Fils émaillés : GII veut vernir écolo

A Labourse, près de Béthune, Philippe Frezel travaille au développement d'une chimie verte s'appliquant aux fils émaillés. Ces fils isolants en cuivre entrent dans la fabrication des moteurs électriques. Le process en usage prévoit qu'ils soient recouverts de 20 couches de vernis contenant des solvants puis séchés dans des fours à 800°C pendant 48 heures. Des fours qui, pour éviter les longs temps de chauffage, sont maintenus à température en permanence tout au long de l'année. Un gouffre à énergie, des émanations toxiques. "Et voilà 50 ans que ça dure", déplore le dirigeant de GII (Green Isolight International), créée en 1995.
Lui a trouvé la parade. Un vernis sans solvant qui ne nécessite que deux couches et sèche par une technologie plus écologique et économique : les ultraviolets. Elle existe depuis plus de 20 ans pour les parquets flottants ou les disques laser mais Philippe Frezel l'a adaptée aux fils et câbles.

La norme se fait attendre

Une gageure au vu des contraintes électriques, thermiques et de résistance chimique qu'il a dû intégrer. Et du peu d'engouement des deux seuls fabricants de vernis e pour cette quête. C'est que Philippe Frezel, s'il est sûr du procédé sur lequel il travaille depuis près de 20 ans, validé par le CNRS de Vernaison, bute encore sur le coût. Les fabricants de moteurs sont, eux, intéressés mais, regrette-t-il, "il y a encore un pas à franchir pour que les mentalités changent et qu'on accepte de payer plus cher un procédé moins polluant". Tenace, l'inventeur – qui n'a pas déposé de brevet tant il craint de divulguer ses formules – compte sur la norme "qui finira bien par imposer des process plus éco-efficients". Et il poursuit son travail de fond qu'un projet européen (Ecowiretec, 4M€ subventionnés à 50%) lui a permis de mener en collaboration avec des Pme espagnole (Acebsa, n°3 européen des fils émaillés), autrichienne (Mag), et américaine (Fusion UV) et Total (Cray Valley) entre 2000 et 2005.

D'autres marchés

Le dirigeant a embauché un docteur en chimie, Benoît Hennebicq, qui a fait sa thèse à ses côtés grâce à une bourse CIFRE. Appuyé depuis un an par le pôle de recherche technologique Médee – qui attend toujours sa labellisation Pôle de compétitivité –, il collabore avec l'université d'Artois sur un projet de moteur écologique pour EDF. D'autres partenariats universitaires (USTL, Montpellier, Mulhouse, St-Etienne) confortent la R&D de son petit laboratoire, doublé d'une petite unité de production.
Pour financer ses recherches, GII a développé d'autres marchés. La coloration des fils d'acier entourant les bouchons de champagne, avec le fabricant belge Beckaert. Les embouts de crayons de maquillage avec l'entreprise boulonnaise de cosmétique Alkos. Des fils supraconducteurs pour l'imagerie médicale avec Alstom à Belfort ou des applications aé- ronautiques pour EADS. Les vernis UV de GII ont de beaux jours devant eux.