Enquête : Le business des enfants se réinvente

TEXTES Julie Dumez et Olivier Ducuing

« Je pense qu’on rentre dans une phase de consommer et entreprendre autrement ». Le propos est de Jean Duforest. Le pre?sident d’IdGroup plus connu pour ses marques Okaidi, Obaibi, Oxybul-Eveil et Jeux) est aux premie?res loges pour observer les mutations commerciales qui touchent de?sormais l’univers des enfants comme les autres. Un domaine dans lequel la re?gion compte des majors nationaux. Meccano, Tape a? l'oeil, Allobe?be?, PicWic, Cyrillus ou Vertbaudet et bien d’autres, autant d’enseignes prospe?res ne?es dans le Nord. Baisse du pouvoir d’achat, commerce connecte?, nouveaux acteurs, nouveaux comportements des consommateurs : tous doivent aujourd’hui te- nir compte d’un univers en pleine mutation. Exemple emble?matique, Meccano.
Si le fabricant centenaire de jeux de construction a? Calais joue la carte de la tradition, il s’est lance? a? fond sur de nouveaux concepts. Sa nouvelle gamme Evolution, estampille?e « Made in France », fruit d’un an de
de?veloppement, « s'inscrit dans un besoin d'ancrer la marque dans la modernite? », explique Florence Pi- lard, directrice marketing. Me?me si l’effet Madeleine de Proust reste un argument commercial fort. « Ces marques dites nostalgiques rappel- lent aux parents leurs e?motions d'enfances », de?crypte Armelle le Bigot, fondatrice du cabinet d'e?tudes spe?cialistes de la famille ABC+. Pour mieux coller aux attentes des petits consommateurs, le fabricant franc?ais vient d'ouvrir son Meccano Lab, lieu de test grandeur nature, en partenariat avec la ville de Calais. Meccano vient par ailleurs d’e?largir son horizon cet e?te? via son rachat par le canadien Spin Master (figurines et jouets te?le?commande?s) qui lui ouvre sa puissance de feu commerciale, notamment a? l’international.

Volatilité du consommateur
Co?te? enseignes, on constate aussi de nouveaux comportements. Un enjeu capital pour un secteur e?conomique qui re?alise 30 a? 40% de ses ventes en fin d’anne?e. « Il y a un de?calage dans le temps, les gens sont moins pre?- voyants et re?alisent leurs achats de plus en plus tard », constate Ste?phane Mulliez, fondateur de PicWic. Le groupe nordiste compte 22 magasins de jeux et loisirs cre?atifs en France, dont 9 en re?gion pour un CA de 110M€. Cette volatilite? du consommateur n'est pas sans conse?quences sur l’organisation et la logistique. Depuis environ quatre ans, il se dit impacte? par la concurrence des ventes sur le web. Un cre?neau sur lequel il envisage de se de?velopper et qui repre?sente un investissement aussi important que l'ouverture d'un nouveau magasin. Jean Duforest, pre?sident d'IdGroup, affirme quant a? lui avoir « baisse? sur le digital cette an- ne?e. Il y a une telle profusion sur le web qu'on souffre plus que dans nos magasins Oxybul-Eveil et Jeux », af- firme celui qui a proce?de? a? un profond renouvellement de ses collections en 2012. La profusion, c'est justement ce qui a change? depuis 30 ans dans l'offre de jouets selon Ste?phane Mulliez. « Notre ro?le consiste a? faire la se?lection pour le consommateur afin qu'il ne soit pas noye?», commente-t- il. Pour se diffe?rencier, PicWic a lance? depuis deux ans ses marques propres, une dizaine pour un peu plus de 1000 re?fe?rences, « des produits de qualite? a? des tarifs inte?ressants qu'on ne trouve que chez nous ».
Mieux informe?s, les clients com- parent C'est que budget serre? rime avec achat re?fle?chi et raisonnable. Pour la branche textile d'Idgroup (Okaidi, Obaibi, Jacadi), Jean Duforest constate que « les produits essentiels se sont mieux vendus que les produits e?phe?me?res, plus mode ». Mieux in- forme?s, les clients comparent et recherchent avant tout le meilleur rap- port qualite?-prix.
C’est pre?cise?ment en pariant avant les autres sur le web que Philippe Lallier a construit avec Allobe?be? une re?ussite spectaculaire dans les produits be?be? en e-commerce avant de se lancer dans les points de ventes en durs. Ludovic Leurent surfe sur la me?me vague avec la cre?ation de la marketplace God Save the Kids, installe?e a? Villeneuve d'Ascq. (voir P24)
Si le web rebat les cartes dans l'acte d'achat, il commence aussi a? influer sur les jouets eux-me?mes. Selon le cabinet NPD Group, les tablettes pre?- scolaires seront les stars inconteste?es de ce Noe?l 2013. Il estime que d'ici fin de?cembre, un million de tablettes enfants devraient e?tre vendues en Europe. La tablette parentale est devenue familiale, et les jeux pour enfants font de?sormais flore?s sur ce support au de?triment des jeux classiques. Tout comme les figurines interactives et connecte?es (Furby, Skylander, Disney), coqueluches 2013.

Mais l’asse?chement sans doute durable des porte-monnaie conjugue? a? de nouveaux comportements ouvre aussi la voie a? de nouveaux circuits. Exemple, les biens d’occasion ne font de?sormais plus peur. La seconde main encore taboue il y a quelque temps a de?sormais le vent en poupe.
Tre?s de?veloppe? pour le premier a?ge, ce marche? s’inscrit ve?ritablement dans de nouvelles tendances de consommation. Comme l’analyse Armelle le Bigot, « les parents sont tre?s organise?s et recherchent l’achat ma- lin ». De nouveaux types d’organisation commerciale sont aussi en train d’apparai?tre. Rue du Molinel a? Lille, le concept-store Plane?te Mo?mes imagine? par Sara Folken est de ceux-la?. Sur 400m2, il propose tout a? la fois salon de the?, espace de jeux, ateliers ludiques et pe?dagogiques, restauration, salon de coiffure pour enfants, boutique et de?po?t-vente. « L’ide?e est de partager des activite?s tout en e?tant libre de s’amuser chacun de son co?te? », explique la dirigeante de la Tpe.
Un nouveau paradigme de la consommation de demain ? Nul doute en tout cas que les mutations profondes de la socie?te? poussent les acteurs et les pousseront toujours plus a? construire de nouveaux mode?les. Et la re?gion a les atouts pour les faire e?merger.

La suite de notre enquête :

- Allobébé pousse la toise

- God save the kids, à l'assaut du e-business

- Des crèches plein les cartons

- La région, n°2 français des plaines de jeux

- L'accueil petite enfance passé au crible

- Questions à Armelle le Bigot-Macaux, fondatrice du cabinet ABC+