Economie régionale : où sont les femmes?"

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"Si j'ai le malheur de décrocher un marché à un prix légèrement supérieur à la concurrence, la rumeur ne se fait pas attendre. Comme je suis une femme, j'ai forcément couché pour y arriver !" Heureusement que cette chef d'entreprise du Valenciennois a un caractère assez bien trempé pour s'en amuser... Même si elle n'emploie que des hommes dans son bureau d'études ! "J'essaie désespérément de recruter une ingénieure. Peu nombreuses, elles sont embauchées par les grands groupes dès la fin de leurs études."

En Nord-Pas-de-Calais, être une femme ne va pas de pair avec la réussite dans les affaires. L'Insee n'en recense que 17,2 % à la tête d'entreprises de plus de 10 salariés (sur8 500dirigeants). Sur100 femmes au travail dans le privé, moins de trois sont des cadres administratifs et commerciaux et à peine une est ingénieure ou cadre technique. Un "plafond de verre" empêche la gent féminine d'accéder à des postes à responsabilité ; un "plancher collant" les cantonne à des métiers peu rémunérateurs, avec souvent des temps partiels subis. Sans parler des disparités salariales à fonctions égales. Bref, en matière de mixité, le Nord-Pas-de-Calais cumule les handicaps.

"Des dossiers moins stratégiques"
Le "sexe faible" est en effet réputé moins disponible que ces messieurs, perçus comme plus fiables et rigoureux. "C'est mathématique. Neuf fois sur dix, mes clients me demandaient expressément de présenter un candidat homme", confie une ancienne consultante lilloise en ressources humaines. Certains employeurs indélicats considèrent même la maternité comme un obstacle. "Ma fille est née en 2005. A mon retour de congé, on m'a confié des dossiers beaucoup moins stratégiques", raconte, dépitée, Sandrine, responsable marketing à Lens. Pour Dominique Lemaire, chargée de formation auprès du Collectif régional pour l'information et la formation des femmes (CORIF), leur salut passera par une volonté politique forte."Les lois existent mais rien ne change. Sans actions concrètes, les femmes préfèrent s'épanouir dans la vie privée plutôt que de se battre dans la sphère publique. Or, se priver des femmes, c'est se priver de la moitié des compétences."

Briser le plafond de verre
Rares sont les Pme-Pmi à avoir saisi l'intérêt de la mixité. Dans la région, seule la société de services informatiques Norsys a décroché le Label Egalité, décerné par l'Afnor. "Je souhaitais avant tout instaurer une justice sociale", revendique son dirigeant Sylvain Breuzard. Il emploie 24% d'ingénieures, un record pour une SSII de 250 salariés. "Effets inattendus, nos engagements encouragent des femmes à postuler chez nous. Et les collaboratrices portent un regard plus positif sur l'entreprise que leurs homologues masculins." Les plus grandes entreprises sont généralement mieux sensibilisées au problème. A grand renfort de promotion interne et de formations, Castorama espère atteindre 40 % de femmes dans l'encadrement d'ici 2012 (contre 28 % en 2003). Norpac, filiale de Bouygues Construction, qui ne compte que 20 % de femmes cadres, a lancé cette année l'opération Réussir au féminin, une formation ad hoc pour mieux se vendre et briser ce maudit plafond de verre.

Accès inégal au crédit
Sous l'effet d'une politique globale d'envergure du Conseil régional, la création d'entreprises au féminin gagne du terrain : 33 % des créations en 2009. Hélas, à peine la moitié de ces jeunes pousses passent le cap des trois ans. "Les femmes créent plus facilement dans les domaines fortement exposés aux échecs, commelecommercededétail", analyse Thomas Crinquette de la CCI de région. L'investissement initial est également moins important. "L'accès au crédit bancaire reste inégal. Là où les hommes parlent de challenges, les femmes mettent plus en avant leur passion", constate Fatiha Legzouli, co-directrice d'Initiatives Plurielles. L'association épaule justement les créatrices, grâce à des marraines expérimentées et des visites d'entreprises fondées par des femmes.

"Surdiplômées, expérimentées et organisées"
Pour créer, le secret de la longévité, c'est justement d'être accompagné. Le réseau des ruches vient d'ailleurs de lancer Nord Pionnière. "Nous pensions proposer des outils en lien avec les statistiques, qui pointent des manques de compétences, de fonds propres, d'expérience, d'organisation de la vie privée, détaille Eric Lepot, directeur du développement des Ruches d'entreprises du Nord. Finalement, nos créatrices sont surdiplômées, expérimentées et organisées. Nous proposons donc du sur-mesure." Des offres de formation continue dédiées au leadership féminin apparaissent. "Tremplins de femmes", par exemple, est dispensée dans la métropole par Catherine Chemière. "La performance seule ne permet pas d'accéder à des postes à responsabilité, explique-t- elle. Les femmes doivent renforcer l'estime d'elles-mêmes. A travers la formation, elles profitent d'une dynamique de groupe pour renforcer leur impact."

