Bruno Bonduelle : “Depuis Lille2004, la métropole a le baby blues”

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PHOTOS Sébastien Jarry / RECUEILLI PAR Olivier Ducuing et Julie Dumez

 

Votre livre sort à quelques mois des municipales. Vous vouliez apporter votre contribution ?

C’est une coi?ncidence de calendrier. Je suis totalement en dehors de la campagne e?lectorale qui ne m’inte?resse pas et qui sera de toute fac?on me?diocre. Les lignes peuvent bouger a? Tourcoing, mais pas a? Lille. Je pense que Martine Aubry est surdimensionne?e pour le poste et qu’elle s’ennuie a? pe?rir ici. Lorsqu’on a occupe? ces fonctions, c’est impossible de ne pas espe?rer revenir un jour. Pas force?ment a? Mati- gnon, mais peut-e?tre a? Bercy ou a? Grenelle.

 

Elle gouverne Lille Métropole d’une manière assez différente de son prédécesseur. Quel regard portez-vous sur ce mandat et pensez-vous qu’une communauté urbaine comme celle de Lille doive par nature e?tre gouvernée dans le consensus ?

Elle doit d’abord e?tre juge?e en fin de mandat sur un bilan. Or aujourd’hui, LMCU est un de?ni de de?mocratie, comme toutes les communaute?s urbaines d’ailleurs, ou? se de?cide l’essentiel des grands projets. Aux municipales, on vote pour un maire qui n’a plus aucun pouvoir. Force?ment, le consensus de Pierre Mauroy e?tait un consensus mou. S’il y a modification du syste?me e?lectoral, il y a aura clivage gauche-droite. Mais au moins les en- jeux seront clairs.

 

 

La création des métropoles représente–t-elle une avancée ou un énième échelon dans le mille- feuille administratif franc?ais que vous avez longtemps combattu ?
Je le vois de fac?on ne?gative : pourquoi Martine Aubry n’a-t-elle pas voulu que Lille fasse partie des villes estampille?es « me?tropoles europe?ennes » ? Pourquoi Lyon, Marseille et pas Lille ? S’il y a bien une ville europe?enne, c’est nous ! Pourquoi n’avons-nous pas non plus adopte? le syste?me des arrondissements ? C’est la peur du changement des e?quilibres politiques. LMCU a peur des 39 communes de droite du sud et des Weppes.

 

Justement, a-t-on raté la réforme de la carte communale ?
On a joue? petit bras. Le Pre?fet a accepte? ce regroupement improbable de la Pe?ve?le. C’est grotesque, il n’y a
rien de commun entre Orchies et Phalempin. Si Martine Aubry les avait voulus dans LMCU, elle aurait pu l’imposer au pre?fet. Attention, toutes les de?cisions d’ame?nagement prises en fonction de crite?res politiques se re?ve?lent e?tre souvent des catastrophes. Pourquoi deux Normandie ? Parce que Lecanuet et d’Ornano se de?testaient ! Ce sont des aberrations qu’on va porter tre?s longtemps.

 

Dans votre livre, vous insistez encore sur la fusion du Nord et du Pas-de-Calais alors qu’on assiste plutôt à des contre-exemples avec l’Alsace ou la Corse ?

Justement pas ! Au moment ou? l’Alsace essuyait un camouflet, nos deux de?partements organisaient leur convention a? Arras. En Alsace, ils ont fait l’erreur d’opposer deux territoires : Mulhouse la prole?taire a finalement refuse? la munificence de Strasbourg. La lec?on que nous devons tirer de l’e?chec alsacien, c’est bien de nous y prendre autrement. Alors voila? ma pro- position, issue de mon expe?rience avec le tribunal de commerce. Depuis toujours, Lille voulait la fusion. Roubaix-Tourcoing jamais. La solution : implanter le nouveau tribunal sur la zone de l’Union, a? la croise?e des deux villes. Nous pourrions transfe?rer le sie?ge de Re?gion et la pre?fecture a? Ar- ras. Puis faire comme a? Marseille avec l’Ho?tel-Dieu, en transformant la pre?fecture de Lille en Intercontinental. Et comme je pre?conise e?galement la fusion des 87 communes de la communaute? urbaine, on l’installe dans les locaux de l’actuel Conseil re?gional, pour enfin libe?rer la rue du ballon et en faire un nouveau centre tertiaire a? proximite? imme?diate de Lille Europe.

