Interview du Préfet de région : “Notre région a tous les moyens pour rebondir”

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[caption id="attachment_18235" align="alignleft" width="400" caption="Crédit : Sébastien Jarry"][/caption]

Dans ce climat économique tendu, comment inverser la courbe du chômage ?
Tous les services de l’Etat sont mobilisés. En début d’année, l'Europe avait connu quatre trimestres consécutifs de recul du PIB, ce qui n’était pas sans influence pour la 4e région exportatrice du pays. En France, je remarque des signaux positifs intéressants comme l’indicateur du climat des affaires dont la courbe tend à s’élever, notamment pour l’industrie, qui était en chute depuis 2011, et aussi la dynamique de la croissance nationale au 2e trimestre 2013 (+0,5 %). Tout cela reste modeste mais la croissance ne viendra pas avec 5% d’un coup. Autre signal, nous sommes la 3e région créatrice d’emplois (hors Ile-de-France) soit 10% du total national pour environ 6% de la population. Enfin le nombre de chômeurs a baissé en Nord-Pas-de-Calais de 900 personnes en mai et de 1 300 en juin. Notre région a tous les moyens pour rebondir.

 

Il reste pourtant de grands sites industriels en difficultés, Calaire, Continentale, LISI... Comment juguler cette série noire ?

Je ne nie pas cette réalité, nous venons de subir une année particulièrement difficile. Nous avons perdu 13 700 emplois dans le secteur marchand, notamment par une réduction très forte de l’emploi intérimaire. 40 plans de sauvegarde de l’emploi ont porté sur 3 000 salariés. Et en 2012, nous comptabilisons 27 400 demandeurs d’emplois supplémentaires. Je retiens cependant que sur les grands secteurs industriels, notamment l’automobile, nous avons tenu, sans fermeture de sites car il existe des projets pour pratiquement chacun d'eux. La situation est sous étroite surveillance grâce une cellule de veille qui se réunit régulièrement sous le pilotage du commissaire au redresse- ment productif. Cette structure produit des résultats et a évité des drames. Une centaine d'entreprises soit 11 000 emplois sont spécialement suivies.

 

Vous sentez une convergence des forces ?
Oui, c’est l’un de nos atouts. Je l’ai rarement vu ailleurs et cela constitue un environnement favorable pour attirer les investisseurs. Les arrivées d’Amazon et d’IBM avec 2500 et 700 emplois respectivement, à terme, démontrent cette coopération. Nous avons des secteurs de force à développer : l’automobile, le ferroviaire mais aussi le numérique, l’agroalimentaire et la santé.

 

Il reste des territoires en souffrance comme la Sambre-Avesnois, le Calaisis, l'ex bassin minier...

On ne peut pas le nier, les chiffres du chômage en témoignent avec le cap des 14% en moyenne régionale passé l’année dernière. Il faudrait que les implantations puissent irriguer la totalité du territoire. Mais il se produit un incontestable phénomène de métropolisation et d'agglomération. La création d’emplois reste ainsi positive sur le grand Lille.

 

Où en est la mise en place des outils de soutien de l'emploi ?

Nous avons les outils classiques que sont les contrats aidés (CAE-CUI-CIE). Nous en avons signé 50 000 en 2012 et prévoyons le même chiffre pour 2013 avec l’objectif d’en augmenter la durée moyenne à 12 mois. A cela, le gouvernement a ajouté les emplois d'avenir et les contrats de génération, avec une montée en charge progressive. Le gouvernement a souhaité que les missions locales soient prescriptrices pour les emplois d'avenir, mais ce n'était pas leur habitude. Si l'entrée dans le dispositif d'accompagnement de la région et des départements a pris un peu de temps, aujourd’hui le retard est rattrapé. Notre enveloppe contient 7 600 contrats pour 2013 et je viens de l'étendre largement au secteur marchand. Les résultats du Nord-Pas-de-Calais sont satisfaisants et nous sommes en mesure de signer environ les 200 contrats par semaine nécessaires pour tenir nos objectifs. Lors de sa visite à Dunkerque sur le thème de l’emploi le 23 juillet, le Président de la République a pu constater la mobilisation de tous les acteurs de la région pour inverser la courbe du chômage.

 

Et pour les contrats de génération ?

Les chefs d'entreprise doivent se l'approprier. Environ 300 demandes sont en cours. Il peut paraître assez complexe : jusqu'à 50 salariés, il faut à la fois prendre un jeune de moins de 26 ans et garder un senior de 57 ans ou plus. Au-delà de 50 et jusqu'à 300 salariés, les entreprises doivent passer par un accord de branche, aidées financièrement par la Direccte. Plusieurs sont en cours de discussion. Au delà de 300 salariés, c'est une obligation, sans aide particulière. Il se met en place et intéresse tous les secteurs y compris l’artisanat, pour faciliter les transmissions d’entreprise. A Dunkerque le 23 juillet, le Président a pu parrainer un tel contrat dans le secteur de la métallurgie, secteur où se pose la question du remplacement des générations et de la transmission des savoir-faire. Ces dispositifs utilisés par tout le monde ont un effet contra-cyclique en injectant du pouvoir d’achat.