Réseautage et effet miroir
Autre atout gagnant qui semblait leur avoir échappé : l'épaisseur du carnet d'adresses. Aujourd'hui, les femmes Nordistes réseautent comme les hommes... mais avec des structures100 %féminines.Femmes Chefs d'Entreprises (FCE) veut permettre aux femmes d'intégrer les instances de décision économique. Force Femmes, créé en 2005 par Françoise Holder (Boulangeries Paul) et Véronique Morali (énarque dirigeante de la société de services financiers Fimalac), accompagne les plus de 45 ans en recherche d'emploi. Derniers nés, Business Professional Women enrichit les compétences avec le partage d'expérience et Terra Femina se base sur la solidarité, l'égalité des chances et la transmission des savoirs.

"Quand une femme arrive dans mon bureau, son projet de création est déjà bien réfléchi, ce qui n'est pas toujours le cas des hommes, constate Thierry Macé, directeur de la ruche d'entreprises de Cambrai. Ce qu'il manque, c'est l'exemplarité au féminin, pour démontrer à chacune que c'est possible." Pour Carol Lambert du cabinet Deloitte & Associés, les modèles commencent à fonctionner. "La loi sur l'intégration des femmes dans les conseils d'administration des entreprises cotées entraîne un effet miroir. Cela encourage les femmes à avoir de l'ambition." Et donc à décrocher des postes très haut placés. Au sein du cabinet d'audit Ernst & Young région Nord, seules deux femmes ont atteint le niveau d'associées. Pour en arriver là, Carole Papoz a dû faire des choix. "J'avais une nounou à plein temps pour pouvoir être disponible au bureau. Cela m'a permis de ne pas culpabiliser."

Effet boule de neige
Même dans le milieu de la banque, resté longtemps chasse-gardée masculine, des politiques concrètes sont mises en place. Le Crédit Agricole Nord de France a par exemple signé un premier accord égalité hommes-femmes en 2008 avec pour objectif d'atteindre 30% de femmes dans ses effectifs en 2011. "Nous sommes à 28,31 % mais au prochain accord nous mettrons la barre à 40 %", annonce Anne-Marie Boulard, direc- trice des ressources humaines. Effet boule de neige, les femmes entrées dans les agences il y a une vingtaine d'années accèdent aujourd'hui au top management. En septembre dernier, Caroline Tricoche a été nommée déléguée régionale de Société Générale. Elle supervise aujourd'hui 2 600 personnes, réparties dans 221 agences. "L'ascension des femmes résulte d'une vraie politique de l'entreprise, visant à accompagner la mobilité du foyer et à réduire les écarts de salaires, par exemple."

Le 1er janvier prochain, Christine Goeury sera nommée officiellement au sein du directoire de la Caisse d'Epargne Nord France Europe. C'est la deuxième fois dans l'histoire de cette banque qu'une femme atteint ce sommet hiérarchique. Le secret de cette mère de famille d'origine alsacienne ? "Je me suis toujours organisée pour respecter mes engagements professionnels, notamment en partageant les tâches avec mon conjoint. Et parce que j'ai aussi besoin de m'investir professionnellement." Elle a raflé le poste face à une quinzaine d'autres candidats... tous des hommes.

Eva Escandon : "Je paie aujourd'hui le prix fort"

L'argument était pourtant imparable. La région compte 25 % de femmes chefs d'entreprises commerçantes comprises. Il semblait donc naturel qu'il y ait un quart de femmes élues à la CCI de région. "Pendant deux ans, nous avons travaillé d'arrache-pied, y compris avec les organisations patronales, pour défendre cette idée sur la Côte d'Opale", se souvient Eva Escandon, à la tête de l'entreprise de métallurgie SMSM à Dunkerque. Mais c'était sans compter la réforme consulaire et son jeu de chaises musicales... Si l'objectif est atteint à la CCI Côte d'Opale (15 élues sur 60), on reste loin du compte pour la Chambre régionale (3 femmes sur 70). "Je paie aujourd'hui le prix fort pour mon engagement", constate Eva Escandon. Certes, Philippe Vasseur l'avait intégrée au poste de la commission industrie. "Mais l'industrie n'a finalement pas fait partie du schéma directeur du mandat", constate l'élue. Certes, les "Elles de l'Industrie", opération destinée à convaincre les industries lourdes de s'ouvrir aux femmes, devront changer de nom suite au recours du magazine éponyme. "Mais l'association Femmes chefs d'entreprises ne nous aide plus", regrette la dirigeante. "Je savais que la CCI était un bastion machiste. Mais jamais je n'aurais imaginé que c'était à ce point."

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