Eurotunnel : Jacques Gounon attend une reconnaissance de la région

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

Eurotunnel a réalisé
un premier trimestre
décoiffant, en hausse de 24%.
Est-ce factuel ou une tendance
lourde ?

C'est un développement structurel,
que nous préparons depuis longtemps.
Nous disposons d'avantages
concurrentiels marqués : la rapidité,
la ponctualité, la fréquence. Et nous
sommes de mieux en mieux perçus,
avec de nouveaux clients et un taux
de fidélisation considérable, entre
90 et 95 %.

Le développement durable est inscrit
dans le code génétique d'Eurotunnel :
moins polluant que les ferries, beaucoup
moins que les avions, c'est le
meilleur système de transport de ce
point de vue. L'électricité nous
confère un impact carbone extrêmement
modeste et un avantage économique
qui ne peut que se renforcer
avec la hausse durable du prix du
pétrole – le fuel représente 20 % de
la base de dépense des ferries, qui
sont contraints de demander une
surcharge carburant à leurs passagers.

Cet avantage économique et
environnemental ne cessera pas. Le
site possède en outre des zones écologiques
préservées et le parti a été
pris il y a 20 ans, bien avant l'heure
donc, d'inscrire la stratégie dans une
logique de respect de l'environnement.

Quelle est la force
de votre business model ?

Notre force, c'est un départ de navette
toutes les 10 ou 15 minutes aux
heures de pointe, une traversée en
35 minutes de terminal à terminal,
une ponctualité supérieure à 90-95%,un rapport qualité-prix très performant.
Sur le plan du fret, une heure
d'immobilisation d'un camion et son
chauffeur coûte autour de 65 € ; le
différentiel entre le tunnel et le ferry
est de deux heures, ce qui nous donne
un avantage économique de 130 €, et
en plus, on est vert ! Un ferry pollue
20 fois plus que le ferroviaire.

Quelle est votre part de
marché sur le transmanche
aujourd'hui ?

Au premier trimestre, nous avons
dépassé à plusieurs reprises les 50%
pour les passagers, ce qui ne s'était
plus vu depuis longtemps. Nous
avons repris des parts de marché.
Non pas en entrant dans la guerre
des prix engagée par SeaFrance,
mais en proposant des promotions
très spécifiques, limitées dans le
temps, qui nous ont permis d'attirer
de nouveaux clients et de renforcer
le taux de fidélisation passagers.
Notre logique est d'établir des relations
stables avec nos clients.

Dans
l'activité de transport de camions,
nous sommes à 37 % en termes de
parts de marché, très proches de
notre plus haut historique de 38,3 %.
Mais le trafic camions a sensiblement
décliné depuis 2007, en recul
de l'ordre de 12 à 13 %. Nous accompagnerons
la reprise économique
quand elle se présentera.

Attendez-vous un effet des JO
de 2012 ?

Ce sera significatif. La préparation
de l'événement et son déroulement
impliquent des livraisons, des flux
supplémentaires. L'effet des JO est en général estimé à 1,5 point de PIB.
Nos marchés évoluent en moyenne
à 1,5 fois le PIB. Ce qui fait 2,25 %.
Nous attendons donc grosso modo
2 % de croissance par rapport à la
normale.

Que pensez-vous du plan
de relance de SeaFrance ?

Je suis préoccupé des conditions de
recapitalisation de SeaFrance. Le
montant demandé représente plus
d'un an de CA avec un déficit qui durerait
jusqu'en 2016... Cela pose un
problème de fond. C'est bien de se
préoccuper des emplois de Sea-
France, mais nous avons à Eurotunnel
3 300 salariés qui s'en s'ont sortis
sans l'aide de qui que ce soit, Etat,
Europe ou Région.

Après la précédente
recapitalisation, SeaFrance a
été déficitaire neuf exercices sur dix.
On est dans un monde économique
ouvert. Il faut que la prime soit accordée
aux meilleurs, et nous allons
continuer à croître.
Je ne souhaite évidemment pas la
mort de SeaFrance, il y a de la place
pour tout le monde, mais pourquoi
ne pas avoir des offres complémentaires
avec par exemple Boulogne,
qui pourrait être orienté tourisme et
Calais, qui pourrait se concentrer sur
les grands flux plus professionnels.

Avez-vous le sentiment
que votre image a changé ?

Vis-à-vis de nos clients, notre image
est très positive. Nous sommes leader
mondial du ferroutage – 1,2 million
de camions passent par le tunnel
alors que les Suisses en ont 100 000
dans leurs tunnels. Et le service a
toujours été rendu.

Vis-à-vis de la Région, je suis déçu
par le désert dans lequel nous nous
trouvons. Notre savoir-faire ferroviaire
est indiscutable, nous sommes
le premier employeur du Calaisis.
Nous développons aujourd'hui un
centre de formation international
pour recruter des conducteurs ferroviaires,
pour Eurotunnel, notre filiale
Europorte et ses concurrents.
Ce centre de formation, qui va créer
de l'emploi, nous l'installons ici. Je
demande une aide symbolique de la
Région et je n'ai aucune réponse. Je
trouve ça choquant. Ne sommesnous
pas Nordistes après 17 ans ?
J'aimerais un soutien clair.