 

Sur le CICE*, OSEO a été pilote mais on dit les banques plus réticentes...
Bpifrance (ex OSEO) a réalisé un travail remarquable. Nous avons 490 dossiers acceptés par Bpifrance, pour 31,37 M€ de préfinancement à ce stade (mi août). Grâce à Bpifrance, les choses ont été lancées rapidement au cours du 1er trimestre 2013 et je ne désespère pas que les banques viennent maintenant conforter la dynamique. Les décideurs ont compris que le pré-financement pouvait les aider pour améliorer leur trésorerie et ainsi leur capacité à se développer. Ce système est simple, il touche toutes les entreprises, qu’elles soient à l’IS ou à l’IR et tous les secteurs, y compris agricole.

 

A l’avenir, les collectivités vont-elles bénéficier de fonds européens ?

Nous devrions avoir au moins les volumes antérieurs sur le programme 2014-2020 et nous avons obtenu le statut de “région en transition“. Depuis 2012, main dans la main avec la Région, nous échangeons de façon à associer territoires urbains et ruraux. Nous réalisons avec la région un passage de témoin puisqu’elle a souhaité devenir l’autorité de gestion pour le Feder. Pour le FSE, la gestion se fera de manière partagée entre l’Etat, les Régions et les Départements et sur le Feader, de nouvelles modalités sont fixées de façon à donner plus largement la main à la Région. 

 

Seine-Nord est-il définitivement enterré ?
Je ne pense pas que l’on puisse dire cela. Nous en sommes au stade du rapport Duron et le gouvernement doit prochainement se positionner. Le dérapage financier a été constaté : de 4,5 milliards, le coût a bondi à 7 milliards. D'après le rapport, le projet était peut- être trop ambitieux et fait état d'un manque de contribution européenne. Sur ces bases, le ministre des Transports Frédéric Cuvillier a demandé, avec le concours du député Rémi Pauvros, la reconfiguration du dossier pour en faire un projet viable. Nos parlementaires européens et nos élus sont très mobilisés. Le rapport sur le nouveau projet devrait être rendu à la fin du premier semestre 2014. 

 

Quelle est la position de l'Etat sur le dossier de la thrombose routière et le CSEL** ?
Je suis très inquiet sur la surcharge de l'A1. La qualité de l’infrastructure de transport est déterminante pour la compétitivité de la région dans le futur. Notre réseau autoroutier est extrêmement sollicité. Au delà de sa mission de liaisons interurbaines et internationales, ce maillage supporte aussi un trafic local très important, même majoritaire puisqu'il représente 75% du trafic. De plus, le temps de saturation quotidienne ne cesse de s'accroître. J'ai donc contacté les autorités concernées pour mettre un projet de CSEL sur la table, avec la question de son financement que l'Etat, seul, ne peut pas assumer.

 

Quelles solutions alors ?

J'ai transmis au ministère le dossier du débat public, il s'est croisé avec le rapport Duron. J'ai noté avec intérêt que ce dernier conservait le projet de CSEL pour la période 2030-2050 et qu'il est considéré comme une infrastructure à réaliser. Il appartient désormais au ministre de décider. Dans tous les cas, si l'on donnait le feu vert aujourd'hui, il faudrait dix ans pour le construire. Nous avons déjà amélioré les choses : les vitesses décroissent à l'entrée de Lille de manière à faciliter la fluidité du trafic et nous projetons de décaler dès cette rentrée la vitesse entre camions et voitures. Mais nous commençons à atteindre les limites de l'exercice. Le CSEL n'est pas la panacée, simplement une voie qui permettrait de dériver le flux sur l'A23 et l'A27, de ne plus emboliser l'entrée de Lille et de mieux dégager la partie de l'A1 qui chemine à travers les zones d'activités. Il faut également avoir conscience que le CSEL seul ne suffira pas, il faudra développer sensiblement le covoiturage et mener un effort considérable en matière de transports en commun, empruntés par seulement 2% des usagers dans les zones d'activités desservies par l'A1.

 

Nos sept pôles de compétitivité remplissent-ils leur rôle ?
Ils ont fait l'objet d'une évaluation l'an dernier, ce qui n'a pas manqué de sus- citer quelques réactions. Parmi les 7 pôles de compétitivité, I-Trans (trans- ports terrestres durables), NSL (nutrition santé longévité en matière d’industries agroalimentaires et biotechnologiques) et Aquimer (produits de la mer) vont conclure un contrat de performance en 2013, une feuille de route pour six ans. Les quatre autres font l'objet d'un suivi renforcé pour arriver à leur tour à l'établissement de ce contrat. Nous devons soutenir et aider ces sept pôles positionnés sur des secteurs importants en région. De manière générale, notre taux de R&D dans la région s'établit seulement à 0,8% du PIB contre 2,2% au niveau national. Pour combler ce retard, des aides du PIA (programme d’investissement d’avenir) sont mobilisées : 55 projets ont été retenus par l’Etat pour un montant de 487 M€ avec quelques dossiers emblématiques comme la SATT, société d'accélération de transfert de technologie (63M€), Railenium (80M€) ou encore l'IFMAS (un institut de recherche pour les nouveaux matériaux). Des travaux sont aussi en cours sur la ville de demain. Nous avons des champions européens, voire mondiaux, nous aurions tort de ne pas les valoriser. Enfin, nous nous positionnons sur l’implantation de grandes installations comme le projet de résonance magnétique nucléaire qui cherche à se localiser et sommes en relation avec le centre technique du CEA dont l’implantation en région serait emblématique

 

Recueilli par O.D. et J.D. 

*CICE : crédit impôt compétitivité emploi

**CESL : contournement Sud Est de Lille 

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