 

Même si la région a de beaux projets avec l’Ifmas ou Railenium, elle a peu béne?ficié du Grand Emprunt. Considérez-vous que malgré tout, elle saura en tirer profit ?
On ne vide pas la mer avec une cuille?re ! Too little, too late ! L’Etat a garde? a? Paris la matie?re grise. Renault Douai, 6000 emplois, Renault-Guyancourt, 6000 emplois. D’un co?te?, ce sont 6000 bac-2 de l’autre, 6000 bac+10. Les de?cideurs sont tous a? la De?fense et nous n’en avons que des miettes ! Ceci e?tant, les centres de gravite? sont en train de changer : avant 25 ans, celui d’Auchan sera parti en Asie et celui de Bonduelle aux Ame?riques. L’arbre tombe toujours du co?te? ou? il penche. Tant que nous ne serons pas devenus une ve?ritable me?tropole internationale comme Milan, Amsterdam, Bruxelles ou Barcelone, on ne pourra pas garder les sie?ges sociaux. Regardez La Redoute ou Castorama, aujourd’hui leur sie?ge social est a? Paris et a? Londres.

 

La compétitivité de la métropole n’est-elle pas affectée par la thrombose routière ?

C’est le principal e?chec des princes qui nous gouvernent. A commencer par les Pre?fets successifs alors que l’Etat par de?rogation au Grenelle de l’Environnement avait accepte? que Lille et Strasbourg construisent leur contournement. J’ai assiste? la mort dans l’a?me a? l’abandon de l’A24 et j’assiste depuis 20 ans au report e?ternel du contournement sud-est de Lille. C’est l’un des plus grands handicaps de la me?tropole et personne n’a le courage pour l’affronter.

 

Pourtant le diagnostic est partagé?
Martine Aubry est prisonnie?re des Verts qui n’en veulent pas. Et les maires de Roubaix et de Tourcoing savent tre?s bien que le de?veloppement de la me?tropole par le sud est conditionne? par la fin de la thrombose autoroutie?re. Or pour eux, Villeneuve d’Ascq les a de?ja? appauvris. Roubaix et Tourcoing ne se sont jamais remis de la fuite des classes moyennes dans les anne?es 60, me?me s’il y a de tre?s belles entreprises qui commencent a? y e?merger.

 

Martine Aubry pro?ne justement la culture comme tremplin pour rebondir, qu’en pensez-vous ?

C’est un ve?ritable booster, mais cela ne peut pas tenir lieu de de?veloppement

 

En 2014, le Comité Grand Lille aura 20 ans. Quel regard portez- vous sur cette aventure ?

Il a e?te? casse? a? Saragosse lorsque Martine Aubry a refuse? l’exposition internationale. Nous avions tous les atouts pour la re?aliser et de tre?s bonnes chances d’y arriver, porte?s par le the?me de l’e?nergie, bien avant Rifkin. Avec le Comite? Grand Lille, nous mobilisions avec un beau projet qui faisait re?ver. On a re?ve? avec les JO, avec la Capitale Europe?enne de la culture. Et maintenant quoi ? Le baby blues. On doit cultiver cette flamme avec une ex- position internationale. Tant que nous ne porterons pas un grand projet, le Comite? Grand Lille tournera en rond.

 

Êtes-vous encore confiant pour Seine-Nord ?

Il faut faire une croix dessus pour les anne?es qui viennent car les pro- grammes de cette envergure sont aujourd’hui abandonne?s. Malheureusement, il se trouve victime du surendettement de l’Etat. Le Nord-Pas-de- Calais n’est pas une priorite?, que le gouvernement soit de gauche ou de droite.

