Interview d'Hubert Tondeur : « Plus de flexibilité favoriserait les entreprises »

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

RECUEILLI PAR Marie Raimbault et Julie Dumez

 

Les experts-comptables peuvent être les véritables alliés des entreprises. Viennent-elles vers vous assez en amont en cas de difficultés ?
En France, il y a un problème psychologique : l’échec est une tare. Aux Etats-Unis, vous pouvez vous planter dix fois, si vous avez une onzième idée, on va quand même vous aider à recréer une entreprise. Ici, si vous échouez, c’est un poids que vous portez toute votre vie ou presque. Lorsque les chefs d’entreprises veulent transmettre leur affaire, ils viennent bien souvent trop tard. Ils n’ont pas encore compris qu’ils pouvaient se reposer en amont sur leur expert-comptable. Nous sommes aussi des chefs d’entreprises. Évidemment, cela a un coût mais ça en vaut la peine parce qu’il y a un conseil. Mais nous sommes en partie fautifs. Nous ne sommes pas seulement là pour enregistrer les écritures, nous devons davantage aller vers les clients pour les accompagner et leur proposer des solutions dès que nous estimons qu’il est temps qu’ils réfléchissent à une cession.

 

Quel regard portez-vous sur la situation régionale ?

Le coût du travail est lourd mais le plus compliqué tient  dans la non-flexibilité du marché du travail. Plus de flexibilité favoriserait les entreprises. Je ne connais personne qui licencie pour se faire plaisir ! Le chef d’entreprise n’est pas un vicieux. Nous sommes parfois obligés de les pousser, pour leur bien et sauver leur entreprise et une partie de l’emploi.

. Au premier trimestre 2013, les défaillances d’entreprises se sont un peu ré- duites mais les Tpe sont celles qui souffrent le plus. Le fonctionnement d’une entreprise est globalement très simple : s’il n’y a pas de chiffre d’affaires, pas de trésorerie, cela signifie disparition. 

Le principal problème d’une entreprise c’est l’activité. Il faut que nous retrouvions de la croissance pour que les entreprises embauchent et que le niveau de chômage baisse.  

 

Comment voyez-vous l’avenir?
Les Français devraient épargner moins et consommer plus. Quant aux entre- prises, elles doivent prendre conscience qu’il faut mettre sur le marché des pro- duits français. Sans faire de nationalisme aigu, cela contribuerait à la création de richesse en France. Certains clients industriels, dans le secteur de la métallurgie, du médical et paramédical s’en sortent. Quand on regarde le prix d’une voiture, on peut quand même se demander à qui cela profite ? Je suis persuadé que l’on peut encore fabriquer en France et en Europe. Les Français n’ont pas compris qu’à chaque fois qu’ils consomment moins cher, ils le payent indirectement par des impôts, de l’exclusion sociale, des cotisations. Il faut se poser des questions sur notre modèle de consommation et de production.

 

Comment se porte le marché des transmissions d’entreprises ?

Le plus souvent, les patrons se réveil- lent tardivement, à 63 ans, et se disent qu’il serait temps de passer la main. Il faut alors vendre un fonds avec du personnel, des locaux et parfois une habitation. Et trouver quelqu’un capable de mettre 500 K€ sur la table. Sauf que ça ne court pas les rues ! Certains se di- sent que ça va plutôt bien, bénéficient d’une rente, alors pourquoi s’arrêter ? Il vaut mieux vendre cinq ans plus tôt et correctement.  En parallèle, de nombreux repreneurs ne trouvent pas de cibles. Alors travaillons à rendre le marché plus fluide et à faire émerger et se rencontrer une offre et une demande.

 

 

« Nous sommes en train de toucher le fond en matière de tarification »

 

Des cellules de crise ont été mises en place, au conseil régional ou à la CCI par exemple. Comment travaillez-vous ensemble ?

Nous faisons partie de la plupart des organismes qui travaillent sur ces problématiques. Nous mettons l’accent sur la transmission des informations et des outils à nos confrères.

