Hôtellerie de luxe - La région joue enfin dans la cour des grands
Qui leut cru ? Le Nord-Pas-de-Calais a acquis ses lettres de noblesse dans lhôtellerie de luxe, et su développer une véritable industrie. « Le secteur a explosé dans les 15 dernières années, ce qui a été réalisé est remarquable », analyse Thierry Grégoire, président de lUMIH (Union des métiers des industries de lhôtellerie). Et la dynamique se poursuit. Les hôtels 4* poussent comme des champignons dans toute la région. La liste - non exhaustive- douvertures, d'extensions et de modernisations dhôtels haut de gamme donne presque le vertige. La Chartreuse de Neuville-sous-Montreuil (28 M), lHôpital Militaire de Valenciennes (80 M), le Mercure dArras (7 M), le 4* du groupe Boissonnas au Louvre-Lens (16 M), lextension de lHermitage Gantois (3,8 M), un 4* de la SLIH à Reims Et ce, peu après larrivée du 5* de Barrière dan la métropole lilloise. A croire que le marché reste porteur. « De largent il y en a ! », ajoute le patron des hôteliers, considérant que la région finit de rattraper son retard et dexploiter les potentiels restants. Pourtant, les financements changent. Les groupes hôteliers ont de plus en plus de difficultés à porter seuls les projets. « Nous avons investi dans notre premier établissement à Lille, en 1988. À l'époque, les prêts étaient plus intéressants que maintenant. Les ouvertures à venir ont été initiées il y a plusieurs années, aujourdhui, ce serait bien plus difficile», admet Jean-Claude Kindt, P-DG de la SLIH.
[caption id="attachment_17011" align="alignleft" width="400" caption="Le lobby du futur Hôpital Militaire, transformé en hôtel par la SLIH"][/caption]
Loffre arriverait donc à maturité. Les voix saccordent à dire quà Lille, il faut cesser les ouvertures. Le taux de remplissage atteindrait à peine les 60%, quand une moyenne acceptable se situe autour de 70%. Le mot tabou est lâché : la métropole souffre d'une certaine surcapacité. Certains évoquent même une tendance à des investissements hasardeux. «Souvent les gens qui ne savent pas quoi faire de leur argent se disent : je vais ouvrir un hôtel ! Cest parfois complètement déraisonnable », poursuit le P-DG de la SLIH. Une vision partagée par le président du lUmih, qui alerte sur la nécessité de penser le tourisme de façon globale, au niveau du territoire. « Si tout le monde se met à vouloir son Palais des congrès et son hôtel, ca va être compliqué », glisse-t-il. Et pour cause, lagglo de Calais a lancé un appel doffres pour la construction dun centre de Congrès et de spectacles et dun hôtel-restaurant ; Boulogne voit deux projets dhôtels émerger, un 4* de 74 chambres et une résidence 3* de 90 chambres, portés respectivement par Cirmad (Bouygues) et NV Industries. Et Sangatte mûrit son projet déco-village. Le complexe devrait abriter un hôtel et un golf. Nicolas Boissonnas, propriétaire du Westminster du Touquet et le futur 4* face au Louvre-Lens, sest déjà positionné pour développer le programme. Le groupe Najeti, fondé par Jean-Jacques Durand, un des héritiers de l'empire Arc International, serait à l'affût d'acquisitions dans la région même s'il n'a pas de projet de développement en cours. Il compte déjà 5 établissements dans le Pas-de-Calais, dont lHôtel du Parc à Hardelot.
Un marché très chahuté
Tout nest pas rose pour autant, et le secteur souffre, comme beaucoup dautres. « Cest dur, mais on lutte», le cri du cur de Rémy Fénart, directeur du Couvent des Minimes à Lille (groupe SLIH) témoigne des difficultés du secteur. Les professionnels du secteur saccordent sur le constat. Le tourisme daffaires dévisse. Les séminaires sont concentrés sur une journée, les dîners réduits à des cocktails, les déplacements annulés. « Le marché a changé de nature, les évènements dentreprises sont confiés aux directions des achats et les coûts étudiés à la loupe, les entreprises vont à lessentiel et jouent la carte de la sobriété », décrypte Laurence Péan, directrice de Nord France Convention. Certains déplorent une véritable « austérité » des entreprises, gênées aux entournures de dépenser d'importants budgets en évènementiels quand elles demandent en parallèle des efforts aux salariés. Les hôteliers dénoncent tous une morosité ambiante entretenue par le pouvoir et les médias. « Ils se sont réjouis ce matin dannoncer que la France était en récession », ironise Jean-Claude Kindt, P-DG de la Société lilloise dinvestissement hôtelier (SLIH). Le tourisme de loisir semble quant à lui se maintenir. « Les hôtels de centre ville résistent bien mieux à la crise que ceux de périphérie ou de campagne et avec la météo terrible, Lille va mieux que la côte », décrypte Rémy Fénart. Chacun joue avec ses armes, un spa, un golf, des évènements culturels et adapte sa politique tarifaire en permanence. Et doit composer avec un nouvel entrant : les centrales de réservation Internet. « Le web a profondément changé le métier, entre lexposition des établissements sur Tripadvisor et les 20% de commission par chambre des Booking et Expédia, la concurrence est la pression sur les prix est devenue terrible », explique Thierry Grégoire, président régional de lUmih.
Faut-il vraiment créer loffre ?
La question, vieille comme léconomie, est toujours aussi prégnante. Quand Nicolas Boissonnas parie sur loffre de son 4* au Louvre-Lens pour attirer Japonais et autres Américains « Quand il y aura une offre de qualite?, cela fera la diffe?rence
[caption id="attachment_17014" align="alignright" width="400" caption="Le Westminter au Touquet"][/caption]et attirera les touristes », dautres sont sceptiques et regrettent une forme de parachutage du musée. « A lorigine, jai trouvé que cétait vraiment Paris qui donnait des cacahuètes aux pauvres provinciaux. Et je crains que les touristes ne restent pas dormir, il faut encore repenser toute la ville, ce qui prendra 30 ans», explique Thierry Grégoire, avant de reconnaître le courage de linvestisseur : « Force est de constater que léquipement rencontre un réel succès, et cet hôtel cest un pari pour lavenir, cest toujours bon pour le Nord-Pas-de-Calais». Pour le patron des hôteliers, lavenir du secteur passe par une vision concertée, au niveau régional, entre les porteurs de projets, politiques et acteurs du tourisme. Et par une segmentation. Pour lui, les évènements culturels et sportifs récurrents fidélisent la clientèle. « Le carnaval, les cerfs-volants de Bercq et, quoi quon en pense, lenduro du Touquet, ça cartonne. Il faut que chaque ville, chaque région joue avec ses atouts ». Tourisme de mémoire, tourisme balnéaire, industriel, rural, du bien-être, les professionnels, aussi touchés par la crise quils soient, affichent tous une véritable foi dans le tourisme régional. Et semblent débarrassés des vieux complexes dinfériorité régionaux. Ils gardent en tête deux enjeux majeurs : investir au quotidien dans la rénovation du parc et fidéliser encore et toujours, le sourire arrimé aux lèvres. Bienvenue dans une région 4*.
Marie Raimbault
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