Quel investissement
représente cet outil ?

Nous investissons 4 M€, notamment
à travers un simulateur. Europorte
se développe sur un rythme de +20%
par an et notre besoin porte sur cent
conducteurs de locomotive immédiatement.
A plein régime, notre outil
pourra former un nombre équivalent
de conducteurs pour d'autres opérateurs.
Soit 200 personnes, formées à
des techniques de haut niveau pendant
six mois par 40 à 50 formateurs.

Revenons sur l'image, vous
restez pour beaucoup encore
une entreprise britannique...

La maison mère d'Eurotunnel est
une SA française, notre filiale de fret
Europorte est française, j'ai tenu à
ce que le siège social d'Europorte
soit implanté à Lille, alors que j'aurais
pu l'installer ailleurs. Je suis
contributeur de Calais Développement
pour un demi million d'euros,
Eurotunnel siège à la CCI Côte
d'Opale pour la première fois depuis
20 ans... J'essaie d'apporter une
contribution dans le Nord-Pas-de-
Calais, je m'y sens bien, je souhaite
qu'Eurotunnel s'y développe et y
crée de l'emploi.

Quel lien entretenez-vous
avec le pôle de compétitivité
i-Trans ?

Nous en faisons partie. C'est une dépense
mais ceci aide le Nord-Pasde-
Calais à conforter sa référence
ferroviaire. Nous avons une expertise
réelle et travaillons à améliorer
la résistance et la solidité des rails,
sur la voie la plus circulée au monde.
400 trains par jour circulent dans le
tunnel sous la Manche : Eurostar,
Navettes Eurotunnel et trains de
marchandises. Je reste convaincu que
la France a un savoir-faire extraordinaire.

La SNCF et RFF ont leurs propres
ambitions ; nous sommes plus
petits, plus pointus, plus agiles... nous
avons une responsabilité.

Les trains de la Deutsche
Bahn emprunteront bientôt
le tunnel...

Nous travaillons sur ce dossier depuis
plusieurs mois. Il va permettre de
renforcer les liaisons Francfort-
Cologne vers la Grande-Bretagne.
Ce qui est fondamental est que
Deutsche Bahn compte installer un
hub à Lille, avec deux trains normaux
couplés. C'est un signe extrêmement
positif. Quand je me bats pour que
DB passe par le tunnel, je le fais
aussi parce que c'est bon pour Lille
et le Nord-Pas-de-Calais. L'intérêt
économique pour la région est évident.
On a les capacités. C'est la géographie
qui parle.

Comment voyez-vous
Eurotunnel dans trois ans ?

Nous serons différents mais nous
n'entendons pas nous disperser.
Europorte n'est d'ailleurs pas une
diversification, c'est notre métier
Nous avons 250 conducteurs, nous
en aurons 350 ou plus. Nous
sommes dans une logique de développement
continu raisonné.

Dans le domaine du fret, la
Sncf n'est-elle pas à la traîne ?

Il faut que les réalités économiques
s'imposent. Fret SNCF doit assainir
les bases pour pouvoir repartir. Pierre
Blayau a fait une opération vérité,
qui est excellente pour le secteur. Je
suis convaincu qu'il va contribuer à
redorer le blason du fret ferroviaire.
Dans un cadre économique libéral,
on ne peut se développer que dans
des business sains et profitables.

Vous exploitez désormais
le réseau ferré des ports
de Dunkerque et Nantes-
St-Nazaire...Quellle en est la logique ?

Nous avons effectivement gagné les
appels d'offres organisés par Dunkerque
et Nantes-St-Nazaire. Aujourd'hui,
en France, la SNCF est
seule gestionnaire d'infrastructure,
par délégation de RFF. Eurotunnel
a de réelles compétences, y compris
en maintenance. Nous pouvons être
une alternative à SNCF Infra qui n'a
aucune raison d'être en situation de
monopole. Europorte est présent
partout en France, son ambition est
nationale voire binationale, en
Grande-Bretagne, et c'est un axe
stratégique de développement.

La modernisation de la ligne
Dunkerque-Calais devrait
servir le fret vers l'Angleterre ?

On en parle depuis longtemps. Il
semble que la volonté soit là. La décision
aurait été prise, mais il
manque encore la signature avec
RFF... Je me réjouirai le jour où elle
interviendra. Mon rêve est de développer
les flux ferroviaires entre
Dunkerques-Dourges et le tunnel.

Le fret ferroviaire entre Dunkerque
et Delta 3 n'est pas l'essentiel, ce qui
a du sens c'est Dourges-tunnel et
Dunkerque-tunnel. Sans mise à niveau
de la ligne, nous ne pouvons
pas offrir à CMA-CGM de lien avec
la Grande-Bretagne. C'est là que la
Région devrait concentrer ses efforts
plutôt que d'investir des sommes
considérables dans l'extension du
port de Calais qui peut attendre. Les
perspectives sont considérables,
renforcées avec l'arrivée de Seine-
Nord Europe. Car le débouché, c'est
la Grande-Bretagne. Le tunnel a été
construit pour ça.

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