Chic & Luxe : la face cachée de la région

Le haut de gamme y a depuis longtemps droit de cité. Des entreprises plus que centenaires y excellent, d'autres s'y exercent, toutes avec discrétion, passion, détermination. Cette enquête n'a pas l'ambition d'être exhaustive. Guidée par les incontournables et les découvertes, contrainte par le temps et les réticences, elle est un aperçu de ce que le Nord-Pas-de-Calais peut compter de talents dans des niches d'excellence. Même si les difficultés ne les épargnent pas.

Se tend mais ne rompt pas

La dentelle de Calais est un des tenants du chic à la française. L'actualité récente (voir notre Une) a mis à l'honneur celle tissée à Caudry, autre terre d'adoption des métiers Leavers. Moment de grâce et de fierté pour tous ceux qui perpétuent ce savoir-faire unique et intemporel.

L'époque, elle, ne fait pas dans la dentelle. La mondialisation a mis à mal ces dentelliers de la tradition. A Calais, Noyon Dentelle sort à peine d'un redressement judiciaire après avoir vu son chiffre d'affaires passer de 60 M€ en 2003 à 17 M€ en 2010. Les effectifs ici comme chez Sophie Hallette ou Solstiss ont été drastiquement réduits. La broderie, autre activité du patrimoine vivant régional, a perdu 4 000 emplois dans le sud du Cambrésis et l'Aisne voisine. Le linge de maison s'est retrouvé dans de beaux draps en 2005 quand D.Porthault et ses créations très raffinées ont déposé le bilan avant de passer sous drapeau américain. Les Cardon-Tradilinge ou Fremaux-Delorme n'ont pas non plus répondu à nos sollicitations. Discrétion ou méfiance ? Les tissus d'ameublement haut de gamme souffrent aussi de la concurrence asiatique. " Les Indiens ne sont pas chers et font des choses sublimes ", se désole Thierry Bonte, patron de Bergerot à Cysoing. Tous se battent avec passion et rage. Le fil du luxe se tend mais ne rompt pas.

Sans export point de salut

Les salons et marchés internationaux sont pour toutes ces entreprises familiales un passage obligé. Savoir-faire à la française, créativité et service après-vente sont les ingrédients du succès à l'export, donc de la pérennité, souligne Stéphane Bourlet, de CCI International. Sans export, point de salut. (Et )le segment s'y prête à merveille. En Europe et dans le monde la crise n'est pas venu à bout des pouvoirs d'achat idoines. De grande ou petite taille, les entreprises du bel ouvrage, dans le textile, la décoration, la cosmétique ou des niches allant des poêles en faïence Régnier aux buggies signés Secma, vendent à l'étranger. Voire y ont installé des filiales, comme aux Etats-Unis Herbeau Créations (qui se relève aussi d'un passage difficile en 2005) et l'ébéniste Jean-Charles Hilmoine (qui vient de rejoindre le groupe d'agencement MGD, voir en p.5). La Chine n'est plus seulement une terre de main-d'oeuvre à bas coût, elle est un marché où la classe aisée atteint plus de 50 millions de personnes... La " french touch " y est très prisée. Meert y a tenu une table à Shanghai, dans le pavillon Lille Europe de l'Expo universelle. Un passage furtif mais inspirant.

La région, vous allez le constater porte de magnifiques références en matière de " must ". Ces entreprises sont surtout de très belles aventures humaines, qui dessinent un autre profil au Nord-Pas-de-Calais, discrètement, passionnément. Hauts les coeurs ! L'esprit de conquête est là.