 

L’Etat a déjà fortement comprimé ses dépenses et vise désormais les collectivités. Avec de fortes conséquences sur la région ?
On ne peut pas tondre un œuf ! Les re?gions riches deviendront plus riches et les pauvres vont s’appauvrir. Les capacite?s contributives des citoyens ne sont pas extensibles a? souhait. A par- tir du moment ou? l’Etat dit « de?brouillez-vous », il y aura moins de redistribution. En Belgique par exemple, il n’y a plus de pe?re?quation, il n’y qu’a? comparer Mouscron et Courtrai, l’e?cart est saisissant. Il se creuse dans tout le quart nord-est franc?ais par rapport au littoral de l’ouest.
Prenons Calais. Ce territoire dis- pose apparemment d’atouts, comment expliquez-vous qu’il soit en extre?me difficulte? ? Alors qu’elle e?tait LA ville industrialo-portuaire par excellence comme Dunkerque, on constate une totale de?sindustrialisation. Il ne reste plus rien et le transmanche ne suffit pas. L’e?nergie produite par le gaz qui arrive au Clipon repre?sente l’e?quivalent du travail de 50 000 mineurs. Ils sont de?sormais une centaine de travailleurs. Finie la valeur ajoute?e. Dunkerque perd environ 1000 habitants par an parce que l’industrie lourde n’emploie plus personne. Sans compter les jeunes re?gionaux qui s’expatrient a? la sortie de l’e?cole. Lorsque certains reviennent et veulent poser leurs valises, ils ne choisissent pas la re?gion mais pluto?t Montpellier, Bordeaux, Lyon, Toulouse ou Nantes.

 

 

L’application du plan Rifkin et le changement de paradigme qu’il propose en région peut-il attirer ces générations ?

Nous avons ici le ne?cessaire pour re?ussir la transition e?nerge?tique. Pendant un sie?cle et demi nous avons chauffe? la France entie?re. Puis nous avons Gravelines et des gens extraordinaires comme Jean-Franc?ois Caron et Christian Traisnel. Est-ce que c?a suffira ? Bien su?r que non ; comme pour la culture, cela vient en plus. Il fallait oser faire appel a? lui mais il ne faut pas imaginer que c’est la panace?e. Un mot sur le tourisme, votre marotte ? La co?te est une friche touristique ! La re?gion n’a pas compris l’enjeu de la Co?te d’Opale. Qui la connai?t a? Paris et a? Londres ? Peu de personnes par rap- port a? la re?putation qu’elle devrait avoir. Il y a la? un potentiel, unique au monde, de 50 millions de clients entre les Belges, les Parisiens et l’im- mense classe moyenne anglaise. Bravo a? Jacques Gounon, patron d’Euro- tunnel pour son projet de complexe a? Sangatte. Calais et Boulogne sont les deux villes les plus pauvres de France en terme de PIB par habitant. Peut-on se priver d’un tel pactole ? Le tourisme ge?ne?re de l’emploi fe?minin inde?localisable. Ceux qui manquent justement sur ce territoire.

 

Les propositions Bonduelle : du neuf et de l'ancien
Pour relancer une dynamique me?tropolitaine et re?gionale, Bruno Bonduelle livre dans son dernier ouvrage 25 propositions a? Martine Aubry et Daniel Percheron. On y retrouve des ide?es novatrices et d'autres de?ja? bien connues. La premie?re d’entre elles consiste a? « Bruxelliser les adresses » avec un syste?me d'arrondissement, puissant en terme de vsibilite?. L'ancien cofondateur de Ge?ne?ration Ecologie pre?conise aussi de « transformer nos hectares agricoles en me?tres carre?s urbains », quitte a? faire hurler, ou encore de transformer en espace vert le cimetie?re de l'Est. Il propose aussi le prolongement le me?tro vers les po?les d'affaires d'Eurasante?, la Haute-Borne et Euratechnologies. Bonduelle enfonce encore le clou de la ne?cessaire fusion des deux de?partements, tandis que le bassin minier devrait e?tre me?tropolise?, notamment par le RER Lille-Lens que souhaitait Daniel Percheron. Il conside?re encore le potentiel touristique du littoral inexploite?, « une jache?re touristique », dit-il. Il pro?ne un travail commun entre Martine Aubry et Daniel Percheron pour un projet martele? une fois de plus : la construction d'une nouvelle gare TGV a? Seclin. Et pour attirer les jeunes travailleurs, il propose la construction d’une nouvelle ville a? la fibre durable : Ecopolille. Mais il veut surtout miser sur deux priorite?s : la re?organisation du re?seau autoroutier thrombose? et l'organisation d’une exposition internationale, un projet potentiellement mobilisateur, mais qui n'est pourtant clairement plus a? l'agenda aujourd'hui.

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