Argent connu argent foutu

Challenges nous livre la 15e édition de son classement des 500 plus grandes fortunes professionnelles de France. Sa lecture m'inspire trois remarques :

1°/ 25 sont nordistes, dont 20 Lille-métropolitaines ; la plupart se classent dans la première moitié du tableau, ce qui nous situe à beaucoup plus que 5 % du total.

2°/ Les deux premières sont nées à Roubaix, à moins d'un kilomètre l'une de l'autre. Cependant, comme d'illustres prédécesseurs Jean Prouvost ou Ferdinand Béghin, Bernard Arnault est devenu 100 % parisien alors que la famille Mulliez vit à 100 % dans le Grand Lille. Quant à François Dalle, lui aussi parisien, il vécut enfance et jeunesse à Wervicq-Sud. Président de L'Oréal pendant 25 ans, il n'est pas étranger à la fortune de la troisième.

3°/ Comparer les fortunes de la deuxième et de la troisième famille n'a aucun sens. Liliane Bettencourt est fille unique du fondateur et n'a qu'une fille, Françoise. Les héritiers Mulliez sont 600 ; ils seront 1 000 dans dix ans, faisant leur le précepte " Croissez et multipliez-vous ! ", le rapport est de 1 à 1 000. Quand l'une compte en milliards, les autres comptent en millions, ce qui n'est pas tout à fait la même chose !

Dès lors, mettre côte à côte les photos des deux patriarches relève de l'imposture. Plus grave encore, les 50 pages accompagnant le classement décrivent avec gourmandise au lecteur-voyeur les extravagances des oligarques russes et des princes arabes. Comme si richesse était synonyme de stupre. Comme si le champagne avec lequel se douchent les nymphettes dénudées sur la plage de Pampelonne avait le même goût que celui qui arrose grand-père et mamie qui fêtent leurs noces d'or avec le vivat flamand. Comme si une villa les pieds dans l'eau du cap Ferrat valait, avec deux zéros de plus, un appartement sur la digue d'Hardelot.

Tout le monde connaît l'auteur des deux maximes de notre répertoire : "Le bien ne fait pas de bruit ; le bruit ne fait pas de bien", "Argent connu, argent foutu".