Bureaux : le marché plie mais ne rompt pas

Après une année en fanfare, il fallait bien s'attendre à un recul. Celui-ci est très net. Avec 112 000 m2 de transactions de bureaux, l'année 2011 est bien loin des163 400 m2 enregistrés un an plus tôt. Ce retrait de près d'un tiers - à l'image du repli de Marseille, qui tombesousles100 000 m2 - est surtout lié à un dernier trimestre en vif repli alors que le début de l'année s'était bien tenu. Le constat est d'autant plus contrasté que le marché auquel se compare souvent la conurbation nordiste, l'agglo lyonnaise, a réalisé une année en nette progression, avec 230 000 m2 de transactions, contre 200 000 en 2010. Une vraie performance pour la capitale des Gaules, même si elle est liée en bonne partie à la livraison de la tour Oxygène et de ses 26 000 m2. Bref, le climat lillois n'est pas à l'euphorie. 200 € : le prix "prime" au m2 le plus élevé sur la métropole, en 2010, sur l'immeuble Perspectives (SNCF) à Euralille. Depuis, les prix restent sages. L'immeuble Morisson (photo), en coeur de Lille, attend toujours preneur à 230 €. Pour autant, il est loin d'être à la dépression. "2010 était notre record historique. On est revenu au niveau de 2009. Et compte tenu du poids économique de la métropole, les entreprises sont toujours là", plaide André Bartoszak, responsable de l'Observatoire des bureaux de la métropole (OBM) à la CCI Grand Lille.

Les points saillants de 2011 ? D'abord, l'absence de grandes transactions : la plus importante n'a pas dépassé 4 800 m2 alors que 2010 avait vu plusieurs belles opérations se conclure comme l'implantation de l'Agence régionale de santé et de la SNCF à Euralille. L'Etat, qui était un gros relais du marché immobilier avec sa réforme générale des politiques publiques (RGPP), est aujourd'hui au grand ralenti. Le déménagement du rectorat, qui était quasiment acquis sur 16 000 m2 Porte de Valenciennes à Lille, ne l'est plus. Ensuite, la taille moyenne des transactions a beaucoup diminué, passant de 436 m2 en 2010 à 306 m2 en 2011. Les transactions en produits neufs se sont affaissées de moitié (34 000 m2).

Pôles de cristallisation

Autre constat : l'offre s'équilibre de plus en plus entre Euralille, qui fut le moteur central du marché (la fameuse " turbine tertiaire " de Pierre Mauroy), et de nouveaux pôles de cristallisation. Outre les grands boulevards, la politique de spécialisation des grands pôles d'excellence commence à payer, après avoir été longtemps décriée par les professionnels au titre des restrictions qu'elle imposait. "J'ai changé d'avis, finalement ce n'est pas mal, concède Patrick Duez, de CBRE. Mais il faut que tout le monde joue le jeu et que la "En 2012, on part sur un marché assaini sur le neuf"
BENOÎT TIROT, ARTHUR LOYD Communauté urbaine ne veuille pas amener tout le monde chez elle". En 2011, les performances se sont révélées très satisfaisantes à Eurasanté (voir plus bas) ou la Haute-Borne, par exemple. " La Haute-Borne fonctionne très bien, on a même revu des opérations clés en main qu'on ne voyait plus ", décode Hugues Laffineur, de Tostain & Laffineur, qui a notamment réalisé l'implantation sur place de Cosely, filiale de GDF-Suez, dont le bâtiment de 1 400 m2 sera livré par KIC en juin prochain. " Le parc atteint sa maturité et sa reconnaissance ", se félicite Gérard Caudron, président de la Saem dont le site emploie désormais 5 500 personnes. D'ailleurs, plusieurs promoteurs ont programmé des opérations significatives, comme le parisien Axe Promotion pour deux bâtiments BBC de 2 600 m2, KIC en prépare de son côté deux autres (1 400 m2 chacun), qui seront livrés cet été, et Tereneo, l'outsider de la construction en bois, prévoit trois ensembles (voir plus bas). Euratech commence aussi à compter dans le paysage tertiaire, tandis que les entreprises de terrassement s'affairent très activement depuis plusieurs semaines sur l'Union. Le CETI, le tribunal de commerce métropolitain, le siège de LMH, mais 2 aussi celui de Vinci (18 000 m , dont 7 000 m2 pour ses 400 salariés) vont donner une impulsion déterminante à ce site très rapidement.

12 ans de commercialisation

" Sur ces cinq pôles, on peut recenser 640 000 m2 de projets tertiaires possibles, soit une potentialité de 12 ans sur la base d'un rythme moyen de commercialisation de produits "On a aujourd'hui du 2nde main de très haute qualité, c'est de l'occasion Renault 6 mois !"
ANDRÉ BARTOSZAK, DIRECTEUR DE L'OBM neufs par an ", relève Vincent Martin de BNP Paribas Real Estate. Autant dire que le marché lillois n'est pas en sur-offre même si aujourd'hui la disponibilité de produits neufs n'est pas considérable : 49 000 m2 sont disponibles sous trois mois, 16 500 m2 en construction et 93 000 m2 en projet, selon l'OBM. " Le stock est très digérable ", considère Hugues Laffineur. " On part sur un marché assaini sur le neuf ", renchérit Benoît Tirot, d'Arthur Loyd, qui nuance : " on va apprendre à vivre avec ce qu'on a plus qu'avec ce qu'on va faire. " Autrement dit, c'est l'offre qui conditionnera le marché.

