchement repensé orne les tables officielles, grâce à 45 salariés, 6 apprentis et 70 extras mobilisables. Les déboires de Lecocq traiteur, liquidé et repris par Compass Group pour attaquer – sans succès – le marché du Grand Stade, ont sans doute favorisé l'ascension, pour un chiffre d’affaires de 4 M€ en 2011 (+ 12%). Mais à suivre Jean-Louis Herreng dans le laboratoire flambant neuf de l'entreprise, expert, attentif et discret, on mesure la capacité du chef d'entreprise à faire bouillir la marmite !

« Ce labo, c'est le plus gros challenge qu'on ait jamais mené ! » Construit en sortie de village sur un terrain de 7 500 m2 grâce au concours de l'interco Flandre-Lys, pour 3,5 M€, il incarne l'ambition d'Herreng. Confié au bureau d'études et d'hygiène alimentaire Legrand à Lille, il déploie sur 1 800 m2 le nec plus ultra de la logistique de bouche avec chambres froides par types de produits, circuit transversal de préparation et circuit propre pour le chaud et le froid. De quoi porter largement les développements attendus.

Au rang des nouveaux débouchés : la renaissance du pâté de Fleurbaix griffé « Saveurs en'Or » pour aborder la grande distribution, l'intégration de l'activité pâtisserie auparavant sous-traitée, et la location de vaisselle.

Jean-Louis Herreng transmet sa passion aux futurs pros comme « conseiller d'enseignement technologique » pour les corrections d'exam. Sans enfants, il porte un regard bienveillant sur ses salariés, attentif au bien-être de chacun et contrarié quand une mine renfrognée signale un malaise. Il a aussi adhéré cette année au club E6 et à l’APM de Lens pour « partager nos expériences ». Ce « gros bosseur », toujours avide d'apprendre, suit aussi la formation Everest de l'Institut des managers. Et se rêve en premier de cordée ?

Sophie Pecquet