 

Où en est le CICE*?
Il se met en place. Nous avons été les plus actifs en France avec cinq manifestions avec la direction régionale des finances publiques, Oséo et la CCI. Le problème de trésorerie est la conséquence principale de la situation économique. Le CICE est un outil assez intéressant pour en récupérer un peu.  Cela aurait été plus simple d’instaurer une exonération de charge au lieu de faire un dispositif calculatoire dont bénéficieront insuffisamment les artisans, commerçants et TPE. Le CICE est très bien pour des Pme de 20-50 salariés et plus. Les secteurs tertiaires et la distribution vont principalement en bénéficier. Est-ce que ça va les conduire à embaucher ? Je l’espère. Mais les dizaines de milliers d’artisans n’en verront pas la couleur.

 

 Quels sont les objectifs de votre mandat ?

Mieux communiquer sur les missions de l'expert-comptable et son champ d'intervention. Nous avons une formation assez généraliste et nous pouvons parler de beaucoup de sujets avec les patrons, au delà de la mission technique de comptabilité. Dans les périodes difficiles comme celle-ci, s'il y a bien quelqu'un sur qui on peut s'appuyer du point de vue organisation, développement, management, ressources humaines, c'est l'expert-comptable. L'autre aspect, c'est expliquer que nos missions sont très larges : nous nous adressons aussi bien aux entreprises qu’aux particuliers et à toutes sortes d'organisations publiques ou privées. Enfin, nos confrères doivent comprendre que nous ne vendons que de la connaissance. Pour cela, il faut être bien formé et le rester tout au long de la vie. Nous mettons donc en place un système de formation continue très dé- localisé. Cela passe par une télé en ligne où l’on diffuse nos formations filmées à ceux qui n'ont pas pu venir. Sur le CICE, nous avons organisé cinq animations avec près de 350 confrères. Nous intégrons aussi du management et du marketing, notions assez ré- centes dans notre profession. Tout en respectant la confraternité, nous donnons des outils pour conquérir de nouveaux marchés. L’idée n’est pas de se faire la guerre sur les marchés traditionnels mais d’agrandir notre cercle d'intervention.

 

Comment se porte la profession en région ?

Nous sommes un peu plus de 800 confrères, dont 15 % de femmes, soit environ 4 000 salariés, un chiffre en augmentation ces dernières années. Mais nous souffrons encore d’une grosse difficulté à recruter en raison de salaires historiquement faibles dans la profession libérale. Aujourd’hui, il y a une concurrence très forte sur les prix, d’où la nécessité d’agrandir notre champ d’intervention. Parce que nous sommes en train de toucher le fond en matière de tarification. Implicitement on ne peut pas me retirer l’idée que si vous réduisez la tarification, cela engendre une baisse de la qualité de service. Nous avons toujours très mal facturé nos prestations de conseils. Cela ne vous viendrait pas à l’idée d’aller chez un avocat et de repartir sans payer ! Chez un expert- comptable, c’est tout à fait naturel. Il y a là un vrai problème culturel sur le- quel il faut agir.

 

On entend beaucoup parler de « contrebandiers » qui cassent les prix. Où en est le phénomène ?
L’exercice illégal est un des points de la mandature. Il y a une concurrence sur les prix liée à la crise. Dans la région, nous sommes de plus en plus touchés, Paris et la région Paca le sont particulièrement. Le plus souvent, ce sont des personnes qui font de la prestation administrative et qui versent dans la comptabilité. La pratiquer pour une petite structure n’est finale- ment pas très compliqué. Depuis décembre, on compte déjà trois ou quatre dossiers de ce genre. Beaucoup de clients ne savent pas que notre profession est réglementée et que l’exercice illégal relève du pénal.

*CICE : crédit impôt compétitivité emploi

 

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Bio Express

1970
Naissance
2001
Associé Alliance Experts
2005
Professeur agrégé des Universités
2012
Président du conseil régional de l'ordre des experts- comptables

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