Que va-t-il se passer en 2012 ? " Au vu des demandes qu'on a déjà dans les tuyaux, 2012 devrait être une année similaire à 2011 en termes de volume ", prédit Hugues Laffineur. Benoît Tirot relève aussi l'effet mécanique de la fin des baux (3-6-9 ans) signés à une époque florissante. " 2006 et 2009 étaient de belles années. Il y aura donc du mouvement en 2012 ", analyse-t-il. Seule grosse difficulté, mais pas spécialement lilloise : le financement pourrait souffrir du contexte général. En attendant, les investisseurs comme SEB, DEKA ou AXA restent très attachés au marché nordiste. Les foncières des familles industrielles sont très actives également. Le programme Arboretum (3 000 m2) à Euralille a été vendu en blanc, pour une livraison en 2013, et un autre ensemble, Nexity, de 8 500 m2, a été vendu à une SCPI française.

Parmi les programmes en vue, Tourcoing prend pour la première fois véritablement sa place. Alhena (photo), porté par Nacarat et la Sem VR, vient d'inaugurer deux de ses quatre bâtiments. L'ensemble apporte 6 900 m2 de tertiaire et d'activité dans le quartier de la gare. L'hôtel d'entreprises de la Tossée sera livré dès ce printemps. A l'été, un bâtiment de 6 500 m2 sera réhabilité à proximité. Non loin de là, c'est le programme Quai Ouest qui se profile (ex-Triangle), très attendu par le marché. En bordure de la zone de l'Union, très bien placé, il proposera des surfaces à 155 € le m2, de quoi séduire. Et rééquilibrer la géographie du marché tertiaire métropolitain.

EURASANTE : à fond la forme !

Alors que le tassement a largement touché le marché métropolitain, Eurasanté affiche sa 2e meilleure année en immobilier depuis 1995. Le parc biomédical a enregistré 12 000 m2 de transactions sur 16 opérations, dont 9 arrivées et 7 extensions : Santelys (+3 500 m2), HMS (+3 000 m2), l'école de kiné (+1 500 m2), Aquilab (+500 m2), parmi d'autres. Les perspectives sont jugées " excellentes " en début d'année par Etienne Vervaecke, directeur d'Eurasanté, qui relève une accélération du nombre de visites au dernier quadrimestre 2011. Pour le seul T1 de 2012, le parc devrait s'enrichir d'au moins 6 500 m2 de transactions.

BUREAUX EN BOIS : Tereneo voit plus grand

Tereneo n'a que quatre ans mais s'est déja forgé un nom dans l'immobilier de bureau. En se positionnant d'emblée sur une niche, le petit module en construction bois de 600 m2 à performance énergétique très efficace, la société a rapidement développé un parc de 3 000 m2. Ses premiers bâtiments sur le parc de la Haute-Borne, tous commercialisés, affichent une signature originale et offrent un bel effet vitrine. Mais aussi un niveau de charges très bas (1 €/m2 annoncé) grâce à la multiplication de choix techniques économes qui lui valent le label Minergie : pompe à chaleur branchée sur la nappe phréatique, orientation sud, isolation renforcée, panneaux photovoltaïques, capteurs de présence, VMC double flux... Le dernier bâtiment accueillera la société informatique Infitex, qui rejoindra Pictime, Phoceis, la société Sauter mais aussi le propre siège de Tereneo.
Forts de ces premiers succès, les associés Arnaud Mangez et Grégory Desquiens (photo) passent la surmultipliée. La société compte 10 000 m2 en commande, bien au-delà de la régionNord.Exemple : deux bâtiments en sortie de la gare de Picardie, un autre à Orléans. Mais c'est à la Haute-Borne que Tereneo compte confirmer son savoir-faire avec trois ensembles de 900, 1 200 et 1 500 m2 qui doivent sortir de terre courant 2012, sur un terrain de 1,5 ha. Les dirigeants indiquent que la commercialisation est déjà pratiquement bouclée.

IRISIUM ET TALONS AIGUILLES

Avec ses plus de 9 000 m2, l'Irisium est un des rares programmes neufs disponibles à Euralille. Mais l'immeuble a du mal à décoller en commercialisation. Les experts du marché l'expliquent par un hall d'entrée moyen, l'insuffisance du nombre d'ascenseurs, des plateaux difficilement divisibles. Parmi les critiques figure aussi la présence de caillebotis pour les escaliers extérieurs. Un détail pour les hommes, pas pour les femmes et leurs talons !

"LE HUB" : le choix des grands boulevards

Jérôme Gayet y croit : pas la peine d'être en centre-ville pour proposer un centre d'affaires et des bureaux en location. Depuis un an, il s'est offert un ensemble de 335 m2 entièrement rénové sur le bd de la Marne à Wasquehal. Il y loge son propre cabinet de consultant, fort d'une longue expérience et d'un gros carnet d'adresses, mais propose aussi des bureaux ainsi qu'un accom- pagnement et un " écosystème ". Le modèle est naissant, mais déjà plusieurs consultants ou Tpe se sont laissé séduire, à l'instar de Nicolas Malo, consultant en web analytics. Un " institut de formation pour les métiers du commerce électronique " est également lancé dans la structure. Le bâtiment est loin d'être plein, mais " Le Hub " affiche beaucoup de prospects intéressés, attirés par la facilité d'accès, la mise en réseau des occupants autour de la machine à café ou l'expertise proposée. A suivre